Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

Il était une première fois en Algérie

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Devant nous, la Peugeot 504 croule sous le poids de ses innombrables bagages. La pauvre voiture, écrasée par la charge, semble se demander ce qu'il lui arrive. Peu à peu, le hangar se remplit de véhicules aux chargements aussi impressionnants; les vélos côtoient les réfrigérateurs, les cuisinières…. et les tapis. L'ambiance est électrique, un mélange de joie et d'impatience. Le long du quai, à quelques encablures, le ferry attend paisiblement l'envahissement programmé de ces centaines de voyageurs. Le soleil s'élève lentement dans le ciel et Marseille s'embrase. Je contemple notre moto en tenue de baroudeuse, Corinne discute avec nos voisins Tunisiens impatients de revenir au pays. En attendant l'embarquement, nous partageons leur repas dans une ambiance chaleureuse.

Route désertique

 

 

 

 

 

 

 

Quelques heures plus tard, sur le bateau, nous faisons la rencontre d'un couple de motards, Michel et Caroline avec lesquels les discussions se prolongent tard dans la nuit. Le lendemain, l'émotion est à son comble lorsque nous approchons des côtes africaines. Le débarquement se déroule dans une joyeuse cohue qui nous met immédiatement dans l'ambiance tunisienne. Nous nous rendons dans l'unique camping de la capitale où nous sommes refoulés par un militaire qui nous apprend que cet endroit sert de logement à des palestiniens ( nous apprendrons quelques semaines plus tard que l'armée israélienne a bombardé ce qui était le PC de l'OLP !).Nous nous mettons en quête d'un hôtel. Peine perdue, ils sont tous complets. Au quinzième établissement, devant notre insistance, le réceptionniste nous propose de nous loger sur la terrasse, solution de fortune approuvée à l'unanimité par les quatre motards épuisés après cette fastidieuse recherche. Pour nous remettre de nos émotions, nous dénichons un petit resto où nous dégustons un délicieux couscous. L'ambiance est au beau fixe.

Descente vers le sud tunisien. Le lendemain, nous quittons Michel et Caroline et filons, plein sud, en direction de Tozeur. Progressivement, la végétation se raréfie pour laisser la place à un paysage désertique. Lors d'un arrêt sur le bord de la route, nous faisons la connaissance d'un Tunisien qui nous invite à partager son thé ; paisiblement assis à l'ombre des arbres, il garde la propriété de son patron. Il nous fait découvrir la douceur de vie à la tunisienne.

Plus loin, quelques chameaux déambulent à la recherche d'un peu de nourriture.

Soudain, apparaît la magnifique palmeraie de Tozeur, véritable îlot de verdure au milieu de ce paysage aride. La tente est rapidement montée à l'abri de quelques palmiers. J'entame une petite séance de mécanique avec Mabrouk, le gardien du camping, qui connaît quelques soucis avec sa mobylette. Plus tard, une longue discussion s'engage et nos idées parfois opposées nous font prendre conscience de nos différences et nous enrichissent mutuellement.

 

 

Palmeraie de Tozeur

Sur ses conseils, nous nous dirigeons vers Tamerza, oasis de montagne située à quelques kilomètres de la frontière algérienne ; ce sont les premiers tours de roues de notre moto sur la piste et, ma foi, elle ne s'en sort pas trop mal. Une superbe montée en lacets nous élève au dessus du Chott El Djerid dont la croûte recouverte de sel étincelle sous le soleil; les mirages s'en donnent à cœur joie dans cet univers irréel. Nous entamons une marche dans la palmeraie et le l'impressionnant canyon en contrebas.

Oasis de Tamerza

Piste de Tamerza (Chebika)


Le lendemain, nous sommes un peu tendus à l'approche de la frontière algérienne. Nous avons encore en tête les mises en garde de certaines personnes de notre entourage, encore traumatisées par les évènements de la guerre d'Algérie.

Les formalités s'éternisent dans une cohue généralisée où l'on apprend au fur et à mesure qu'il est encore nécessaire de passer par un nouveau bureau pour remplir une autre fiche. La patience est de rigueur car les rares Algériens à se plaindre sont immédiatement refoulés en fin de queue. Enfin, trois heures plus tard, munis du tampon libérateur, nous nous dirigeons vers le cabinet d'assurance d'Etat, la carte verte n'étant pas valable dans ce pays.

L'Algérien qui nous reçoit est extrêmement chaleureux, ce qui nous change des contacts avec les douaniers quelques instants auparavant. Il nous questionne sur notre itinéraire et nous propose tout naturellement de dormir chez lui, à une centaine de kilomètres de la frontière. Etant bloqué par son travail toute la semaine, il écrit quelques mots sur un bout de papier à l'attention de son frère. Nous sommes un peu désarmés devant une telle gentillesse spontanée à l'égard de personnes qui lui étaient étrangères il y a une heure. Aurions nous agi ainsi en pareille circonstance ?

Quelques heures après, nous nous présentons, un peu gênés, au frère de Salah, dans le petit village de Magrane. L'accueil est chaleureux et nous nous sommes invités à pénétrer dans la maison de la famille. Il y règne une certaine effervescence car le mariage d'un cousin est en cours de préparation. Corinne est adoptée par le groupe des femmes et soulève la joie quand elle accepte un maquillage au henné sur les mains et les pieds. Nous passons une journée de rêve en leur compagnie qui s'achève tard dans la nuit à déguster un délicieux thé à la menthe au sommet d'une dune. En une journée, notre appréhension avant d'aborder ce pays s'est envolée.

Le lendemain, nous quittons nos nouveaux amis car une longue route nous attend. Ici, le temps n'a pas la même importance que chez nous et ils nous proposent de rester une semaine entière pour assister aux futures festivités du mariage.



Algérie

Nous arrivons à El Oued, la ville aux mille coupoles. En effet, de très nombreuses maisons sont recouvertes d'une coupole, caractéristique architecturale de cette région destinée, semble-t-il, à assurer une certaine fraîcheur à l'intérieur des habitations. Ces courbes s'harmonisent parfaitement avec le paysage environnant, mélange de dunes au relief peu prononcé et de palmiers plantés au fond de trous creusés dans le sable pour se rapprocher de l'eau souterraine.

Plus tard, nous traversons Touggourt. Cette ville marque le point de départ d'un grand voyage dans les années 20. En effet, c'est en 1922 que cinq auto-chenilles Citroën quittèrent Touggourt pour rejoindre Tombouctou après une traversée du Sahara. Ce périple sera suivi de deux extraordinaires aventures humaines que furent la Croisière Noire de Colomb Béchar à Madagascar et la Croisière Jaune ( traversée de l'Asie).

La route jusqu'à Ghardaïa est une longue ligne droite surchauffée parsemée de rares cafés, halte obligatoire pour le repos de la machine et de ses deux passagers. Nous sommes sous le charme de ces immensités désertiques ; quel changement par rapport à nos points de repère habituels ; ici, nous roulons pendant des heures sans voir un arbre, croiser une maison et je cherche désespérément un virage pour pimenter la conduite de notre moto. La joie est plus intérieure à sentir tout son être s'imprégner peu à peu de ce paysage sans fin.

Honda 500 VTE Algérie

 

 


Nous faisons halte à Ghardaïa. La visite de la ville ( en fait une des cinq cités accrochées aux collines) a une saveur particulière. On y pénètre à pied uniquement pour se perdre dans des dédales de ruelles ombragées aux tons bleutés. Il y règne une atmosphère particulière teintée de mystère; nous ne tardons pas à être abordé par un habitant qui nous propose de nous faire découvrir sa ville. Les mozabites qui vivent ici sont très religieux et nous apercevons de temps en temps des panneaux en bois aux dessins explicites, comme par exemple celui d'un couple se tenant par la main barré d'une croix. Notre compagnon nous fait l'honneur de la visite de la mosquée de son quartier. Nous sommes heureux en le quittant; les Algériens sont vraiment d'une gentillesse extrême et nous avons honte en pensant à l'accueil qui leur est réservé en France, même si le contexte n'est pas le même.

 

Rue de Ghardaïa

Rue de Ghardaïa

En quittant Ghardaïa, nous empruntons la Transaharienne, unique voie de communication reliant Alger à Tamanrasset. Il y a une dizaine d'années, un motard avait parcouru les 2000 kilomètres séparant les deux villes dans la journée, au guidon d'une Yamaha 1100 XS ! Il avait voulu inaugurer à sa manière ce nouvel axe routier. J'ai encore en mémoire l'article qui avait paru dans Moto Journal et qui racontait cette journée de folie. Ce motard s'appelait Fenouil ; après de nombreuses participations au Paris-Dakar, il est devenu l'organisateur du rallye des Pharaons.

Sur cette route déserte, nous avons le sentiment de rentrer dans un autre pays et nous roulons des heures entourés par du sable, une végétation pauvre et rare…. et des mouches affamées et agressives qui se précipitent sur nous lors de chaque arrêt . Le désert se fait de plus en plus présent et la chaleur s'installe.

A notre arrivée au camping d'El Goléa, nous sommes accueillis par un groupe de motards en partance pour Tamanrasset, comme nous. Chacun inspecte minutieusement sa moto avant d'affronter la partie la plus dure du parcours. Pour notre part, nous filons dans un petit resto où nous mangeons notre premier chameau-frites !

Le lendemain, nous nous reposons en prévision des futures étapes dans le sud du pays ; une patte de fixation du porte bagages est fissurée et je rends visite au soudeur du coin. Le travail est vite fait, bien fait et l'homme me demande une somme dérisoire car, m'annonce-t-il, je suis son premier client annonciateur d'une bonne journée . Excellente coutume à généraliser de toute urgence en France !

Le soir, nous discutons longuement avec un des deux frères qui s'occupent du camping devant une tasse de thé. Il nous parle pendant des heures de son pays avec amour, de son lopin de terre où il s'échine à faire pousser ses cultures malgré la sécheresse. Il nous rassure sur nos prochaines étapes en nous recommandant de prendre notre temps et nous déconseille vivement de poursuivre notre route avec tout notre chargement, beaucoup trop important d'après lui. Dans un pays où la vie s'écoule lentement, il est vrai que, pauvres européens, nous sommes en complet décalage. La sagesse et la sérénité de notre compagnon nous rassurent et c'est confiants que nous nous glissons dans nos duvets.

 


La moto délestée d'une partie de ses bagages, le départ a lieu le lendemain, à l'aube, en prévision de la dure journée à venir. Un superbe lever de soleil nous accompagne dans nos premiers kilomètres.

Deux heures plus tard, nous atteignons le plateau de Tademaït, immense étendue dénudée que la vie semble avoir abandonnée.

 

Plateau du Tademaït

 

A partir de là, c'est une route complètement défoncée qui nous accueille ; par endroit, des pans entiers de goudron ont disparu. Nous sommes même obligés d'emprunter pendant quelques kilomètres une piste parallèle où notre moto, peu adaptée à ce genre de terrain, se bloque régulièrement dans des passages sablonneux. Nous n'en menons pas large d'autant que la chaleur torride nous oblige à de nombreux arrêts pour nous désaltérer. Soudain, dans ce paysage désertique, surgissent deux petites tornades qui emportent avec elles poussière, sable et cailloux vers le ciel, à perte de vue. Ces apparitions étranges ajoutent une note supplémentaire au caractère envoûtant de l'endroit.

Tornades algériennes

 

 



Peu après, alors que nous nous désaltérons, un poids lourd dont on aperçoit au loin le long panache de poussière se détourne de la piste et vient à notre rencontre ; l'homme au volant veut juste s'assurer que tout va bien et que nous avons assez d'eau jusqu'à In Salah ; la solidarité est totale dans cette contrée hostile car le moindre problème peut rapidement avoir des conséquences tragiques. Nous prenons peu à peu conscience de cette réalité à mille lieux du cocon routier français.

Du lever au coucher du soleil, nous parcourons ainsi les 400 kilomètres séparant El Goléa d'In Salah. Nous arrivons un peu défaits au camping, conscients d'être rentrés dans le vif du sujet. Une petite voix intérieure essaie de m'expliquer que rejoindre Tamanrasset en duo sur une moto de route n'est vraiment pas raisonnable mais je m'empresse de remiser ce conseil tout au fond de mon cerveau ; j'ai tellement envie de réaliser ce vieux rêve. Tamanrasset fait partie de ces noms de ville qui ont accompagné ma jeunesse au travers de mes lectures au même titre que Katmandou, Tombouctou. Il y a comme une promesse derrière ces noms et une irrésistible force intérieure me pousse à rejoindre ce lieu.

 

In Salah

Fatigués par la journée de route, nous n'avons pas le loisir d'apprécier la ville. Nos seuls souvenirs seront l'architecture particulière avec de belles maisons en argile rougeâtre, l'eau saumâtre impossible à avaler et une chaleur étouffante que la nuit ne parvient pas à chasser; en outre, les moustiques s'en donnent à cœur joie et nous regrettons notre tente laissée au camping d'El Goléa. Heureusement, nous rencontrons Franck, un motard du nord de la France. Il fait preuve d'un enthousiasme qui déteint sur nous et nous montre sa superbe moto, une Barigo spécialement conçue pour ce type de voyage.

Très tôt le matin pour profiter d'un peu de fraîcheur, nous entamons les premiers kilomètres un peu tendus. La route est toujours en mauvais état et les kilomètres défilent lentement au rythme des multiples obstacles à franchir.

En retrait de la route, nous apercevons un vieux camion Berliet arrêté. Un homme fait un signe que nous interprétons comme un appel à l'aide; en fait, les deux camionneurs que nous rencontrons sont bien en panne et ont entrepris de réparer la pièce défaillante de l'arbre de transmission mais ils nous invitent tout simplement à partager le doux moment du thé avec eux . Ici, il n'y a pas de borne d'appel sur le bord des routes comme en France et chacun doit se débrouiller par soi-même. Les deux hommes en ont pour deux jours de mécanique mais cela ne semble pas les inquiéter outre mesure. Ces incidents font partie de leur quotidien et ils acceptent avec philosophie les caprices de leur camion hors d'âge.

Route désertique

 

 


Plus tard, nous pénétrons dans les majestueuses gorges d'Arak, sur un bitume soudainement excellent. Mais, dix kilomètres plus loin, la route est fermée pour cause de remise en état par les militaires. Nous sommes à Arak ; n'imaginez pas un village avec sa place, son épicerie, ses rues et sa mosquée. Non, Arak, c'est un poste à essence, un camping et un café-restaurant perdus dans un cadre grandiose. La chaleur est écrasante et nous décidons de nous reposer avant de nous lancer sur la piste. Dans cet endroit si éloigné de tout, le couscous du soir est à l'image de l'aridité environnante ; nous cherchons vainement sous la semoule le moindre morceau de viande. Ce repas rustique est largement compensé par la chaleur humaine du restaurateur.

Le lendemain, il fait encore nuit quand nous quittons Arak. Les premiers kilomètres ne se passent pas trop mal sur une piste caillouteuse où notre moto ne s'en sort pas trop mal ( à 20 kilomètres de moyenne quand même !).

 

 

Sortie des gorges d'Arak

 

Piste d'Arak

 

Panneau algérien

 

Mais, peu à peu, les passages de sable font leur apparition et sont les témoins d'une scène identique : la roue avant de la moto s'enfonce , Corinne doit alors descendre pour la pousser pendant que j'accélère à fond, le moteur hurle sa désapprobation et l'embrayage patine. Quand ce ne sont pas les bancs de sable, c'est l'horrible tôle ondulée qui nous attend, usante, destructrice. L'aiguille du thermomètre d'eau se rapproche dangereusement de la zone rouge. Progressivement, le découragement s'installe et Corinne finit par craquer nerveusement quand notre jerrican en plastique crève et déverse ses 10 litres d'essence sur nos duvets ! Je me sens un peu désemparé et le doute s'insinue doucement en moi.

Piste Arak-In Ekker

Soudain, deux motos tout-terrain nous doublent avec facilité ce qui finit de nous décourager. C'est à ce moment qu'apparaît notre ange gardien, en l'espèce une Land Rover avec à bord trois personnes en provenance de Lyon. Le conducteur, témoin de nos ensablements, nous propose d'emmener Corinne qui prend place à bord. Je poursuis seul cette piste. La conduite est moins périlleuse qu'en duo mais je n'en mène pas large ; tout mon corps est tendu, tentant désespérément de diriger ma Honda ; le ventilateur est maintenant constamment en marche et je suis obligé de m'arrêter à de nombreuses reprises pour laisser refroidir le moteur. La piste me semble interminable. A la nuit tombante, nous rejoignons enfin la route et nous nous arrêtons quelques instants après à In Ekker. Le repas du groupe s'organise sous les étoiles, les discussions vont bon train, chacun racontant ses impressions après cette journée. Le repas du soir mijote mais je n'ai pas le loisir de l'apprécier ; épuisé après cette difficile journée, je m'endors comme une masse au milieu de mes compagnons.

Après une nuit réparatrice, j'ouvre un œil et aperçois notre moto posée sur sa béquille latérale. Repeinte couleur sable, la plaque d'immatriculation et un clignotant pendant misérablement, elle semble avoir pris un coup de vieux et je suis inquiet en pensant aux milliers de kilomètres qui nous séparent encore de Tarbes.

 

 

Près de notre campement, nous sommes surpris de trouver des barbelés. Un Algérien nous apprend que la zone au delà des barbelés est contaminée et interdite d'accès suite aux essais nucléaires français effectués dans les années 60. Charmant endroit pour camper !

 

In Ekker

 


Plus tard, nous effectuons une petite visite d'In Ekker, en fait un village mort. De nombreuses maisons disparaissent presque totalement sous le sable. Cela donne un aspect irréel à ce village, avec une impression de fin du monde.

Nous abandonnons sans regret cette ville fantôme. La route vient d'être refaite et c'est avec une joie non dissimulée que je peux conduire en toute sérénité.

Quelques heures, plus tard, l'émotion est à son comble quand apparaît le panneau Tamanrasset. Sans nous en rendre compte, nous nous sommes peu à peu éloignés du niveau de la mer et c'est avec surprise que nous apprenons l'altitude de la ville, 1400 mètres.

Nous faisons une arrivée remarquée au camping car nous retrouvons les motards rencontrés à El Goléa, surpris que nous ayons pu franchir les difficultés de la piste avec notre routière. Pour fêter nos retrouvailles, nous nous rendons dans un sympathique petit restaurant. Au cours du repas, nous décidons de nous joindre au groupe de motards pour monter le lendemain à l'ermitage du Père de Foucauld installé dans les montagnes du Hoggar avoisinantes. Ce religieux est venu s'installer au début du siècle dans cette région habitée par le peuple touareg pour lequel il éprouvait une attirance particulière. Il construisit un ermitage sur le plateau de l'Assekrem, lieu favorable à la méditation

La nuit est agitée avec les attaques incessantes des moustiques sans pitié pour nos corps fatigués.


 

Piste du Hoggar

La piste caillouteuse s'élève, se frayant un chemin entre les montagnes ; c'est un monde minéral qui nous accueille ; pas d'arbre, aucune trace de verdure. Notre progression est lente, occupés à éviter les cailloux les plus importants qui parsèment la piste. Au fur et à mesure de l'avancement de la journée, les couleurs passent de l'ocre au mauve ; nous nous sentons infiniment petits au milieu de ces montagnes de pierre.

Piste du Hoggar

En fin d'après-midi, le moteur de notre Honda s'étouffe, refusant d'aller plus loin. C'est légèrement angoissé que j'entreprends de déterminer la cause de la panne ; heureusement, il ne s'agit que de l'entrée du filtre à air complètement obstruée par le sable. Quel soulagement ! Peu après, la BMW d'Eric est victime d'une crevaison ; avant d'entamer la réparation, nous admirons le spectacle qui s'offre à nous ; la journée tire à sa fin et le paysage prend une autre dimension.

Nous arrivons enfin sur un petit plateau ; 10 heures ont été nécessaires pour parcourir les 80 kilomètres qui nous séparent de Tamanrasset.

Après une inoubliable nuit à la belle étoile, nous gravissons à pied les quelques centaines de mètres pour atteindre l'ermitage du Père de Foucauld.

Ermitage du père de Foucauld

Là haut, à 2800 mètres d'altitude, nous contemplons, silencieux, un superbe lever de soleil.

Lever de soleil sur l'Assekrem

Peu après, nous faisons la connaissance d'un des trois pères qui vivent là. Il est arrivé il y a 15 ans dans ce lieu qu'il a adopté. Il nous explique longuement les sentiments qui l'animent dans cet endroit reculé ; une profonde joie intérieure émane de ce personnage et nous l'écoutons raconter avec passion sa vie au quotidien. Il nous apprend que cet ermitage n'est pas le seul présent dans ces montagnes mais que les trois autres sont réservés aux personnes qui souhaitent effectuer une retraite. Il nous raconte son travail quotidien de…. météorologiste ; en effet, il assure avec les deux autres pères le relevé des instruments installés dans ce lieu par la météorologie algérienne. Il nous explique qu'il y a un très faible taux d'humidité dans l'air et c'est pour cette raison que rien ne parvient à pousser dans ces montagnes. Exceptionnellement, en 1980, après des pluies diluviennes au cours de l'hiver, il avait eu l'immense joie d'assister à la naissance d'un magnifique jardin coloré dans la montagne avoisinante, comme si, pendant des années, les graines sous terre attendaient le moment opportun, les conditions climatiques idéales pour venir à la vie dans ce monde minéral. Malheureusement, la sécheresse de l'air ambiant n'avait pas permis à ce miracle de se prolonger très longtemps.

Nous ressentons un bien être énorme au contact de ce religieux et c'est avec regret que nous le quittons pour rejoindre Tamanrasset.

 

Piste du Hoggar

Nous retrouvons notre camping qui ressemble étrangement à un immense atelier de mécanique. Presque tout le monde s'affaire à redonner un semblant de forme à son véhicule avant la descente sur le Niger ou la remontée dans le nord du pays et les arbres sont décorés d'objets hétéroclites tels que les filtres à air en train de sécher.

Tamanrasset est une ville de garnison ; à ce titre, elle est peuplée de militaires. Malgré tout, elle possède un charme certain, peut-être car elle donne ce sentiment de se trouver loin de tout avec, au sud, la longue piste pour rejoindre l'Afrique Noire et, au nord, In Salah à 650 kilomètres. Alors que nous déambulons dans Tamanrasset, une musique aux sons très doux se répand dans les rues de la ville et nous apercevons quatre touaregs installés en retrait, le long d'un mur qui, munis d'instruments de musique traditionnels, sont tout simplement en train de jouer dans leur coin, seuls. Nous n'osons pas nous approcher de peur de les déranger mais nous restons un moment à les écouter, sous le charme de ce instant magique.

 


In Ekker : un peu tendu, je pénètre dans le bureau du commandant de gendarmerie. L'enjeu est de taille ; je vais tenter d'obtenir l'autorisation d'emprunter la route fermée en cours de rénovation. J'ai le sentiment que notre moto serait incapable d'encaisser une nouvelle fois les 250 kilomètres de piste. Pendant des heures, c'est une véritable partie d'échecs qui se joue. Mon adversaire est coriace, soufflant le chaud et le froid, parfaitement conscient que notre sort ne dépend que de sa décision. Pour tromper mon impatience, je m'attaque à nettoyer mon radiateur colmatée par le sable, un beau jeu de patience. A la fin, je sors mon va tout ; je jette les clefs de la Honda sur le bureau de notre interlocuteur en lui expliquant que dans quelques kilomètres sur la piste, elle tombera en panne et qu'il est préférable qu'il la garde. L'homme se lève, un sourire aux lèvres, et nous demande de le suivre . C'est gagné ! Nous allons pouvoir rejoindre Arak!

Le soir, alors que nous installons notre campement à l'écart de la route, près du Marabout Moulay Hassan, un routier va se garer un peu plus loin. Plus tard, il vient nous demander de lui prêter un tire-bouchon ; nous discutons longuement de son travail. Il nous apprend que les chauffeurs ont 4 jours pour rejoindre Alger à Tamanrasset (2000 kilomètres), ce qui n'est pas une mince affaire compte tenu de l'état de la route, quand elle existe. Il nous raconte ses dix années passées en France comme chauffeur routier, une véritable promenade de santé en comparaison des conditions de route algériennes.

La nuit est tombée quand nous nous glissons dans nos duvets, les yeux grand ouverts sur les milliers d'étoiles et la voie lactée ; le silence est total, notre émotion intense. C'est ce moment que choisit notre voisin routier pour mettre en marche son auto-radio ; Vivaldi et ses quatre saisons nous emporte encore plus loin dans le bonheur.


C'est avec un certain plaisir que nous retrouvons notre petit café à l'entrée des majestueuses gorges d'Arak.

La route entre In Salah et El Goléa est toujours aussi éprouvante mais, l'habitude aidant, nos organismes supportent mieux ces conditions de route difficiles. Et le paysage est tellement beau qu'il nous fait oublier notre fatigue.

 

Passage sablonneux

Au camping d'El Goléa, nous récupérons les bagages laissés à l'aller. Nous ne regrettons pas d'avoir suivi les sages conseils du propriétaire du camping en allégeant notre monture. Sans cela, je pense que nous aurions été dans l'impossibilité de rejoindre Tamanrasset.

La fin du mois approche à grands pas et il est temps pour nous de songer au retour. Nous passons de longues heures sur la moto à aligner les kilomètres sur les interminables lignes droites algériennes avec heureusement un revêtement de qualité et une beauté de paysage dont on ne se lasse pas.

Nous pénétrons de nouveau en Tunisie et filons sur l'île de Djerba pour y goûter un repos bien mérité. La tente est montée au bord de l'eau et nous passons trois jours de farniente à nous baigner et à déguster les poissons fraîchement pêchés.
Pour conclure en beauté notre voyage, nous passons une journée à déambuler dans la très belle médina de Tunis où règne une atmosphère paisible, propice à la flânerie et à la rêverie.

Médina de Tunis

Médina de Tunis

 

Lever de soleil près de Tunis

Puis, c'est la longue traversée de la méditerranée et une dernière étape à l'énergie pour arriver dans la nuit à Tarbes. Il est temps, le boulot recommence demain !