Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

American Dream 64: la passion aux commandes.

 

American Dream 64. Derrière ce nom qui fait franchir l’océan atlantique dans l’imaginaire, il y a deux personnes, Laetitia et Sébastien. J’ai fait leur rencontre il y a plusieurs années quand ils sont venus s’installer dans notre impasse calme au nord de Pau. Peu à peu, j’ai apprécié leur gentillesse. Avec Sébastien, il y a eu le goût commun pour la moto qui nous a rapprochés un moment mais j’ai vite vu que sa passion était un peu plus loin, toujours dans les véhicules à moteur, mais avec deux roues supplémentaires. Nul n’est parfait !

 

Je me souviens de l’arrivée de la nouvelle Ford Mustang, en version cabriolet en 2015. Puis, du passage dans le quartier de modèles bien plus anciens, un peu fatigués au départ mais qui repartaient dans un bien meilleur état.

 

J’aime les gens passionnés et l’idée a germé, récemment, de m’intéresser un peu plus en profondeur à ce monde tournant autour de la célèbre Ford Mustang.

Pour une fois, je vais (brièvement) quitter mes motos et pénétrer dans cet univers que je connais moins bien. D’abord avec une petite interview, ensuite avec un essai de la dernière Ford Mustang remise à neuf dans leur petit local.

 

 

 1/ L'interview:

 

Un thé et quelques crêpes devant nous, voilà une excellente entrée en matière pour engager la discussion….

 

 

Tout d’abord, d’où vient cette passion pour le Ford Mustang ?

 

Sébastien : Je suis depuis très longtemps passionné par les USA où j’ai eu la chance d’aller par deux fois avec mes parents. J’ai adoré ce pays …. et les Ford Mustang. Pourquoi cette voiture? Je me l’explique pas mais elle incarne pour moi la voiture américaine.

 

Quand la nouvelle Mustang est arrivé en France, j’ai craqué pour cette voiture et j’en ai fait l’acquisition.

 

Laetitia : Je me souviens de la frustration que nous avions eue lorsque nous nous étions rendus aux Etats Unis en 2013. On avait réservé une Mustang pour deux jours de location, autour de Miami, afin de visiter les îles qui se rapprochent de Cuba, reliées entre elles par des ponts, un endroit magique. Arrivés dans l’agence, le loueur nous dit que l’on va être contents. « Il n’y a plus de Mustang disponible et on vous a reclassés ; vous aurez une Mercedes SLK ». Là-bas, c’est une voiture qui fait rêver les Américains, mais pas nous ! Grosse déception !

 

Sébastien : la Ford Mustang neuve achetée en 2015 est celle qui a tout déclenché. Un peu plus tard, j’ai acheté la première vieille Mustang à un gros revendeur situé en Corrèze, je crois. Verte avec un toit noir. Elle était à terminer et c’était pour moi l’occasion de me lancer dans la découverte de cette voiture en la remettant en état. Une fois achevée la restauration, je l’ai mise en vente car je n’avais pas le temps d’en profiter avec notre entreprise en plein développement. Revendue en 24 heures !

 

Cela nous a donné envie de continuer. Pourquoi ne pas en acheter directement aux Etats Unis? Cela a pu se faire avec des contacts que nous avions pu avoir dans le milieu et nous avons ainsi fait l’acquisition de deux voitures. Même si les deux Mustang étaient dans un état correct, nous avons eu quelques surprises en les découvrant. C’est ainsi qu’est née l’idée de partir les chercher par nous-même là-bas.

 

L’idée, c’était avant tout de se faire plaisir en visitant un pays qui nous fascine, de rentabiliser le loyer d’un local trop grand pour notre entreprise de cartes grises, de se lancer dans une activité où la passion serait présente et d’arriver à financer ces voyages par la vente des voitures une fois retapées.

 

Premier voyage aux Etats Unis. Nous en avons acheté trois.

 

Sébastien : Au niveau rentabilité, il ne faut pas que je compte les innombrables heures que je passe dessus. C’est la passion qui m’anime. De plus, j’ai des amis et des mécanos qui m’ont bien aidé. Cette voiture génère beaucoup d’intérêt de la part de certains qui sont prêts à donner un coup de main.

 

 

Combien en avez-vous vendues ?

 

Dix à ce jour ; il nous en reste quatre dont deux sont déjà réservées. Nous avons fait le choix de ne pas trop nous développer car il y a une période où Sébastien était constamment dans l’atelier le soir. Cela devenait une contrainte ; il aurait alors fallu embaucher un salarié à temps plein, mais cela veut dire grossir avec tout ce que ça génère derrière. Décision difficile car nous avons eu à faire face à une demande pour ce type de voitures. Même les jeunes s’intéressent à la Mustang. Mais, nous avons notre entreprise, celle qui nous fait vivre, qui nous prend du temps d’autant qu’elle se développe avec les permis dont nous nous occupons depuis peu. Bref, il a fallu faire un choix

 

 

La préparation ?

 

On fiabilise mais on garde les voitures telles qu’elles sont, pour ne pas les dénaturer (pas d’injection rajoutée), juste une remise en état sérieuse ( Je confirme, les voitures finies sont superbes!). Parfois, on les vend non terminées quand on a un acheteur potentiel qui a des moyens limités. On essaye de rendre accessible cette voiture mythique aux passionnés pas trop argentés.

 

Notre but, c’est aussi de les vendre pour pouvoir repartir aux Etats Unis, faire une pause salutaire de deux semaines en partant à la recherche de nouvelles voitures là-bas. Les contacts y sont généralement très bons, avec des gens très abordables. Pour les Américains, la Mustang est la voiture de Monsieur tout le monde, l’équivalent de notre Peugeot 205. La première que nous avons achetée appartenait à un jeune qui l’avait eue pour ses 16 ans et qui cherchait quelque chose de plus économique alors qu’il venait de trouver son premier boulot. Beaucoup connaissent quelqu’un ayant une vieille Mustang au fond d’un garage ou d’une grange ; bien sûr, elles sont souvent dans un état pitoyable. Il faut d’ailleurs prendre garde aux annonces « good conditions » car ils n’ont pas la même notion que nous d’une voiture en bon état et on a quelquefois des surprises. Les Américains ne sont pas très exigeants à ce niveau-là…. Le souci majeur, ce sont les planchers qui pourrissent et qui sont réparés de manière fantaisiste.

 

 

Disponibilité des pièces ?

 

Vraiment aucun problème. Il y a un fournisseur basé en France et un gros site américain très sérieux qui livre très rapidement (commande le vendredi et livraison le lundi!). Parfois, on trouve des pièces pas trop chères , et il préférable de changer plutôt que de rénover.

Il est facile de travailler sur la voiture, tout est aisément accessible.

 

 

La discussion s’engage sur sur des considérations plus générales, sur le mode de vie aux Etats Unis.

 

 Nous ressentons autour de nous un engouement pour ce pays. Des jeunes clients nous envient et rêvent d’aller faire une virée là-bas. Il faut quand même être lucide. La réalité est beaucoup moins rose que ce que l’on peut lire sur les Français qui sont allés s’installer et réussissent dans cette immense contrée. 

Dans la région de Los Angeles, nous avons vu beaucoup de belles maisons mais aussi des rues entières où les gens vivent dans leur camping-car car ils n’ont plus rien. Nous avons réalisé que, derrière la grande maison, il y a des gens qui bossent tout le temps, partent très peu en vacances. Par manque de temps et parce qu’il faut que l’argent rentre pour payer les crédits. Le rêve américain porte bien son nom, c’est un rêve. Nous avons rencontré des Français avec un magnifique garage qui tournait à plein régime, mais, au fil de nos rencontres, nous avons vu que la vie pour eux n’était pas facile, avec des journées de travail interminables, peu de temps de libre.

 

Malgré tout, nous avons dans la tête l’envie de faire une expérience de deux ans là-bas. Ce pays nous attire et nous aimerions y passer un peu de temps.

 

Cette intéressante discussion a révélé ce que je pressentais. Derrière ce panneau American Dream 64, il y a une passion débordante. La vente des voitures restaurées n’est pas un but en soi, juste l’occasion de continuer à vivre cet amour pour la belle voiture américaine. Je suis certain qu’il y a à chaque fois un bel échange entre le vendeur et l’acheteur. Et, pour mieux me rendre compte de l’effet que peut produire ce cheval sauvage, quoi de mieux que de faire un petit tour avec. J’ai de la chance, Laetitia m’a dit que c’était la meilleure Mustang de toutes celles qu’ils ont côtoyées.

 

C’est parti !

 

 

 

Je tourne la clef de contact. Le moteur se réveille, distillant une musique mécanique hors du commun dans l’habitacle. Je m’en doutais mais je sais maintenant que je vais vivre une expérience exceptionnelle avec cette voiture. Elle promettait beaucoup de l’extérieur et elle va poursuivre son exercice de charme via cette splendide pièce mécanique tapie sous l’immense capot que j’ai sous les yeux. J’ai la passion des motos, et, bien que m’intéressant aux voitures, elles n’ont pas le pouvoir de séduction que celui de mes amies sur deux roues. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que je serai moins catégorique. C’est la première fois que je fais connaissance avec un moteur possédant huit cylindres. Les pulsations qu’il transmet déjà alors que je n’ai pas encore enclenché la vitesse donnent un aperçu de ce qui nous attend. Car ma petite famille s’est spontanément portée candidate pour m’accompagner quand Sébastien m’a proposé d’essayer cette Ford Mustang magnifiquement retapée.

 

 

C’est le moment de partir. Pas besoin de boucler la ceinture de sécurité, il n’y en a pas. Je me saisis du généreux levier de la boîte de vitesses automatique, appuie avec le pouce sur le bouton pour le débloquer et le positionne sur la position D. J’enfonce avec toute la modération possible la pédale d’accélérateur. La voiture décolle en douceur avec le son du moteur qui semble traverser tout l’habitacle.

 

La jante du volant est étonnamment mince et la direction d’une grande douceur. Nous arrivons sur le boulevard au revêtement incertain ; la Ford Mustang manifeste alors son indépendance en refusant de suivre son cap. J’ai l’impression d’avoir l’avant qui chercher un peu sa route au gré des inégalités de terrain.

L’horizon se dégage et j’ose écraser un peu plus l’accélérateur. Le moteur vrombit un peu plus fort, de sa belle voix grave. Ce V8 constitue vraiment l’âme de cette voiture. A chaque sollicitation, il répond présent en délivrant une musique mécanique envoûtante. Il vit, ce moteur, à travers ces borborygmes qu’il diffuse généreusement.

 

La route s’élève vers les coteaux du nord de Pau. La direction est très douce mais aussi très démultipliée, ce qui n’est pas l’idéal pour une conduite très précise dans les successions de virages. J’ai le long capot devant moi qui semble jouer le rôle de viseur et j’ai parfois la désagréable sensation qu’il y a comme un temps de retard entre la sollicitation du volant et l’inscription de ce capot dans le virage. Ce n’est pas aujourd’hui que je vais adopter un rythme rapide ! Devant moi, le tableau de bord est d’une grande sobriété. J’aime beaucoup cette simplicité.

 

Dès que la route devient bosselée, le comportement routier de la Ford devient erratique et il n’incite guère à trop accélérer. C’est plutôt une bonne chose car j’ai cette image dans la tête d’une énorme goulée de carburant engloutie à chaque sollicitation de ce gros moteur. Je n’ose imaginer la consommation de cette voiture ! J’admire d’autant plus la performance de Steve Mac Queen dans le film Bullit lors de la plus belle cascade de cinéma (avec une exceptionnelle prise de son au plus près de la mécanique). Comment diantre faisait-il pour mener cette voiture somme toute bien rustique à de telles allures ?

 

C’est le chemin du retour. La sonorité du moteur m’enchante toujours autant même si j’ai conscience qu’il privilégie les sensations aux performances. Peu importe, il transmet de bonnes vibrations à celui qui est au volant …. et même aux deux passagères ravies. Elle a un côté moto, cette Ford Mustang, en ce sens qu’on la sent vivre. Au guidon d’un deux roues, il y a cette relation privilégiée avec la mécanique qui officie sous le réservoir. On est en contact direct avec elle, on la sent s’ébrouer dans les bas régimes, se réveiller au fur et à mesure que les tours/minute augmentent, rugir à l’approche de la zone rouge. Dans une voiture, tout cela est filtré et je n’ai jamais éprouvé dans un habitacle les merveilleuses sensations offertes par une moto. Sans parler de ce corps à corps qui définit la relation pilote-moto. Or, pour la première fois, un moteur de voiture m’a « parlé », mon corps a absorbé les fréquences sonores de l’énorme groupe propulseur. Cela m’a fait oublier les qualités routières incertaines et le freinage faisant office de ralentisseur.

 

La petite virée se termine. Je roule à une allure de sénateur, appréciant cette atmosphère si particulière née de la démesure des automobiles américaines, cette démesure que je ressentais, quand j’étais adolescent, en regardant les films et feuilletons américains, avec ces énormes voitures et leur moteur rugissant.

 

La balade est finie. Je regarde une dernière fois cette Mustang qui a su faire vibrer le motard au long cours que je suis, ce qui n’est pas une mince performance !

 

Merci Laetitia et Sébastien pour la balade offerte!