Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

Voyage dans le temps: le petit mono au Maroc

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Juillet 1982. La chaleur est suffocante. Un vent venu du sud souffle sur le camping d'Argelès sur mer et amène avec lui un air surchauffé, inquiétant même, alors que la nuit est tombée. A cette heure, la température devrait logiquement baisser mais c'est l'inverse qui se produit. C'est dans ces conditions que nous partons, le lendemain matin, sur le petit CG 125. Nous franchissons la frontière espagnole, le thermomètre bat tous les records et affiche 45 degrés. Par endroit, le goudron a fondu et les camions espagnols Pegaso nous envoient le souffle brûlant et noirâtre de leur pot d'échappement.

 

Nous arrivons épuisés dans la banlieue de Madrid où un camping nous tend les bras. Je suis malade et m'engouffre dans la tente canadienne à la recherche d'un repos bien mérité. Dehors, un poste de radio diffuse la demi-finale de la coupe du monde de football entre l'Allemagne et la France. J'ai la tête prête à exploser, j'implore le silence mais le match n'en finit pas. Je finis par trouver le sommeil. Le lendemain, j'ai retrouvé quelques forces et nous arrivons à Algéciras pour embarquer sur un ferry qui nous amènera sur le continent africain. Après la Tunisie l'année précédente, c'est le Maroc qui va être la destination de notre deuxième voyage à moto. Un voyage intense, intensif parfois avec cette chaleur estivale trop forte dont je garde le souvenir quelques décennies plus tard. Mais, si physiquement ce fut un voyage difficile (avec une perte de poids de cinq kilos au passage!), j'en retins surtout un immense bonheur. Pays magnifique et varié, accueil chaleureux des Marocains, émotion de notre première incursion sur la piste entre Erfoud et Merzouga.

 

 


 

 

Juillet 2017. Je suis venu assister aux courses du Promosport et surtout à celles de mon poulain. Bruno, son père, m'annonce qu'il envisage, l'année suivante, d'acheter une vieille 125 et d'aller au Maroc avec Dom, le mécano d'Alex. "Cela te dirait de venir avec nous?" Et comment! Mais, ce n'est pas possible, car un voyage en famille de 15 semaines jusqu'en Iran est prévu en 2018. Je décline donc son invitation.

 

Fin mars 2018. A quelques semaines du départ, nous sommes contraints, la mort dans l'âme, d'annuler ce voyage préparé depuis trois ans. Nous rebondissons avec une virée moins longue et moins lointaine en Ecosse. C'est à partir de ce moment-là que l'idée a germé dans mon esprit. Puisque je serai disponible, pourquoi ne pas me joindre à Bruno et Dom?  Oui, mais avec quelle moto? La réponse me parait soudain évidente. C'est avec mon CG que je dois l'accomplir, 36 années après.

Je téléphone à Richard à qui j'avais donné ma 125 il y a 23 ans. "Richard, accepterais-tu de me prêter ta moto pour que j'aille lui faire visiter une nouvelle fois le territoire marocain?". C'est d'accord, il n'y a plus qu'à aller chercher le petit mono qui est resté en Charente Maritime. J'effectue un aller-retour dans la journée et ramène la petite Honda sur une remorque. Elle est recouverte de poussière, piquée superficiellement par des points de rouille mais j'ai confiance.

Arrivé à la maison, je la lave et la rend plus présentable avec de la paille de fer. Je suis ému de la retrouver, ma première moto, celle qui m'a mis le pied à l'étrier, qui m'a fait découvrir le bonheur des voyages lointains. 

 

Sébastien, mon voisin, vient me proposer son aide pour la remise en route. Proposition bienvenue car je dois reconnaître que je suis loin d'être un as de la mécanique. Nous entamons donc le travail, assez réduit en définitive. Etriers de freins à dégripper, vidange du moteur, changement de la bougie, démontage du carburateur qui est resté très propre. Un peu d'essence dans le réservoir et le monocylindre fait très vite entendre son doux pom-pom caractéristique. Je suis heureux.

Petit bémol, Bruno m'annonce que ni lui, ni Dom ne pourront effectuer ce voyage. Mince! J'ai trop envie de partir, je téléphone à Jean-Roland, mon beau-frère, pour lui proposer de m'accompagner avec sa Yamaha SR 125 qu'il a conservée. Il accepte!

Mardi 9 octobre 2018. Je m'installe au guidon. Manette du starter soulevée sur le carbu, un coup de kick et le moteur se réveille. J'actionne le levier d'embrayage; qu'il est dur! Il va falloir sérieusement s'en occuper si je ne veux pas attraper une tendinite. C'est parti. J'avais oublié à quel point elle était menue, cette moto; j'ajuste ma position pour me sentir bien dessus. Dans la ligne droite, des voitures me doublent. Le compteur ne marche pas. Il faut dire que Richard a légèrement modifié la Honda. Devant, il a installé une fourche avec double frein à disque! Et pas n'importe quelle fourche; c'est celle qui équipait le cyclo de course qu'il avait confectionné il y a bien longtemps pour participer au championnat de France de la catégorie. Avec deux titres à la clef en 1988 et 1989. Il a également mis les roues de son cyclo, avec les roues Comstar.

 

 

Au final, cela donne une allure très sympathique au petit mono. Le bémol, c'est que je me retrouve avec un rayon de braquage digne d'une Ducati! En outre, avec la petite couronne installée à l'arrière, la moto tire très long. Mais ce ne sont que des détails. Pour l'instant, je suis juste heureux de rouler via les petites routes sinueuses au doux son du monocylindre. Sur les revêtements bosselés, ça remue pas mal; on est loin du confort de ma Transalp. Je commence à  réaliser que le voyage jusqu'au Maroc ne va pas être triste!

 

Après deux heures de route, j'arrive à ma concession préférée à Tarbes. Je suis venu chercher quelques pièces pour préparer le voyage.

 

 

Philippe me propose de monter au grenier. Là-haut, je suis accueilli par des morceaux de motos de toute provenance. Les fourches côtoient les réservoirs, les morceaux de carénage sont empilés, des réservoirs sont accrochés au mur, des épaves sont alignées les unes contre les autres. Dans la pénombre, Philippe repère un CG 125 de 1998;  il a un porte-bagages .... et des clignotants. Super, c'est ce que je cherchais! L'après-midi  se déroule comme dans un rêve, je me suis installé dans l'atelier et Philippe, le mécano, vient régulièrement m'apporter son aide bienvenue et nécessaire. Il intervient sur le phare qui ne fonctionne pas à l'intérieur duquel se mélangent les fils électriques, il me conseille quand il me voit peiner. Peu à peu, ça avance et je repars joyeux à 19 heures de la concession. J'ai eu l'impression pendant ces cinq heures d'être rentré un peu dans mon futur voyage. J'ai ressenti du soutien et cela fait du bien.    

 

  

 

 

Dimanche 14 octobre 2018. J'ai pu tester l'étanchéité du CG! 120 bornes sous une pluie persistante avec un moteur qui n'a pas bronché. Sur la route jusqu'à la maison de Richard avec des nombreux dénivelés, j'ai pu de nouveau constater que la démultiplication n'était pas au top, c'est le moins que l'on puisse dire, alors que le petit mono avait justement une démultiplication excellente permettant de conserver la 5ième dans les faux plats ou avec le vent de face, même en duo. C'était, je m'en souviens très bien, une de ses grandes qualités. Là, je dois régulièrement passer la quatrième et la troisième pour éviter que le régime moteur ne s'écroule. Il est vrai que la moto est passée d'un 14 X 34 à un 15 X 30, et d'une roue arrière de 17 à 18 pouces. Je retrouve les réflexes de la 125 avec une anticipation de tous les instants pour ne pas perdre de la vitesse. C'est qu'il n'y avait que 11 chevaux déclarés sur le certificat d'homologation de la moto et depuis, les années ont passé et le kilométrage aussi. Je l'estime à 130 000 km, ce qui veut dire que le moteur a sûrement perdu quelques chevaux en route! J'arrive chez Richard juste avant que le déluge ne s'installe. Ouf!

Le fouillis dans le phare est remis en ordre; il y aura encore quelques aménagements à apporter mais ça avance doucement. Dans moins d'un mois, si tout va bien, le petit mono sera sur le bateau entre Barcelone et Tanger....

 

 

Mardi 30 octobre 2018. Le cœur bat plus fort, j'ai parfois du mal à m'endormir avec le cerveau qui balaye toutes les difficultés à venir dans la préparation du voyage; rien d'autre qu'une situation normale. J'ai toujours cette période un peu particulière qui précède le départ. La tête s'affole parfois car elle imagine tout ce qu'il reste à faire et tous les obstacles à franchir. A la limite, je dirais que c'est bon signe!

L'embarquement à Barcelone est maintenant connu. Ce sera le 12 novembre à 10 heures. Cela veut dire que nous aurons 450 kilomètres à parcourir la veille au guidon de nos grosses mobylettes. Je pressens une première étape à l'énergie. Je croise les doigts pour que le mauvais temps nous épargne et nous permette de franchir les Pyrénées tranquillement. Il faut dire que, depuis deux jours, les températures ont chuté et l'on est passé de l'été à l'hiver sans transition.

Le petit mono est retourné chez Richard pour une inspection plus approfondie de l'installation électrique actuellement bien trop fantaisiste pour pouvoir partir sereinement. Oui, j'en suis maintenant certain, ce voyage sera placé sous le signe de l'incertitude....

                        

31 octobre 2018. J'ai vraiment le sentiment d'être dans la dernière ligne droite. Après une nuit écourtée par un sommeil aux abonnés absents et une matinée au travail, j'enfourche ma fidèle Transalp et parcours les soixante kilomètres  qui me séparent de Richard. Le petit mono m'attend avec le phare ouvert. Il y a eu du ménage de fait à l'intérieur. Seul problème, la centrale clignotante récupérée chez mon concessionnaire ne fonctionne pas. Je laisse les vis platinées et le condensateur, la mousse de filtre à air et le pignon de 13 dents que j'ai récupérés hier et m'en vais chez Top Moto. Quarante kilomètres plus tard, je fais une nouvelle visite du grenier au milieu des épaves et trouve en compagnie de Bruno présent sur place une nouvelle centrale clignotante. Une demi-heure plus tard, je suis de nouveau chez Richard. Le phare est refermé, le pignon installé. Mon ami me détaille les petites modifications apportées pour fiabiliser la moto. Le porte-bagages ne bouge plus, un filetage défaillant a retrouvé un état plus présentable. Comme toujours, cela a un effet apaisant sur moi; avec lui, tout parait simple. Demain, je pars pour la Dordogne; on se donne rendez-vous dimanche, lors de mon retour. Je laisserai ma Transalp chez lui et récupèrerai le petit mono. Il sera temps. Sept jours plus tard, ce sera le départ tant espéré! 

 

 

 

Dimanche 4 novembre. De retour de Dordogne avec ma Transalp, je m'arrête à Ladevèze. Le petit mono m'attend. Richard a peaufiné certains détails. Je rentre à la maison sous un magnifique soleil couchant. Avec le pignon de 13 dents, je retrouve un moteur alerte qui ne s'essouffle pas à la moindre déclivité; c'est beaucoup plus confortable à conduire. J'ai retrouvé le plaisir de sentir le moteur reprendre sur le couple à bas régime dans le doux bruit du monocylindre. Par contre, il se confirme que la phare n'est qu'un modeste lumignon et il va falloir trouver une solution pour être vu par les usagers de la route. Heureusement que Jean-Roland, avec son super phare de Diversion 600 installé sur sa Yamaha pourra m'apporter la lumière qu'il me manque! A l'arrivée, le clignotant gauche pendouille, il va falloir renforcer la fixation....

Lundi 5 novembre. Je viens de trouver un phare pour VTT chez Décathlon avec batterie intégrée. Enfin, je vais pouvoir sortir de l'obscurité! J'ai installé la sacoche de réservoir de la Transalp et les sacoches de la VTR 250 sur le petit mono. Il y a encore une foule de détails à régler, un rétroviseur à trouver par exemple; ça sent bon le départ prochain. Plus que six jours à attendre.... 

 

Jeudi 8 novembre 2018. Mon dos donnant des signes qui ne me plaisent pas beaucoup, une carte verte qui a décidé de bouder la boîte à lettres nécessitant un aller-retour dans l'urgence à Bayonne pour la récupérer, la pluie qui semble s'inviter bref, tous les ingrédients pour faire monter la pression à deux jours du départ. Pour oublier tout ça, montage de mes bons vieux manchons, ajustement des sacoches et test du phare de VTT. Vivement la libération du départ!

 

 

 

 

 

 Vendredi, veille du départ. La tension monte. La carte verte de Jean-Roland n'est toujours pas arrivée et nous n'avons pas envie de jouer avec les douaniers marocains. Je pose ma demi-journée et file au guidon de la VTR la récupérer à Bayonne. 130 km/h à 8500 tours/minute, les 110 kilomètres sont parcourus rapidement. Je récupère le précieux sésame et apprend par l'occasion que j'aurais pu aller à la permanence de Pau dont j'ignorais l'existence! Demi-tour pour me rendre à Tarbes. Juste avant l'arrivée , j'ai soudain envie d'ouvrir les gaz en grand. La température a baissé et je sens le V-twin qui respire bien sous le réservoir. Je me retrouve à 155 km/h alors que la moto s'engage dans la descente de Ger; le moteur prend ses tours jusqu'à la limite de la zone rouge. L'aiguille du compteur indique 170! C'est ensuite le retour sur Pau, j'aurai effectué 300 kilomètres aujourd'hui, une bonne mise en jambes avant le départ demain.

 


 

Samedi 10 novembre 2018. Je suis debout à 6 heures, mais la tête ne répond pas. Une sorte de sourde angoisse qui me pèse et mon dos qui donne des signes avant-coureur d'un lumbago. Bref, ce n'est pas la forme olympique. La matinée s'écoule à m'occuper des derniers préparatifs, mais je n'arrive pas à me projeter.

13 heures. Dédette et Jean-Roland arrivent avec le Partner. Nous sortons la Yamaha SR 125 qui va accompagner le petit mono dans ce voyage rempli d'incertitudes. On finalise les chargements.

15 heures. Il est temps de partir. Manon verse quelques larmes en voyant partir son papa. Vite, il faut y aller, sortir de Pau.

 

Enfin, la route. Je tente de trouver une position de conduite pas trop pénible pour mon dos ( pas facile dans cet espace plus que réduit!). Jean-Roland me double de temps en temps; c'est clair, son moteur marche mieux que le mien.

Traversée de Tarbes. On passe devant Top Moto mais on ne s'arrête pas. On voudrait arriver avant la nuit à Ainsa.

Premier petit souci (y en aura-t-il d'autres?), mon clignotant gauche ne fonctionne qu'une fois sur deux. Vous allez me dire que c'est ce que l'on demande à un tel équipement. Oui, d'accord, mais j'aimerais que l'on sache quand je vais dépasser un véhicule même si cela risque de ne pas arriver souvent! 

Je commence à me lâcher dans la rampe de Piétat mais, dix kilomètres plus loin, le moteur s'arrête brutalement. Glups! C'est l'anti-parasite de la bougie qui a sauté en marche. Bricolage de fortune avec mon scotch américain et demi-tour jusqu'à chez mon concessionnaire. J'ai compris, petit mono, tu voulais juste faire une halte chez Top Moto.

C'est reparti avec un anti-parasite tout neuf.

A Capvern, on se dirige vers les montagnes. Alors que le soleil décline, j'entrevois sur ma droite les Baronnies si chères à mon cœur. Nous rentrons dans Saint Lary alors que la nuit est tombée. Les nuages sont menaçants sur les sommets mais nous avons vraiment envie de dormir de l'autre côté des Pyrénées ce soir. On attaque la montée. Le petit mono est à la peine dans les épingles et mon phare de VTT fait le maximum pour m'aider à trouver mon chemin. C'est parfois un peu hésitant au niveau des trajectoires!

A quelques kilomètres du sommet, une petite pluie s'invite, puis le vent. Le tunnel de Bielsa permet de récupérer un peu mais, à la sortie, c'est la neige sur les bas-côtés qui nous accueille en compagnie du brouillard. Quant à la pluie, elle est devenue bien plus consistante. Nous effectuons les 40 kilomètres au radar et arrivons un brin défaits à Ainsa. On finit par trouver une chambre. Commentaire on ne peut plus juste de mon compagnon de route: "Nous sommes rentrés tout de suite dans le vif du sujet!".

J'ai pu constater que mon embrayage n'était peut-être pas au mieux de sa forme. Je vais devoir m'employer à prouver que ma réputation de douceur envers la mécanique n'est pas usurpée si je veux arriver au terme de mon voyage. J'ai tellement envie de fouler de nouveau le sol marocain avec ma petite moto.  

 

Dimanche matin. Je me réveille après une nuit de sommeil profond. Les effets bénéfiques du monocylindre culbuté, je suppose.... Nous avons droit à un petit déjeuner solide. Pour ma part, deux oeufs sur le plat, du jambon, une omelette aux pommes de terre, du thé en veux tu en voilà, des kiwis, deux croissants et du jus d'orange. Par souci de modération, je n'ai pas pris de yaourt au dessert!

Nous quittons Ainsa.

 

Les courbes se succèdent, le petit mono respire bien, moi aussi. Premier plein; je ne fais pas le poids comparé à la Yamaha de Jean-Roland. 3,16 litres aux 100 contre 2,4 litres. Ces jeunes motos ( 19 ans, à peine sortie de la majorité) n'ont aucun respect pour les ancêtres!  

 


 

Plus tard, nous rentrons sur l'autovia, le rythme est soutenu. Mais, insidieusement, je sens que le moteur devient moins fringant. Les faux plats mettent à mal l'endurance de la cinquième. C'est comme si les ordres de la poignée de gaz n'arrivaient pas tous au moteur. Une pente à affronter, je suis obligé de rétrograder en troisième! Mauvais signe. Puis, dans la descente qui suit, le moteur retrouve comme par enchantement sa vigueur, je le laisse s'exprimer, je vois la Yamaha de Jean-Roland disparaître dans mes rétroviseurs. En l'absence de compteur, j'estime ma vitesse à 100-110 kilomètres/heure. Ma période d'euphorie est hélas de courte durée, la puissance chute brutalement et je me retrouve au pas avec un bruit étrange, comme si le moteur ne tournait que sur un cylindre. Oui, je sais l'expression n'est pas très heureuse pour un monocylindre! Je parcours un kilomètre au ralenti et sors de l'autovia. Nous garons les motos. 

 

 

Pendant quelques minutes, je suis gagné par un profond désarroi. Le voyage semble vouloir prématurément prendre fin. Nous discutons pour essayer de comprendre l'origine du mal. Nous sommes à 40 kilomètres de Barcelone, le bateau quitte le port demain pour Tanger. Après quelques hésitations, j'opte pour le coup de téléphone à l'assistance. Très rapidement pris en charge, la dame au bout du fil me parle d'hôtel, taxi, voiture de location. J'essaie de la convaincre. Je veux juste qu'un dépanneur vienne et emmène le moto jusqu'au port. Je lui explique que j'espère trouver un mécano compétent au Maroc. J'ai le souvenir de toutes ces 125 chinoises qui sont arrivées au Maroc depuis plusieurs années et je suis certain que l'on pourra trouver de la pièce là-bas ainsi qu'un mécano débrouillard. C'est OK. Une heure après, le camion arrive, on charge la Honda sur le plateau. La nuit va bientôt arriver quand nous pénétrons dans le port. Première victoire, je sais que mon petit mono pourra poser ses roues au Maroc. S'il doit mourir, autant que ce soit là-bas.

 

Jean-Roland part à la recherche d'un hôtel. Tous complets à part un, qui a encore une chambre. Par chance c'est le plus près et le moins cher. Je le rejoins en poussant la Honda pendant un kilomètre et demi (ça a du bon, une moto légère....).

 

Lundi 12 novembre. Inutile de dire que je n'ai pas besoin de réveil pour sortir du lit ce matin. J'arrive devant le bateau partagé entre le doute et l'espoir qu'une solution pourra être trouvée. Nous retrouvons Choukrani, sympathique marocain rencontré la veille qui me confirme que nous devrions trouver un mécanicien compétent chez lui.

La traversée est paisible sur une mer calme. Marc, qui s'en va visiter le Maroc au guidon de son scooter 110, laisse un message sur le répondeur d'une amie chauffeuse de taxi à Tanger pour obtenir l'adresse d'un réparateur moto, Choukrani me propose de faire un peu de place dans sa camionnette pour transporter ma moto. Ces réactions font chaud au cœur et le moral reste au beau fixe. 

Mardi 13 novembre, 16 heures. C'est l'heure de quitter le bateau. Dans l'espace où sont stationnées les quelques motos, on est loin des BMW 1200 GS à l'équipement haut de gamme. Il y a une Harley Davidson toute neuve dont le propriétaire s'en va en fait à Marbella pour rejoindre son épouse. Cette dernière n'a pas voulu qu'il fasse toute la route de Toulon de peur de l'accident et l'on sait qu'il ne faut surtout pas contrarier une femme enceinte! On trouve également une BMW de 15 ans d'âge accompagnée par une Mash 500 (400 en fait). Enfin, il y a ce jeune qui roule sur un drôle d'engin à mi chemin entre la moto et le VTT, une Bultaco électrique et Marc le scootériste.

Je rejoins la douane à pied . Quelques gouttes tombent, le vent se lève, le ciel est chargé. Des coups de klaxons fusent pour protester contre la lenteur des formalités. Il règne une douce pagaille avec un positionnement des véhicules dans les files qui change au gré des instructions des Marocains, officiels ou pas. Bref, c'est une joyeuse désorganisation qui, comme d'habitude, finit, au moment où l'on s'y attend le moins, par un coup de tampon salvateur et quelques mots de bienvenue.

La nuit est tombée et je rejoins l'hôtel déniché par Jean-Roland en poussant la moto sur le bord de la route. La marche, ça maintient la forme, me dis-je pour rester dans une note positive, après ces deux kilomètres parcourus. On partage une chambre avec Marc et l'on se régale de quelques sardines grillées et du thé marocain si goûteux dans le petit resto proche. La soirée s'écoule dans la joie. Les projets de voyage naissent comme par magie: Gérone, Dubaï, Dakar, iles Féroé. A la fin du repas, à 23 heures, j'aborde un jeune. Derrière lui, il y a un panneau "garage". "C'est moi le garage" me répond-il "et mon père". Il appelle ce dernier qui sort de la maison. Je lui explique le problème et me donne rendez-vous demain à 9 heures. Je pense que je ne serai pas en retard....

Après un rapide petit déjeuner, j'arrive dans le local qui fait office de garage. C'est, comment dire .... dépouillé. Pas de lumière, juste quelques outils et il me faut garer la moto juste à l'entrée pour profiter de la lumière du jour. L'homme commence à triturer le carburateur qui dégueule d'essence tout en fumant sa clope. Je sens l'affaire mal engagée.... Puis, peu à peu, je réalise que, malgré ses moyens très limités, il balaye toutes les possibilités de panne. Le carbu est démonté, nettoyé et mis hors de cause. La bougie changée aussi. Il a un doute sur les soupapes et démonte le cache-culbuteurs pour vérifier si tout fonctionne à ce niveau-là et c'est le cas. Régulièrement, il me demande de kicker. Le moteur laisse alors entendre un grognement peu ragoutant et refuse toute montée en régime; ça renâcle sous le cylindre et il y a des renvois pétaradants peu engageants. Mon mécano s'attaque ensuite au volant magnétique. Je lui donne mes vis platinées de rechange et, après les avoir installées, le moteur se fait entendre avec une voix bien plus sympathique. C'est lisse, plein et il monte en régime comme jamais. Durant environ deux minutes, le monocylindre  chante à tue-tête et, brusquement, après quelques ratés, cela s'arrête. Déjà! Mes espoirs d'une issue heureuse s'amenuisent. Je demande au mécano s'il connait quelqu'un qui pourrait emmener ma moto à Larache où Jean-Roland a quelques attaches. En attendant, il vérifie l'état de la bobine d'allumage qui est elle aussi déclarée bonne pour le service. Il m'indique que le problème vient du volant magnétique mais sans pouvoir me l'expliquer.Il ne parle pas français et je ne comprends pas mieux l'arabe; difficile d'échanger dans de telles conditions. Entretemps, le câble de gaz se rompt. Décidément! 

Enfin, une camionnette Mercedes hors d'âge arrive. Nous installons la moto dedans et je prends place à côté du chauffeur. Jean-Roland suit derrière. Les 120 kilomètres sont parcourus d'une manière que je qualifierais d'approximative. L'homme téléphone à tout va et les trajectoires deviennent très imprécises quand il tient le volant d'une main. Je sens qu'il y a un sacré jeu dans la direction. Je suis impressionné par la vitesse à laquelle monte l'aiguille du compteur pour se bloquer à 155 km/h! Quand je vois Jean-Roland nous suivre sans peine et même nous doubler, j'ai la confirmation que le compteur exagère au bas mot d'une cinquantaine de kilomètres/heure.

 

Nous pénétrons dans la ville de Larache et faisons escale à l'hôtel España.

L'ami de Jean-Roland n'est pas là mais il lui a conseillé via sa messagerie un garage tout proche. Je m'y rends rapidement, impatient de trouver une solution à ce contretemps. Le père et le fils m'accueillent en me disant qu'ils pourront s'occuper de ma moto demain. Je vais donc la chercher. Elle provoque une réaction amusée d'étonnement. Même ici, mon CG est regardé comme un ancêtre. Ibrahimi, le père, s'attelle immédiatement à la tâche. Manifestement, le challenge lui plait. Peut-être que cela lui rappelle les Honda qu'il réparait dans sa jeunesse. Entre le père et le fils, ça réfléchit, ça discute, ça cogite. Avant la fermeture du rideau métallique, on m'annonce que le problème vient du volant magnétique. La suite au prochain numéro à paraître demain jeudi 14 novembre.

En attendant, nous partons faire une marche dans les rues de la ville. Il y règne un doux mélange, entre Espagne et Maroc. Il y a pire endroit pour patienter et espérer une prochaine réparation. En cas d'impossibilité de remettre en état ma moto, j'envisage de trouver une 125 en location. J'ai la bougeotte et j'ai très envie de parcourir les routes marocaines.

Jeudi matin, nous déambulons dans les ruelles étroites et biscornues de la très belle médina aux tons bleutés. Puis, nous faisons une halte sur le petit port de pêche. L'atmosphère est paisible.

A onze heures, je viens aux nouvelles. Le volant magnétique et le plateau des vis platinées sont démontés. Ibrahimi me montre d'où vient le problème. La clavette sur l'axe a disparu. Il m'indique être à la recherche d'une clavette de rechange. L'origine de la panne a été identifiée et  je repars le cœur un peu plus léger.

Nous revenons vers 16H30. La moto est dehors, c'est bon signe. Ibrahimi attrape la clef de contact et me dit "Va faire un tour avec". Coup de kick, le mono répond avec une vivacité retrouvée. J'en ai les larmes aux yeux. Je fais un aller-retour dans la rue en écoutant le moteur respirer à pleins poumons.   J'ai envie de serrer Ibrahimi dans mes bras. Il a l'air manifestement heureux. Je le remercie chaleureusement d'avoir sauvé mon voyage. Photo souvenir devant son garage. En cadeau, il me donne une deuxième clavette. Tout ces soucis pour ce minuscule bout de ferraille .... 

Ibrahimi me raconte alors l'histoire de ce journaliste venu de France, il y a une bonne dizaine d'années, au guidon d'une Vespa 250, modèle qui venait d'arriver sur le marché. Il était tombé en panne et s'était arrêté chez lui. C'était un problème avec l'embrayage. L'homme lui demanda de le remplacer par une pièce neuve du fabricant. Ibrahimi lui expliqua qu'elle allait recasser car il avait constaté un problème de conception. Sur les insistances du Français, il obtempéra. Le lendemain, la pièce cassa de nouveau après quelques dizaines de kilomètres. L'homme le laissa alors réparer à sa manière, effectua son voyage au Maroc sans problème. Il lui téléphona après son retour à Paris et il eut également au téléphone l'importateur (ou le concessionnaire je ne suis pas sûr) qui lui proposa de l'embaucher dans ses services....

 


 

Vendredi 5 heures. Je sors du sommeil, à l'écoute du silence environnant, interrompu par un discret et lointain appel à la prière. A 7 heures, je laisse Jean-Roland au pays des songes et sors ramener à la poussette ( dorénavant, je maîtrise parfaitement le sujet!), une à une, les motos stationnées un peu plus loin.

8 Heures. Jean-Roland est sous la douche. De mon petit balcon, je regarde la vie démarrer dans la rue piétonne. Une lancinante chanson s'échappe du café en face, des odeurs de nourriture en cuisson m'ouvrent l'appétit. Le temps est nuageux mais ce n'est pas grave, j'ai du soleil en moi. 

L'émotion est présente au moment de charger la moto. Notre voyage au Maroc va enfin pouvoir démarrer. Nous quittons cette belle ville arabo-andalouse. J'ai le cœur léger mais je suis aussi à l'écoute des moindres manifestations suspectes du moteur. Je note très vite une sorte d'imperfection, comme s'il y avait d'incessantes micro-coupures empêchant une alimentation correcte; ça manque de rondeur mais la moto roule malgré tout à un bon 80-90 km/h. Il y a beaucoup de lignes droites dans la première partie de l'étape et je retrouve mes réflexes d'antan pour doubler les camions: appréciation de la distance me séparant de la voiture arrivant en face, accélération jusqu'à arriver au cul du camion qui m'aspire, ayant bien calculé mon coup, passage de la voiture; je peux donc déboiter sans couper les gaz (surtout ne pas couper les gaz!), je me penche pour donner le moins de prise au vent et "j'avale" le camion. Méthode efficace mais qui occupe grandement l'esprit et permet de ne pas s'ennuyer.

Puis la route se fait sinueuse, plus agréable et commence à grimper. Je sens que le moteur est de moins en moins à son aise. J'apprends à compenser en maniant la poignée de gaz à bon escient. A priori, la carburation est loin d'être parfaite, c'est le moins qu'on puisse dire!

Nous arrivons à Azrou, à 1250 mètres d'altitude. La ville est bordée de forêts de cèdres et de chênes verts. Nous dénichons un charmant petit hôtel (Riad Azrou) où Fatima nous accueille à bras ouverts.

J'appelle Richard pour lui faire part de mes inquiétudes. Richard, c'est mon ami mais aussi mon mécano à distance, celui qui m'a souvent aidé et rassuré en cas de (rare) pépin mécanique loin de France. En 2005, c'était pour me conseiller alors que mes roulements de direction avaient un coup de fatigue en Syrie, à Alep. J'effectue un réglage approximatif du carbu en prévision de l'étape montagneuse de demain avec des cols à 2000 mètres d'altitude.

Avec Jean-Roland, nous élaborons un plan B qui nous rapprocherait de la cote atlantique au cas où le petit mono rendrait les armes demain. Décidément, ce voyage est rempli d'incertitudes. Mon compagnon de route m'avoue même qu'il ne s'attendait pas à voir une telle "épave" lorsqu'il a découvert mon petit mono le jour du départ! On a parfois besoin du regard des autres pour prendre conscience de la réalité des choses! Pour ma part, je décide de prendre les étapes au jour le jour. Ce vendredi marque les premiers tours de roues sur le sol marocain de ma Honda moteur en marche; 260 kilomètres parcourus, ça se fête. Ce soir, deux soupes suffiront à mon bonheur pour lutter contre le froid ambiant.


 

Samedi. Nous sommes debouts à 7H30. Ce n'est pas la perspective de manger les bonnes crêpes marocaines promises par Fatima qui nous tire du lit, plutôt une étape difficile au cours de laquelle il faudra franchir cette barrière montagneuse. Comme je l'ai dit à Jean-Roland hier, il faudra que je parvienne à une optimisation du maniement de la poignée de gaz afin de pallier le dysfonctionnement du carburateur. Vaste programme!

Nous sortons d'Azrou et entamons une montée raide qui doit nous amener à 1965 mètres. C'est poussif, c'est le moins qu'on puisse dire, mais il n'y a plus ces successions de petites coupures désagréables. Au cours de la journée, je réajuste les réglages du carburateur avec mon tournevis qui ne me quitte plus. Les montées succèdent aux descentes et le moteur se sort les tripes pour  accéder aux sommets. Je n'ai pas un instant de relâchement pour grapiller les précieux kilomètres/heure. Je n'aime pas cette façon de conduire en forçant le moteur mais je n'ai pas le choix. J'envie Jean-Roland qui roule sur le couple derrière moi. Le paysage magnifique compense largement mes efforts incessants. Les kilomètres défilent, je commence à croire en la réussite de notre étape du jour. Le col Tizi N'Test est passé.Plus tard, c'est une succession de virages serrés en montée où il ne faut surtout pas couper les gaz. Poignée de gaz au taquet en troisième pour maintenir le moteur en régime. Je me régale, le petit moteur peut-être un peu moins.

Arrêt photo. Tut, Tut! Nous levons la tête et nous voyons Marc arriver sur son scooter. Nous finissons la route ensemble. Midelt est passé, puis Rich, ça sent bon la fin de l'étape. La magnifique vallée du Ziz s'offre à notre regard. Enfin, nous arrivons dans la terne ville d'Errachidia mais nous sommes comme les héros, un peu fatigués, et nous décidons de passer la nuit ici.

270 kilomètres parcourus, cela peut paraître peu à l'échelle française mais, dans une zone de montagne avec un CG un peu (beaucoup?) fatigué, je vous assure que l'on peut appeler ça une grosse étape!

Demain, deux options s'offrent à nous. La raisonnable, c'est prendre la direction de Ouarzazate. L'autre, c'est d'aller voir les dunes de Merzouga. Quel sera le choix? Faites vos jeux. Tirage demain matin. Les gagnants auront droit de lire la suite du voyage et les perdants aussi en guise de lot de consolation.

Je suis partagé. Revoir Merzouga avec MON petit mono me tente vraiment. Mais il y a aussi cette incertitude qui plane sur sa capacité à aller jusqu'au bout de ce voyage un peu hors normes. Allez, hop, au dodo, on dit que la nuit porte conseil.

 


 

Dimanche. Je sors du sommeil très tôt. Mes compagnons de route dorment profondément. J'ai l'étape du jour dans la tête. Je quitte la chambre et retrouve ma moto dans la cour intérieure. La femme de chambre est esseulée, sur sa chaise, en bas des escaliers, attendant on ne sait quoi.

Je remets la mousse de filtre à air en prévision de l'atmosphère poussiéreuse de la journée, "répare" la selle avec du scotch américain, change une sangle de maintien des sacoches, vérifie le niveau d'huile.

Je sors. La grande avenue se réveille avec ses nombreux tricycles chinois omniprésents au Maroc. Je remonte dans la chambre. Marc et Jean-Roland sortent juste du lit; ce n'est pas aujourd'hui que nous partirons aux aurores!

Marc me questionne sur notre choix aujourd'hui. Je lui réponds en espagnol: "Vamos a Merzouga. La razon me dice no, pero el corazon me dice si".

Je suis excité au moment du chargement des motos, au point d'en oublier qu'il nous faut déjeuner avant de partir. Nous vérifions la pression des pneus dans la station située en face de l'hôtel. Un tricycle vient faire le plein. Quelle surprise! J'ai devant moi la preuve vivante de ce que je soupçonnais depuis mon arrivée au Maroc. Mon concessionnaire a investi le marché du Maghreb (!?) et semble vendre comme des petits pains ces engins ô combien utiles pour transporter du matériel. Les Top Moto pullulent dans les villes et les campagnes, en concurrence avec d'autres marques chinoises. Je saute sur l'occasion pour interroger le propriétaire de ce tricycle. Il me répond que c'est un engin de 150 cm3 supportant les lourdes charges (je m'en étais rendu compte!), pas très cher et plutôt solide. Dès mon retour à Tarbes, je vais aller chez mon concessionnaire pour négocier un futur achat. Moi qui ait tendance à trop charger mes motos je sais qu'avec un tel engin,  je ne rencontrerais plus de problème à ce niveau là. Quant au plaisir de conduite, je suis plus dubitatif.... 

 

C'est parti. J'ouvre la route le cœur léger; le désert est tout proche. Je trouve que la carburation ne va pas trop mal (peut-être que je deviens de moins en moins exigeant! ). Nous arrivons au dessus d'une belle palmeraie. Alors que je prends quelques photos, je vois arriver un motard au guidon d'une Yamaha 700 que je qualifierais, par égard pour elle, de fatiguée. Ce Chinois est parti depuis 2003 de son pays et entreprend un tour du monde. Je suis étonné de l'absence de bagages hormis deux sacoches cabossées. Son top case ressemble en fait à une énorme tirelire avec une fente pour y verser son obole. Communication difficile avec cet étrange personnage qui ressemble plus à un SDF voyageur motard et dont l'anglais approximatif ne permet pas un échange poussé. Je comprends malgré tout qu'il a plusieurs fois changé de moto et que celle-ci a été achetée à Dubaï.  Nous le laissons avec sa Yamaha prématurément vieillie et son drapeau chinois flottant ( j'ai trouvé trace de son site mais je n'ai pas pu trouver beaucoup d'informations sur ce voyage au (très) long cours).

 

 La route descend dans une vallée au goût de désert. Les femmes sont habillées d 'un vêtement noir rehaussé par de subtiles touches de couleur, les dattes sèchent, étalées devant les maisons, les rochers ocres contrastent avec le vert des palmiers, la poussière est omniprésente. J'adore cette atmosphère si particulière que j'ai souvent rencontrée lors de mes divers voyages. Elle participe à ce merveilleux sentiment d'éloignement qui m'enveloppe à cet instant précis.

Nous traversons Erfoud. Mon cœur bat un peu plus fort et j'ai les yeux humides. Merzouga est proche. Le petit mono semble aussi enthousiaste que moi et il manifeste sa joie, poussé par un vent puissant. Peu après, au détour d'un virage, ce dernier frappe les motos sur le coté et nous avançons ballotés par le souffle de Monsieur Eole. La moto tangue, le sable traverse la route tel un tapis accueillant les voyageurs, peu à peu, le cordon de dunes se détache au loin. L'émotion est intense sous le casque quand nous pénétrons dans la ville de Merzouga. Trente six années plus tard, je parcours au pas la même rue qui nous emmène jusqu'aux fameuses dunes de Merzouga. Arrêt photo obligatoire pour immortaliser le moment.

A la recherche d'un hôtel, nous parcourons un petit bout de piste où la 125 se révèle étonnamment facile à mener. J'avais oublié qu'un poids plume allié à une hauteur de selle réduite était aussi adapté à un tel terrain. Il est 14 heures et nous allons pouvoir faire relâche pendant une demi-journée. Après ces multiples péripéties au cours desquelles le doute s'est installé à plusieurs reprises dans ma tête, cette arrivée a un goût unique que je savoure à sa juste mesure. Nous venons d'achever une semaine de voyage, j'ai l'impression d'avoir vécu un mois.

 

Nous partons faire un tour dans les dunes. Le vent est violent. Il n'y a pas grand monde; c'est la saison morte. 

 

 


 

Lundi matin, 6H45. Nous chargeons les motos dans le noir. Il y a pas mal de kilomètres à parcourir aujourd'hui. J'hésite encore sur l'itinéraire car j'appréhende un peu de retrouver des altitudes trop élevées où ma petite moto n'est pas très à l'aise. Je suis tendu; je viens d'avoir deux alertes au bas du dos, deux "décharges électriques". Je connais trop bien ces symptômes. Je respire, m'étire longuement, évite de trop m'asseoir. Nous quittons l'auberge par la piste. Le petit mono semble vouloir passer partout à son rythme.

 

Longue ligne droite jusqu'à Rissani. Le vent est tombé. A Rissani, il y a pléthore d'enfants à pied ou à vélo se rendant sur les bancs de l'école.

A la sortie de la ville, je ne tourne pas à gauche et opte pour la partie la plus montagneuse et la plus belle.

Le rythme est soutenu, les arrêts rares et fugitifs. Je sens peu à peu que tout va bien se passer. Le moteur marche plutôt bien et j'use et abuse de l'aspiration des véhicules qui me dépassent. Il y a même un gros camion qui me tire durant 40 kilomètres. Le chauffeur m'a repéré et me prévient des difficultés.

Les paysages traversés sont magnifiques aujourd'hui, avec une luminosité exceptionnelle. C'est grandiose de rouler sur ce plateau cerné par les montagnes, ocres sur notre gauche et enneigées sur notre droite.

 

Je me tire la bourre avec un 125 chinois. Il me faut un long moment pour parvenir à le rattraper et le dépasser. Je fais très couleur locale avec mon CG. Il continue d'intriguer les Marocains qui ne comprennent pas pourquoi je viens de France avec cet ancêtre.

Coté motards rencontrés, c'est la douche froide. Nos signes enthousiastes ne font aucunement réagir les quelques groupes de BMWistes et Triumphistes et même Africa Twinistes rencontrés. Peut-être que, vues de là-haut, sur les selles de ces gros trails, nos motos ressemblent à des vélos....

Arrêt à la station d'essence. La Yamaha de Jean-Roland ne veut plus repartir. Après une séance de poussette, elle fait entendre son moteur mais tous les voyants sont éteints. Voilà que Madame SR fait sa petite crise de jalousie. Depuis le départ, on ne s'occupe que du petit mono, c'en était trop. Elle veut nous monter qu'elle souffre, elle aussi. Après avoir envisagé un alternateur hors service, Jean-Roland aperçoit, derrière le cache latéral, une cosse de batterie qui a sauté en marche.

 

Après une vallée du Dadès toujours aussi belle, nous traversons un plateau balayé par un vent puissant. Ma moto est à la peine. Elle s'asphyxie. Nous saluons deux motards espagnols arrêtés sur le bord de la route. Près d'eux, une Africa Twin 1000 et un X-ADV. Ils ont du goût, nos voisins. Ils nous doublent un peu plus tard alors que je suis dans la position de la limande. Pour les non initiés, inutile d'aller chercher la signification de cette position dans le Kamasutra. Très utilisée chez les possesseurs de cyclomoteurs et 125, elle consiste à coucher sur le réservoir son buste pour améliorer notoirement son aérodynamisme et, partant de là, la vitesse de sa moto. Dix kilomètres/heure de mieux, quand on roule à des vitesses faibles, cela représente beaucoup, je vous assure! En tout cas, il se confirme que la conduite d'une 125 de 130 000 kilomètres à l'aube de la quarantaine est physique!

 

Nous arrivons à Skoura après 340 kilomètres intenses, mais superbes. Nous retrouvons le petit hôtel traditionnel où nous avions passé la nuit en 2009. Demain, le col Tizi N'Tichka sera le juge de paix avec ses 2260 mètres d'altitude; je sens que ça va peiner dans la pente....

 


 

 

Lever de bonne heure. Abdelatif nous a préparé le petit déjeuner et, délicate attention, a allumé le chauffage dans la petite pièce. C'est parti. Les couleurs du levant sont magnifiques. La route est étonnamment déserte, il en est de même lors du contournement de Ouarzazate. Où sont les Marocains? Le soleil nous accompagne, le ciel est d'un bleu très pur. Nous sommes euphoriques au moment d'entamer la montée du célèbre col.

 

Nous faisons une halte dans un petit village où Yacoub nous reçoit dans sa maison qu'il a joliment bâtie. Il nous parle des pierres qu'il va chercher plus haut dans la montagne. On discute et je lui en achète une pour Manon. Il nous donne l'explication de cette route désertée; c'est aujourd'hui le jour anniversaire du prophète.

La route s'élève. Le petit mono ne rechigne pas trop. Bien sûr, je dois le solliciter mais son fonctionnement est maintenant plus régulier. Serais-je devenu un spécialiste de la carburation? J'ai comme un doute.... 

La route est mouillée , une averse a dû tomber il y a peu. La pente devient plus rude et je dois maintenir le moteur dans les hauts régimes. Soudain, nous rentrons dans les nuages et c'est la vision libératrice du panneau indiquant le col Tizi N'Tichka. Je dresse le poing. Ma brave Honda est montée jusqu'au sommet, bravo à elle! Nous ne nous attardons pas car il fait très froid.

 

C'est ensuite une descente à n'en plus finir avec des travaux heureusement à l'arrêt en ce jour férié. Malheureusement, la boue est quant à elle très présente et, avec mon garde-boue racing riquiqui, je suis rapidement repeint de marron. Je sens que Jean-Roland n'est plus dans le rythme et je l'attends régulièrement. Après plus d'une heure, nous sortons enfin de ce passage difficile. Les motos sont méconnaissables, les pilotes aussi!

La chaleur est revenue et nous nous autorisons un arrêt repas tardif à 15 heures. De nouveau, la descente, Jean-Roland a retrouvé la pêche et nous sortons la (petite) attaque. Avec de tels poids plumes entre les mains, c'est un plaisir d'enchaîner les virages.  Nous contournons Marrakech, effectuons 75 kilomètres supplémentaires et terminons notre étape, un brin épuisés, à Ben Guerrir. L'hôtel vers lequel le gendarme nous a dirigés est tout neuf .... mais pas pour longtemps. On sent déjà un début prématuré de vieillissement et un manque de rigueur certain dans la construction. Ce soir, nous trouvons une nouvelle fois un petit resto accueillant où nous mangeons pour la somme de 100 dirhams à nous deux (moins de 10 euros). Nous optons régulièrement pour des tajines qui mijotent sur le charbon de bois; c'est bon, nourrissant et les préparations divergent.


 

Le lendemain, alors que nous prenons le petit déjeuner dans l'immense salle de restauration, nous réalisons que nous sommes les seuls clients de l'hôtel. L'ambiance est assez irréelle dans cet endroit hors du temps.

Nous quittons cet hôtel fantôme sans nous presser. Nous avons prévu une courte étape aujourd'hui. A la station d'essence, nous nous occupons des chaînes qui ont bien souffert et nécessitent une tension. Les motos ont droit à un rinçage afin de les rendre plus présentables. Le petit mono a consommé de l'huile, il va falloir que je surveille ça. Je lui ai beaucoup demandé ces derniers jours et je ne lui en veux pas.

La route est monotone, les paysages traversés n'ont pas la saveur de ceux du sud. Nous nous faisons piéger par l'arrivée de la nuit. J'installe mon feu de VTT à l'arrière car mon feu ne fonctionne plus, mes clignotants non plus d'ailleurs; ça commence à sentir la déroute! Jean-Roland qui me suit serre les fesses avec les camions qui lui collent un peu trop au derrière. C'est enfin l'arrivée à Khénitra. En fait de petite étape, nous avons roulé comme des bêtes aujourd'hui. Ce n'est peut-être pas un hasard si certains m'avaient donné le surnom de roule-toujours. Voilà que j'ai filé le virus à mon compagnon de route!

Jeudi. 14 heures. Nous pénétrons dans Larache. Arrêt devant la façade de l'hôtel. Je coupe le contact. Je suis heureux. La boucle est bouclée. Une semaine à rouler au Maroc, cela ressemble, dit comme cela, à une petite promenade de santé; mais j'ai le sentiment d'avoir vécu un très grand voyage. Il paraissait un peu improbable au départ et c'est sûrement cela qui lui a donné ce goût unique. Le souci mécanique du deuxième jour aurait pu marquer la fin de la virée. Nous avons pu rebondir. Puis, cette incertitude permanente a donné un parfum de victoire à chaque étape réalisée.

En écrivant cela, je réalise qu'il y a encore au moins 600 kilomètres avant de voir la ville de Pau et que le petit mono consomme pas mal d'huile depuis deux jours, comme pour me rappeler que je lui ai beaucoup demandé et qu'il n'est plus tout jeune.

Nous partons dans le garage d' Ibrahimi manifestement heureux de nous revoir. Je le remercie chaleureusement d'avoir sauvé mon voyage. Demain, jour de repos.

Vendredi. Une journée tranquille s'annonce. Après un petit déjeuner copieux, je rends visite à Ibrahimi qui est en train d'ouvrir son atelier .... à 10H45. Une vidange? Oui, pas de problème. Ta batterie déchargée? Je m'en occupe de suite. Ici, nul besoin de rendez-vous. Il me dit qu'il va me mettre de l'huile de bonne qualité et constate que mon moteur ne recharge plus la batterie. Il va la recharger, cela suffira pour mes tous derniers kilomètres. Je le questionne sur les tricycles chinois. Sa réponse est claire: ils ne sont pas chers, 1500 euros environ mais la qualité n'est vraiment pas au rendez-vous. " Je ne répare pas les motos chinoises" me dit-il "C'est sans fin. Les réservoirs fuient après quelques mois, l'acier ne vaut rien". C'est à ce moment-là que je lui montre mon pot d'échappement d'origine. Il acquiesce. Pour lui, pas de doute, les motos japonaises sont les meilleures. 

Le café Lixus, tout près de l'hôtel, est devenu notre repaire. Accueil chaleureux (maintenant, le serveur nous serre la main), ambiance sympathique, décor qui l'est tout autant avec ces dizaines de photos en noir et blanc de Larache et d'Omar Sharif dont le fils est un ami du propriétaire, bonne nourriture (petites soles, soupe de poissons, accompagnements gratuits mais nourrissants).

Notre dernière soirée sur le territoire marocain va débuter.Mon œil aiguisé repère deux Honda Transalp garées non loin de nous. Nous faisons la connaissance de deux Perpignanais, Thierry et Yves qui prendront le bateau à Tanger demain. Cela promet de belles discussions pendant la traversée! Jean-Roland a le plaisir de retrouver son ami Mustapha qui rentre aujourd'hui de Cote d'Ivoire. Nous passons une très agréable soirée avec lui à discuter notamment .... de l'abandon du changement d'heure qui a provoqué récemment des manifestations dans le pays car il a été décidé dans l'urgence, un jour avant sa mise en œuvre. Certains dans le pays soupçonnent même le directeur de la grande usine Dacia installée près de Tanger d'en être à l'origine. Il a rencontré le roi quelques jours avant pour lui annoncer l'extension de l'usine et, dans la foulée, un texte a été voté avec une célérité inhabituelle. Une telle mesure ferait soit disant économiser des milliers d'euros à l'entreprise.... 


 

Samedi. 120 petits kilomètres nous attendent. Nous suivons le route côtière et je m'arrête acheter un petit plat à tajines à un sympathique Marocain (pléonasme) qui tient une épicerie sur le bord de la route. Plus loin, nous voulons rentrer sur l'autoroute mais le gendarme en faction nous l'interdit. En fait, il avait pris le petit mono pour un 50 cm3! Après lui avoir montré la carte grise et le chiffre 125 sur le cache latéral, les portes de la voie rapide nous sont ouvertes. Parlons-en un peu de ma Honda; elle marche de mieux en mieux. Elle aussi aime les voyages. Mais, ça, elle me l'avait déjà montré il y a bien longtemps.

Arrivée dans le nouveau port moderne et spacieux. Qui vois-je en m'approchant du poste de douane? Marc! Décidément, on ne se quitte plus! Les formalités sont rapides et efficaces et se font dans le calme. Les véhicules ont droit au scanner XXL avant de pouvoir embarquer. Dans la file d'attente, il y a des 4X4 remontant de Mauritanie, dont une Toyota au bout d'une corde. heureusement, la boîte de transfert n'a lâché qu'à quelques kilomètres du port!

Nous embarquons et assistons, du pont supérieur, à l'arrivée des retardataires qui n'en finissent pas au point que nous levons l'ancre avec deux heures de retard sous un beau soleil couchant.

En enfourchant le petit mono ce matin, je m'étais fait la réflexion suivante. A aucun moment, je n'avais eu mal aux fesses, ce qui était loin d'être le cas avec mes Transalp. De là à en déduire que la Honda CG 125 est une grande routière.... 

Autre réflexion, alors qu'au début du voyage, je me sentais tel le crapaud sur une boîte d'allumettes, je m'installe maintenant naturellement dessus, comme si la morphologie de mon corps avait changé en s'adaptant à l'espace réduit offert par ma petite moto.

Durant la traversée, nous alternons les repas avec les siestes récupératrices, la lecture, la contemplation des étendues maritimes, les longues discussions avec Marc et les deux Transalpistes. La nuit est tombée et nous apercevons les lumières de Barcelone. On souhaite bonne route à Thierry et à Yves qui n'ont que 150 kilomètres à parcourir avant de retrouver leur maison. Marc nous accompagne jusqu'à notre petit hôtel tout proche. On se congratule, il est arrivé chez lui.

La météo annoncée pour demain est très mauvaise et nous décidons d'éviter la traversée des Pyrénées. Neige et grand froid annoncés. Nous quittons donc Barcelone sous la pluie en direction du Perthus. La pluie finit par nous abandonner mais c'est un vent très violent qui prend le relais. J'ai l'impression d'être un fétu de paille sous ses assauts répétés. Nous sommes en France et nous prenons la direction de Foix sur la belle route qui longe les Pyrénées. Le vent ne faiblit pas, ce qui devrait au moins nous épargner la pluie. Pourtant, cette dernière en remet une couche alors que la température chute. Nous sommes frigorifiés. Jean-Roland a soif de kilomètres aujourd'hui; alors nous continuons à rouler. Mais, à l'entrée de Quillan, j'abdique. Cela fait près de six heures que nous roulons, je suis trempé et mon estomac se manifeste. Dans le café, il n'y a que des frites. Avec deux thés en accompagnement, cela risque d'être un peu léger comme repas consistant et équilibré! C'est reparti. Nous sommes étonnés de voir des hommes en jaune au rond-point. Une manifestation? Ah oui, c'est vrai, nous avions entendu parler de ce futur mouvement des gilets jaunes avant le départ mais nous avons eu d'autres préoccupations durant ces deux semaines.  

Nous parcourons à l'énergie les derniers kilomètres qui nous séparent de Foix. Nous trouvons un très agréable hôtel en plein centre. Le grand radiateur de la salle de bain est mis à contribution et accueille en son sein bottes et vêtements divers. Nous déambulons dans les rues à la recherche d'un restaurant. Beaucoup sont fermés, c'est la morte saison. Nous finissons, le hasard fait bien les choses, dans un restaurant iranien. Je devais aller en Iran cette année et le voyage fut annulé; cela m'a libéré du temps pour effectuer cette virée au Maroc et je conclus cette dernière en mangeant un plat iranien et en discutant avec la très sympathique restauratrice de son pays que j'ai tant aimé en 2002.

Mardi 27 novembre. Dernier jour. Nous démarrons les motos alors que le soleil levant illumine le château au dessus de nous.

Cette étape est un bonheur, la pluie d'hier semble avoir lavé le ciel. Les couleurs sont exceptionnellement belles, nous ne quittons pas des yeux les Pyrénées aux sommets enneigés. Nous effectuons d'une traite les 160 kilomètres qui nous séparent de Tarbes où nous faisons un arrêt chez mon concessionnaire. Nous sommes en train de raconter brièvement notre périple quand arrive mon ami Bruno. Il a dû sentir l'odeur du CG parfumé au sable de Merzouga!

Un arrêt repas chez ma maman et nous entamons les 40 derniers kilomètres. Soudain, Jean-Roland me voit partir comme une fusée, couché sur le réservoir. J'ai une envie un peu puérile, me faire flasher par le radar installé en bas de la cote de Ger ( je précise qu'il flashe par devant). Quelle n'est pas ma déception de le voir recouvert d'un beau sac poubelle. Dommage, j'aurais tant aimé être en excès de vitesse avec mon ancêtre!

Dernier arrêt devant la maison. Nous sommes arrivés au bout de ce voyage de 3000 kilomètres. Je suis heureux. Le petit mono a rempli sa mission et j'ai eu un compagnon de voyage adorable qui a accepté avec le sourire les soucis de santé de ma vieille moto et dont la Yamaha a assuré son rôle avec brio.

Jean-Roland, on repart quand tu veux!