Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

Huitième partie: Honda CB 500 X, ma petite Africa Twin

Index de l'article

Depuis 1980, date de mon entrée dans le monde de la moto, je suis un gros rouleur mais un petit consommateur. Je n'ai ainsi "consommé" que sept motos malgré un kilométrage conséquent qui doit avoisiner le million de kilomètres. Et seulement deux étaient neuves. J'ai très vite privilégié l'achat de motos d'occasion car cela me permettait de ne jamais engager un crédit et d'économiser de l'argent .... que je n'hésitais pas à investir dans des voyages au long cours, véritable bouffée d'oxygène pour moi.

Cette année 2019 sera l'exception qui confirme la règle.

 

 

Après avoir découvert il y a trois ans la nouvelle Honda Africa Twin et en être tombé amoureux, j'ai attendu patiemment que cette moto inaccessible financièrement voit ses prix baisser sur le marché de l'occasion. Tout au fond de moi, je savais que ce n'était pas raisonnable, que je n'avais pas besoin d'une moto de 1000 cm3 et de 95 chevaux. Mais, quand je regardais les motos disponibles, je n'en voyais aucune pouvant prendre le relais dans la continuité de ma Transalp 600. Honda ayant décidé de ne pas produire une Transalp nouvelle génération, seule l'Africa Twin répondait à mes attentes.

A partir du mois de septembre 208, j'ai donc commencé à fréquenter quotidiennement Le Bon Coin pour avoir une idée des prix pratiqués. Ce fut la douche froide; l'Africa Twin tenait bien la cote et mon budget prévisionnel était en dessous des prix demandés. J'ai donc attendu l'entrée de l'hiver propice à une baisse des prix, mais, malheureusement, ce n'était pas vraiment le cas. Et voilà que notre brave vieille Toyota nous fit comprendre qu'il était plus que temps de la changer. Aie! L'affaire se compliquait.

Début décembre. Tout s'emballe.Voiture de remplacement en vue, de faible coût, et achat d'une cinquième Transalp, sur un "coup de tête". Moto très peu kilométrée, état exceptionnel et désir de poursuivre ma relation privilégiée commencée en 1993 avec cette moto mythique. Tout allait bien. Avec moins que le budget initialement prévu, la maison familiale accueillait deux véhicules au lieu d'un.

Hélas, la joie fut de courte durée. Malgré tous mes efforts, je dus me rendre à l'évidence, cette Transalp 700 ne me convenait pas. Il fallait trouver une solution, et vite. Rouler sur une moto sans éprouver le moindre plaisir, c'était une sensation nouvelle pour moi .... et très désagréable!

J'ai donc commencé à m'intéresser de près à une nouveauté de la marque présentée en novembre au Salon EICMA, la Honda CB 500 X. Son orientation plus trail, avec une roue de 19 pouces et un pneu plus étroit, des débattements de suspensions augmentés, me plaisait et je savais que la base était bonne vu que j'avais essayé cette moto cinq ans auparavant.

1er février 2019. C'est décidé, je me sépare de ma Transalp 700. Je suis chez mon concessionnaire et je négocie la reprise de la moto pour l'achat de cette CB 500 X. Sebastien, prudent, me dit qu'il me préviendra dès qu'ils auront la moto afin que je la rode et me fasse une idée précise sur cette nouveauté. Le jour J, il m'envoie un message et j'arrive dare-dare à la concession. 650 kilomètres plus tard, je reviens le sourire aux lèvres. Je ne me pose plus de questions, j'ai juste envie d'en avoir une et de rouler avec. Je me souviens avoir eu ce même sentiment ô combien agréable lorsque j'avais essayé ma première Transalp 600. J'étais revenu en sachant que cette moto était faite pour moi.

Vendredi 29 mars 2019. 17 heures. Mon passage à ma concession favorite a un goût particulier. Dans l'atelier, Fred s'occupe d'une moto sur le pont. Elle est blanche, je la trouve très belle, c'est la mienne! C'est la première fois que je peux l'examiner de visu avec ce coloris et je ne regrette vraiment pas mon choix. Je trouve qu'il la valorise. Le graisseur de chaîne est installé, ainsi que la béquille centrale. Pour les poignées chauffantes, il faudra attendre encore un peu, une partie du matériel n'est pas arrivée.

Samedi matin. Je ne risquais pas d'oublier de me réveiller aujourd'hui! J'ai le cœur léger en parcourant les quarante kilomètres qui me séparent de Tarbes. La moto est fin prête. Elle a enfilé son sac à dos appelé plus communément top case dans le milieu motard, la plaque d'immatriculation est fixée. Sébastien limite au maximum les conseils, peut-être de peur vexer le vieux motard que je suis! Je lui en demande toutefois sur le tableau de bord car j'ai un peu de mal avec cette nouvelle génération numérique.

 

Il est 11H30 quand je quitte la concession. j'ai annoncé à Marie de ne pas m'attendre pour le repas de midi car j'ai surtout envie de bouffer du kilomètre!

Je conduis ma moto avec beaucoup de prévenance. Elle va avoir droit à un rodage soigné. J'emprunte les petites routes sur les coteaux qui se dirigent vers les montagnes. Je suis à l'écoute de ma petite CB 500 X; on est là pour faire connaissance. Je laisse le moteur ronronner entre 2 et 4000 tours/minute.  Un peu plus tard, j'entame la montée du col d'Aspin. Le bicylindre tracte gentiment, je suis heureux. Dans la descente, j'apprécie le caractère instinctif de ma monture; elle se manie avec une facilité totale.

 

 

Petite halte à Saint Lary où je fais un "repas" rapide, au soleil sur une terrasse. Je regarde ma moto posée sur sa béquille. Esthétiquement, elle s'est "trailisée" comparée à l'ancien modèle, au point que je la verrais très bien avec un pot d'échappement haut, dans le style de ma Transalp 600 (au hasard!).

J'attaque la montée du col d'Azet. Dans les épingles, je goûte à son agilité qui permet de la basculer à droite à gauche sans effort, mais sans vivacité excessive. Un excellent compromis entre les deux. La descente sur Loudenvielle est un régal. Nul besoin de solliciter le moteur en rodage, j'enchaîne les virages avec gourmandise tant la moto semble les apprécier, les freins répondent présent.

 

 

 

C'est maintenant le col de Peyresourde qui me tend les bras. Le soleil est de la partie pour fêter mes premiers tours de roues avec ma moto. Je me sens bien installé, la position est naturelle. Les suspensions me confirment leur progression. Finie la dureté excessive qui m'avait chagriné en 2013. Là, je sens que l'amortisseur absorbe bien les chocs et la fourche est également prévenante. Tous ces points font que je me sens au guidon d'un trail et non pas au guidon d'un roadster surélevé. La nuance est d'importance pour moi. Je continue d'enfiler les virages d'une simple impulsion sur le guidon et la moto suit mon regard sans l'ombre d'une hésitation. J'aime le ressenti au niveau du train avant; l'adoption de cette roue plus fine de 19 pouces est une excellente idée, Monsieur Honda!

J'ai repéré sur la carte un itinéraire sympa avant d'arriver à Luchon. Je bifurque à gauche sur la route du port de Balès. Un peu plus haut, à Bourg-d'Oueil, un panneau indique que la route est fermée mais les deux barrières très espacées sont une incitation à tenter le passage. Mais, à quelques centaines de mètres du sommet, la neige envahit la route. Il reste bien une mince trace libre mais si près du précipice que je ne m'y risque pas.

Je rejoins donc Luchon et emprunte la route de l'Hospice de France. Pas de chance, elle est fermée elle aussi. J'en suis quitte pour attaquer une nouvelle fois le col de Peyresourde.

A chaque arrêt, j'ai du mal à trouver la béquille latérale. Pour l'attraper, assis sur la moto, il faut contourner le repose-pied par l'arrière et trouver l'ergot du bout du talon. Vraiment pas évident.  Puisque l'on en est au chapitre des défauts, par moment, je trouve que le sélecteur est un tout petit peu bas; je n'avais pas eu cette impression avec celle que j'avais essayée il y a trois semaines. Il faudra que je vérifie s'il est possible de le régler. A part ces petits points de détail, je suis heureux à son guidon. Elle me donne envie de rouler, et c'est bon signe!

Avant de rentrer à la maison, je m'offre les douze kilomètres de montée du col d'Aspin. Je ne m'y ennuie pas même en limitant mon régime à 4000 tours/minute car le moteur tracte bien.

Bagnères de Bigorre, Loucrup, Ossun, Bénéjacq. J'évite les grands axes pour rejoindre Pau.

320 kilomètres parcourus aujourd'hui et une consommation vérifiée de 3,2 litres aux 100. Sur cette moto, l'ordinateur de bord se révèle moins juste que sur la moto d'essai car il m'indique 2,9 litres.

Aujourd'hui, c'était le hors d'œuvre. Demain, place au plat de résistance, j'ai toute la journée devant moi!

Dimanche. 8 heures. La Honda m'attend, sur sa béquille centrale. Celle-ci est facile à manier, cela me change de ma (fugitive) Transalp 700 qui paraissait très pesante lors de cette opération. 

Démarrage au quart de tour. Avant de rejoindre la montagne, je profite de la campagne environnante. Morlaàs, Vic en Bigorre,Rabastens de Bigorre. Un léger brouillard s'est invité mais le soleil a fini par prendre le dessus. Je rejoins ensuite Trie sur Baïse sur des routes sinueuses à souhait et désertes. Arrivé à Lannemezan, j'opte pour une petite route qui longe la Neste et m'amène à proximité de Saint Bertrand de Comminges. Il est si facile de quitter les axes routiers principaux monotones; c'est devenu pour moi une habitude d'aller à la rencontre des départementales sur lesquelles mon taux de plaisir motocycliste augmente considérablement. Ma CB 500 X se révèle une compagne de route idéale dans ces conditions où je suis parfois obligé de chercher mon chemin en alternant les arrêts pour consulter la carte ( je suis un motard à l'ancienne, dépourvu de GPS) et les demi-tours. Son petit gabarit et son rayon de braquage autorisent ces errements tant elle est facile à manier. Et j'apprécie tout autant sa souplesse permettant d'oublier parfois le maniement du sélecteur.

 

 

Col des Ares. cela fait 160 kilomètres que je roule et hausse naturellement le rythme dans cette montée. Je ressemble aux vieux moteurs diesel, il me faut un peu de temps pour m'échauffer! Droite, gauche, je n'en finis pas de balancer la moto. Elle est légère à manier et permet d'improviser sur cette route que je ne connais pas. Un virage qui se referme? Pas de problème, le frein arrière est un précieux allié dans ce cas et une impulsion un peu plus forte sur le guidon suffit à inscrire la moto. C'est simple, j'ai ce sentiment très agréable que la moto va là où mon regard porte et que je peux modifier à tout moment ma trajectoire.

Col de Buret, col de Portet d'Aspet, la route prend de la hauteur. La saison hivernale n'est pas tout à fait finie car je ne peux pas  emprunter le col de la Core malheureusement fermé. Qu'à cela ne tienne, je rejoins Saint Girons et prend la belle route de Massat. Je fais une petite halte dans le village. Sur la place, il y a un petit restaurant. Je décline le menu et me contente d'une tarte aux oignons et d'un thé. C'est que j'ai un rodage à terminer!

Direction les cols de Caougnous et Port. La route est bosselée et je constate avec plaisir que les suspensions sont efficaces. Je suis bien sur un trail. Je place les roues avec précision sur les trajectoires mais, au-dessus, c'est moins rigoureux,dans le bon sens du terme. Je veux dire par là que les chocs provoqués par les inégalités de la route ne se répercutent pas directement sur moi. Il sont absorbés par les suspensions prévenantes et un châssis pas trop rigide. En outre, je suis bien installé au guidon, j'ai de la place, je peux facilement bouger, changer de position de conduite, voire me relever ( la position debout est plutôt naturelle mais je vais peut-être essayer de  mettre le pontet rehausseur destiné à ma Transalp 700 pour la parfaire). C'est la différence avec une sportive ou un roadster, il y a plus d'espace. Un trail, c'est comme l'appartement T2 comparé au studio, on y vit plus à son aise dedans....

Le cap des 500 kilomètres est dépassé et je m'autorise 500 tours/minute de plus. Comme je l'avais déjà remarqué sur la moto d'essai, le regain de couple à 4000 tours/minute est  sensible. Je note avec plaisir que les barrettes de la jauge à essence descendent régulièrement, mais doucement.

A Tarascon sur Ariège, puis Foix, je retrouve une route un peu plus droite. C'est l'occasion de constater que la bulle en position haute me protège suffisamment. Elle forme une bonne barrière contre le vent sans pour autant m'isoler totalement, un bon compromis pour moi.

Saint Girons. Cette route droite me permet de récupérer un peu mais je m'ennuie. A Mane, je tourne à gauche et m'en vais rejoindre la route d'Aspet avant de m'attaquer une nouvelle fois au col d'Ares. Dans ces enfilades de virages, ma moto est comme un poisson dans l'eau. Elle a cette facilité que j'aimais tant sur ma Transalp 600 mais elle ajoute une efficacité bien plus grande. Sur ma CB 500 X, il est beaucoup plus aisé de basculer la moto de droite à gauche. C'est d'une facilité inouïe et je ne m'en lasse pas. C'est vraiment son terrain de prédilection.

A Lannemezan, au kilomètre 437, je tombe sur la réserve. Sur le tableau de bord, mon kilométrage disparait ainsi que la consommation moyenne pour laisser la place au kilométrage à parcourir et au litrage consommé à partir de cette mise sur la réserve . Très pratique une fois vérifié le contenu de la réserve. Je ne tarde pas à le faire en m'arrêtant cinq kilomètres plus loin dans une station d'essence. Je rajoute 13,77 litres après 442,5 kilomètres parcourus, ce qui fait une excellente moyenne de 3,11 litres/100! La réserve fait donc environ 4 litres, ce qui laisse une grande marge de manœuvre. Et au total plus de 500 kilomètres d'autonomie.

Après avoir brièvement hésité à faire un petit détour par le col d'Aspin, je me dis que ce n'est peut-être pas  très raisonnable et "je me contente" de traverser les Baronnies, l'endroit de mon département d'origine que je porte le plus dans mon cœur. Trente kilomètres de bonheur. Un grand coup de fatigue me tombe dessus; je m'arrête et mange quelques noix pour requinquer le bonhomme. 

 

Encore soixante-dix kilomètres jusqu'à Pau. Pas de courbatures, ni de mal aux fesses. Mon corps remercie ma nouvelle moto d'être si facile à conduire. Elle ne fatigue pas son conducteur. Depuis hier, j'ai parcouru 900 kilomètres et j'ai confirmation que nous allons faire une bonne équipe, tous les deux. Nous sommes en phase. Elle aime ma manière de conduire et j'apprécie ses qualités. C'est bien un trail, même si ses débattements de suspensions et son pot bas disent le contraire. En tout cas, elle se comporte de la même manière et ses capacités forcément limitées en tout-terrain ne me gêneront pas.

Oui, j'en suis sûr maintenant, elle sera ma petite Africa Twin.