Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

France-Pakistan - Turquie, ma bien aimée

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SalinUrfa (28 mai 2002)

 

Salin Urfa

J'avais oublié à quel point régnait une grande douceur de vivre dans ce pays où les habitants ont en eux une grande gentillesse teintée de discrétion.


Ici, les femmes sont femmes, pas des masses informes cachées derrière de sombres tissus. Il y a deux catégories: celles qui s'habillent à l'européenne et les traditionnelles mais l'important est qu'elles font elles mêmes le choix; ce ne sont pas quelques hommes à la tête d'un Etat qui s'arrogent le droit d'imposer un code vestimentaire aux femmes du pays.
Plus on reste dans un pays et plus on se sent concerné par les injustices, les abus, la dictature d'Etat et je commençais à ne plus supporter cette politique qui restreint tellement la liberté des individus en Iran.


Je respire un peu mieux en Turquie. Quoique. La traversée du pays Kurde a été l'occasion de remarquer les nombreux blindés de l'armée garés au bord de la route, le canon pointé vers la montagne. Je n'en avais pas vu autant à l'aller, ils devaient être camouflés sous l'épais manteau neigeux du moment....
Connaissant le goût prononcé des autorités turques pour le dialogue, il ne doit pas être tous les jours facile être kurde dans la région.


Et pourtant, que de merveilleuses rencontres avec ce peuple, comme avec les Pakistanais, les Iraniens, les Turcs. En fait, je réalise au cours de mes voyages que l'immense majorité des terriens aspire à une vie paisible, en harmonie avec leur prochain. Quelques uns, assoiffés de pouvoir, tentent d'imposer leur conception des choses. Dans le meilleur des cas, en démocratie, le peuple est là pour surveiller leurs agissements mais dans ces pays autoritaires, ils s'arrogent le pouvoir de nuire à leurs concitoyens, d'édicter des textes restreignant les libertés et de déclarer des guerres dont le peuple n'a rien à faire.
En Iran comme en Libye il y a quatre ans, j'ai été profondément choqué par cette vie "misérable" subie par des millions de personnes.


A SalinUrfa, je retrouve avec plaisir l'atmosphère très syrienne de cette ville. Est-ce la proximité de la frontière, mais je trouve que le bazar fait plus souk si vous voyez ce que je veux dire.


Hier, le passage de la frontière d'Essendère a toujours été aussi folklorique; tout d'abord, un no man's land de 8 mètres carrés dans lequel je me suis vu enfermé avec ma moto après avoir quitté l'Iran en attendant que ces messieurs du pays voisin daignent venir m'ouvrir, ensuite les fonctionnaires interrompant à regret leur repas du matin pour remplir quelques documents et enfin le petit garçon d'un douanier chargé d'ouvrir les grilles une fois les formalités accomplies!


J'ai retrouvé une montagne superbe dans ses couleurs printanières, avec de multiples tons de vert. Ce fut un véritable plaisir d'enchaîner les virages dans ce paysage, un oeil sur la route, un autre admirant qui le torrent, qui le village ocre sous le soleil levant, qui le lac avec en fond un pic enneigé. Et plus besoin d'attendre le pire du véhicule arrivant en face; ici, on roule (enfin!) normalement et mon coeur a retrouvé un rythme cardiaque plus raisonnable!

Lac de Van

Göreme (31 mai 2002)

Il fait nettement moins froid qu'au mois de mars et c'est avec grand plaisir que je monte ma tente pour deux jours de repos minimum dans cette région. Avant, je suis monté à Nemrut Dag. Il y a plus de 2000 ans, un roi a décidé de se faire enterrer tout en haut d'une montagne, à 2150 mètres d'altitude, pour se rapprocher des Dieux. Les rois ont de drôles d'idées, comme les hommes d'ailleurs, mais eux ont souvent les moyens de les réaliser. Cinq statues représentant des divinités sont posées là haut; il ne reste plus que les têtes et cela leur donne un côté émouvant alors qu'elles semblent contempler pour l'éternité le soleil se coucher chaque soir.

Nemrut Dag


J'ai passé un long moment en leur compagnie dans le silence de la montagne....jusqu'à l'arrivée de paquets de touristes piaillant à qui mieux-mieux. J'ai préféré battre en retraite. Un peu plus bas, sur le parking, j'ai rencontré un groupe de motards français en BMW arrivés ....en minibus, sauf l'un d'entre eux plus courageux que les autres.


Il faut dire que les 10 derniers kilomètres grimpent rudement et que la route pavée devient rapidement un champ de pavés sur lequel on est bien secoué. J'y serais monté en Ducati, sur que je perdais la moitié de la boulonnerie (petit message destiné à Eric !).

Route turque


Puis une douce soirée dans un petit camping qu'on appellerait "à la ferme" chez nous où trois vaches broutent autour de la tente et où la vie s'écoule paisiblement. J'ai eu du mal à en sortir de cette très belle région et je me suis perdu pendant trois heures sur des petites routes qui se transformèrent en pistes. Mais l'endroit donne vraiment envie de s'y poser pour quelques jours.
Je vais parler de Titine avant qu'elle ne fasse sa crise de jalousie: hier, nous avons fêté, d'abord ses 150 000 kilomètres, puis quelques heures après les 25000 kilomètres du voyage. Elle mériterait un nettoyage en règle mais semble capable de me ramener à la maison. Je croise les doigts.