Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

Quatrième partie:1993-2007 (2014-....), le bonheur motocycliste ou quatorze années (et plus....) au guidon de mes trois (quatre... cinq) Honda Transalp - Le bonheur et la moto.

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  7 juillet 2016:     ll m’est difficile de trouver les mots pour parvenir à décrire le bonheur que j’éprouve lorsque je suis au guidon de ma moto.


  Comment définir le doux moment qui précède la mise en route du moteur, celui où le cerveau quitte son environnement pour entrer dans le monde du deux roues ?

Cette agréable adrénaline qui monte en moi alors que j’installe mes bouchons d’oreilles, enfile le casque et les gants, que je me baisse pour ouvrir le robinet de mon graisseur de chaîne, que j’effectue ce geste des milliers de fois répété de la jambe droite qui, en souplesse, survole la selle avant que la botte se positionne sur le repose-pied.

Puis, la main qui cherche la clef de contact en se faufilant près de l’imposante sacoche de réservoir.

Le pouce droit qui appuie sur le bouton de démarreur pour réveiller le V-twin pendant que la main gauche, dès les premiers soubresauts du moteur, s’en va gérer la meilleure position du starter.

La petite impulsion sur le pied gauche pour redresser la moto, le même pied qui se glisse sous la béquille latérale pour la replier.

L’attente brève avant d’enclencher le premier rapport dans un claquement caractéristique.

Le relâchement en douceur du levier d’embrayage.

Les premiers virages abordés avec délicatesse, en pensant à la gomme encore froide des pneus. La poignée de gaz maniée avec douceur en écoutant le moteur dont la voix s’éclaircit au fur et à mesure qu’il monte en température.

Le regard attentif à la circulation dans laquelle j’essaie de m’immiscer sans aucune brusquerie.

La vitesse qui augmente progressivement alors que mon corps a pris la mesure de son environnement.

Je ressens alors un plaisir intense en sentant que je m’insère naturellement dans le flot de la circulation. J’aime la sensation de cette montée en puissance de la moto qui, imperceptiblement, parvient à se dégager du rythme que lui imposent les autres véhicules ; j’aime cette fluidité que j’arrive à mettre naturellement dans mon pilotage.

Je sens bien que mon cerveau est constamment en plein travail, analysant en permanence les situations, mais je ne le ressens pas comme une contrainte ; au contraire, c’est avec une certaine délectation que je le sollicite afin de trouver, à chaque instant, la solution pour faire face à tous les obstacles qui pourraient me gêner dans mon mouvement.

Régulièrement, j’ai un petit plaisir qui se manifeste tout au fond de moi, parce que j’ai réussi, grâce à cette anticipation de tous les instants, à dépasser le plus proprement possible cette voiture, à enchaîner ces quelques virages sans brusquerie mais dans un rythme soutenu. La précision et la douceur que j’arrive à imprimer dans le passage des vitesses me procurent de la joie car j’aime sentir que ma moto ne souffre pas.

La lecture du terrain, des dénivelés, des virages occupe également tout mon esprit. Je ne ressens pas de plaisir à introduire de la « violence » dans mon pilotage. Je préfère donner la priorité à un équilibre le plus juste possible entre une totale fluidité et un rythme que, parfois, j’ai envie d’augmenter malgré tout.

En effet, il m’arrive, parce que je sens que c’est le moment et que ma lucidité est entière, de lâcher la bride. Je retarde alors mes freinages, sollicite un peu plus la poignée de gaz et le sélecteur mais sans rompre cet équilibre si jouissif qui nous relie, ma moto, mon environnement et moi-même.

Mon attention est alors décuplée, je suis en mesure de réagir instantanément aux imprévus, je ressens encore mieux les réactions de ma moto que je suis en train de solliciter un peu plus. J’atteins alors une sorte d’extase à repousser les limites sans me mettre en danger, sans rompre cet équilibre si important pour moi. Chaque prise d’angle ajustée me remplit de joie, le vrombissement un peu plus fort du V-twin me fait vibrer, j’accompagne naturellement les mouvements de la moto sur les inégalités de la route.

Je forme un tout avec ma moto, je « suis » ma moto, ma moto « est » moi, et une espèce d’euphorie m’enveloppe et me transporte. Cela peut durer quelques kilomètres ou un peu plus si la route belle et sinueuse se prolonge.

Quand cet épisode arrive à terme, je retrouve un rythme plus paisible mais j’ai tout au fond de moi, bien ancré, le souvenir d’un moment merveilleux qui a éclairé ma vie. Car, durant ces moments privilégiés, tout ce qui peut être négatif, tout ce qui peut influer négativement sur mon moral a été balayé, emporté loin d’ici.

Je retrouve alors un rythme plus sage mais le plaisir ne se dissipe pas pour autant car le seul fait d’être au guidon suffit à m’en procurer.

Le sentiment de liberté qui m’envahit sous le casque est renouvelé à chaque sortie, sous le soleil mais aussi par temps de pluie ou lorsque les frimas de l’hiver sont arrivés. Je n’envie alors pas les automobilistes, bien à l’abri et au chaud ; la voiture leur donne du confort, mais ma moto me livre du bonheur sur un plateau d’argent.

Un bonheur durable qui plus est car cela fait maintenant bientôt trente-six ans que ça dure. Et que ça s’amplifie, mes sensations au guidon prenant de l’ampleur, se bonifiant avec le temps, comme un bon vin.

La durée du parcours importe peu, même si les étapes plus longues ont un goût particulier, et plus encore les voyages au long cours au cours desquels je parviens à un sentiment de plénitude impossible à exprimer mais merveilleux à vivre.

Pas plus tard qu’hier au soir, j’ai aimé le simple parcours Tarbes-Pau alors que le soleil allait se coucher. La forte chaleur de la journée avait diminué, la lumière était belle, les montagnes étincelantes au loin. La route était déserte et j’étais bien sur ma selle pendant que le moteur ronronnait sous le réservoir.

A mi-parcours, une envie soudaine m’a fait bifurquer sur la droite, pour prolonger ce doux moment, j’ai emprunté des routes moins rectilignes, traversé quelques villages calmes, la route a pris un peu d'altitude. J’ai fini par retrouver la nationale juste avant Pau mais j’ai encore eu envie de détours et la première route qui m’a tendu les bras fut la bonne. Quinze minutes supplémentaires avant que je me décide à éteindre le moteur et à ranger ma Transalp dans le garage familial.

Je suis rentré dans la maison, calme, détendu avec la certitude que la nuit serait douce et agréable.

Pour tous ces moments si intenses, merci à toutes mes motos !