Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

L'envol (tome 2) - chapitre 9

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Chapitre 9

 

Il avait adopté cette borie, cabane de pierre sèche, caractéristique du Lubéron. Il l’avait aperçue lors d’une de ces marches dans la région, tapie, presque invisible, se fondant dans le paysage environnant.

Il avait aimé cette discrétion et venait à sa rencontre tous les jours, accompagné de son accordéon. Il restait là, de longues heures, sans rien faire, laissant son esprit vagabonder.

Peu à peu, il avait oublié son voyage. Sa moto se recouvrait lentement de poussière à l'intérieur de la grange attenante au gîte dans lequel il s’était posé, mais il n’allait même plus la voir. Plus d’inquiétude, d’énervement, de question existentielle, il était là, tout simplement.

Le temps s’était arrêté. Ce jour là, il regagnait le gîte sur le sentier escarpé . Il marchait d’un bon pas pour se réchauffer; en effet, un mistral glacial s’était levé.

Au loin, il ne vit d’abord qu’une tache rouge qui bougeait, puis, en se rapprochant, il reconnut une silhouette ; la personne était courbée, luttant contre la violence du vent. Chris se surprit à ralentir le pas, instinctivement. Comme un refus de rencontrer cette personne dans ce coin désert. Il réussit à se faire violence et reprit son rythme normal ; il s’en voulait de ce repli sur lui-même qu’il avait instauré dans sa vie, depuis son arrivée dans ce mas perdu du Lubéron.

Deux semaines qu’il vivait comme un ermite, ne voyant le couple qui tenait le gîte qu’aux heures des repas, limitant ses discussions à des sujets vagues, comme s’il voulait se protéger. Ses hôtes avaient vite compris à qui ils avaient affaire et respectaient cette règle du jeu qu’il avait imposée.

Même s’ils restaient discrets, ils s’étonnaient de la présence de ce motard qui, chaque jour, retardait son départ, passait ses journées avec son accordéon dans la nature, n’éprouvait pas le besoin de téléphoner, d’écrire. Ils avaient vite remarqué cette pointe de vague à l’âme dans son regard, le soir, souvent, après le repas quand, après avoir échangé quelques banalités, il montait se coucher dans sa petite chambre mansardée, sous les toits.

Plus que quelques mètres et il aurait rattrapé la silhouette devant lui, féminine, il n’avait plus de doute sur le sujet. Il hésita encore un peu, puis se décida à forcer l’allure pour la dépasser.

Arrivé à sa hauteur, il la vit sursauter ; avec le bruit du vent, elle ne l´avait pas entendu venir. Il s´excusa, trébucha sur une pierre, confus, comme un gamin venant de commettre une bêtise. Elle le regarda avec ses yeux d´un vert profond et engagea la conversation.