Aucun répit entre deux virages. Ils se succèdent, impriment un rythme fait de droite et de gauche ; la moto penche d’un côté, puis de l’autre dans un ballet répétitif mais réjouissant. Après huit heures de route, ces cinquante derniers kilomètres sont jouissifs. Ma moto si prompte à prendre de l’angle, est comme un poisson dans l’eau sur un tel terrain. Je me délecte de cette sinuosité. Le revêtement est souvent incertain mais je ne ralentis pas la cadence. Nul besoin de puissance dans cet environnement peuplé de virages en tout genre. L’agilité de ma Honda y fait merveille. Le soleil ne va pas tarder à disparaître derrière les reliefs alentours. Il m’a accompagné tout au long de la journée, depuis mon départ de Castres.
J’ai banni de mon itinéraire les grands axes routiers et j’ai régalé mes pupilles de paysages grandioses. Je loue mon choix pour me rendre dans ce lieu-dit perdu des Cévennes. Je n’ai pas retenu la solution d’une étape rapide d’une journée via l’autoroute. J’ai opté pour les chemins détournés qui m’ont fait traverser, depuis hier, l’Ariège, la Montagne Noire et les gorges du Tarn. Le kilométrage a sensiblement augmenté mais quand c’est au bénéfice du plaisir éprouvé au guidon, ce n’est que du bonus.
Ces deux jours « à rallonge » ont permis une nouvelle fois de mettre en évidence le grand niveau de confort de ma CB 500 X. Une position de conduite naturelle alliée à des suspensions prévenantes, un moteur doux secondé par une boîte de vitesses qui l’est tout autant et une facilité de conduite extrême, l’ensemble ne génère qu’une fatigue limitée lors de longues étapes. Le corps n’est soumis à aucune tension particulière et, quand on enchaîne des centaines voire des milliers de virages en deux jours, c’est une précieuse caractéristique. Sauf à rouler régulièrement en duo et à être un adepte des gros moteurs coupleux, cela me conforte dans l’idée qu’une moyenne cylindrée est un choix raisonnable certes, mais sûrement pas dénué d’un véritable plaisir.
Au cours de ces deux jours, j’ai à plusieurs reprises eu à manier la moto dans des conditions délicates pour des prises de vues. Avec ma moto agile et suffisamment légère, je n’ai jamais hésité à m’aventurer dans des endroits pas très accessibles en sachant qu’un demi-tour serait à tout moment possible. Cet aspect-là facilite la vie de celui qui est au guidon. Tranquillité et sérénité sont au rendez-vous et m’ont une nouvelle fois accompagné tout au long de ces 800 kilomètres.
Les cinq jours suivants, ma Honda a pris du repos sous l’appentis, à côté des buches de bois ; Quant à moi, j’ai quitté le guidon pour occuper mes mains et mes doigts avec le soufflet et les touches de mon accordéon diatonique. Cinq jours à baigner dans la musique. Les mélodies et les accords de Nostalgie balkanique, de Mouchti ou de la gavotte d’Alzen ont peuplé mon esprit dans cette belle maison de pierre des Cévennes.
La route est luisante après une nuit pluvieuse mais le soleil parvient parfois à se faire une petite place au milieu des nuages. C’est le jour du retour avec un programme aussi sinueux que celui du parcours aller. La Lozère me dévoile ses charmes magnifiés par des tons de lumière contrastés.
Peu à peu, je prends la mesure de l’adhérence des pneus et ma confiance grandit. La pluie s’invite, je mets mes précieuses poignées chauffantes en position 1. Mes pare-mains jouent leur rôle en déviant l’eau de mes gants.
C’est maintenant le Cantal qui m’ouvre ses portes sous ses belles couleurs automnales. Plus tard, après Aurillac, j’emprunte la route de Saint Céré, sinueuse à souhait. Les virages se multiplient pour mon plus grand plaisir. Malheureusement, la pluie se renforce et je termine l’étape à l’énergie juste avant la tombée de la nuit.
Je sais, entre autre, pourquoi j’aime la moto. C’est pour le goût exquis de la longue douche chaude après une journée difficile ….
Dernier journée de route sous un vent violent. Arbres arrachés, poteaux à terre, route jonchée de branchages et revêtue d’un tapis de feuilles mortes, l’heure est à la vigilance sur ce revêtement très glissant. Régulièrement, des bourrasques violentes tentent de déséquilibrer l’équipage. Je l’avais déjà constaté et cela se confirme ; malgré son chargement, ma moto est assez peu sensible au vent.
Qui dit vent dit alternance de pluie et d’accalmies avec quelques apparitions ô combien bienvenues de l’astre solaire.
J’arrive trempé à Pau. Ma moto est maculée de boue. Les projections provenant du pneu arrière sont bien loin d’être canalisées comme cela était le cas sur mes Transalp 600. Le simple examen de la partie arrière de la moto, apporte la réponse. Sa finesse et l’absence de protections efficaces ne peuvent que donner un tel résultat. Je pense que c’est le lot de beaucoup de motos actuelles qui ont souvent fait abstraction des aspects pratiques au bénéfice ( ?) du style.
Bilan de cette belle virée musicale de 1600 kilomètres. Vraiment aucun regret dans le choix d’itinéraires détournés. Découverte de coins superbes, traversées de villages ancrés dans leur territoire, sensation très agréable d’être en voyage malgré la faible durée du «périple ».
Muni du SpeedoHealer, j’ai enfin retrouvé un compteur juste (légèrement optimiste plutôt d’après les radars installés à l’entrée des villes). Les sacoches souples de la VTR 250 installées au dernier moment se sont avérées pratiques. Je ne me voyais pas installer mes vieilles sacoches Touratech disproportionnées par rapport à la taille réduite de ma moto.
Au niveau consommation, les chiffres sont toujours excellents (2,91 litres/100, puis 2,95 litres et enfin 3,28 litres), mais je le savais avant mon départ. Un véritable chameau cette moto !
La moto vient d’atteindre ses 15000 kilomètres. C’est une véritable routière, elle me l’a confirmé une fois de plus.