Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

Voyage à Djanet - Christian, le retour

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11 / CHRISTIAN, LE RETOUR
Jeudi 27 décembre 1990. Quel soulagement lorsque j’aperçois, au loin, le village d’Illizi, avec les dunes de l’erg oriental en arrière plan. Je quitte enfin l’enfer du plateau du Fadnoun en n’oubliant pas, au passage, de remercier ma moto d’avoir tenu le coup.

Honda 750 XLV sur le plateau du Fadnoun

Je ma précipite dans le premier restaurant ouvert et, affamé, dévore mon repas en un temps record.

C’est avec un plaisir évident que je retrouve le goudron et les 240 kilomètres sont avalés d’une traite, dans un état de douce euphorie.

Plus tard, alors que la nuit s’installe sur mon campement, bien abrité entre deux dunes, je me remémore la rencontre avec un couple d’allemands à bord de leur Land Rover sur le plateau du Fadnoun. L’homme, ancien motard, a fait le tour de ma monture et constatant l’absence de préparation, a longuement hoché le tête, dubitatif. Il semblait me considérer inconscient ; peut-être, mais ma bonne étoile a jusque là veillé sur moi. Qu’elle continue.

Gonflé à bloc, j’entame au petit matin la longue étape jusqu'à Hassi Messaoud. A mi parcours, j’ai une réaction d’angoisse en m’arrêtant à la station d’essence : l’arrière de la moto est tacheté d’huile ; je me précipite sous le moteur et constate avec effroi que le bouchon de vidange est tout simplement en train de se desserrer, sûrement la conséquence des 850 kilomètres de piste . Frisson rétrospectif en pensant à ce qui aurait pu arriver : perte de l’huile et casse irrémédiable du moteur. Un peu plus loin, à deux reprises, le moteur s’étouffe brutalement pour repartir de plus belle. Difficile de rouler en toute sérénité après !

 

Station d'essence d'In Amenas

Samedi 29 décembre 1990. Ghardaïa. Je suis affalé dans un lit deux places. J’ai craqué quand j’ai vu le prix de la nuit d’hôtel ( 100 francs) et j’ai laissé ma petite tente au fond de son sac. Je suis dans un état de fatigue avancé après le rythme infernal de ces derniers jours.

Trois scènes de la vie quotidienne m’ont fait sourire aujourd’hui :

Ce matin, à la sortie d’Hassi Messaoud, je passe à côté d’un panneau avec l’indication suivante : « CONDUCTEURS ! » ; 200 mètres plus loin, un deuxième panneau : « BONNE ROUTE », puis un troisième encore plus loin : « MAIS ATTENTION ! », enfin le panneau final ( quel suspense) : « AUX DANGERS DU SABLE ». Dans ce pays, les gens ne sont pas agressés par l’abondance d’informations !

Tout à l’heure, alors que j’attends mon tour pour téléphoner, six personnes tentent désespérément d’appeler leur correspondant en composant inlassablement le numéro, sans aucun succès. Après de nombreux essais infructueux, elles sortent, sans aucun signe apparent d’énervement en laissant la place aux suivants. J’imagine l’émeute que cela provoquerait en France !

Un panneau est accroché sur la porte d’une petite librairie de Ghardaïa avec la mention : « Fermé 10 jours pour cause d’inventaire ». Le temps n’a pas la même importance ici.