J’avais apprécié mon petit tour au guidon de la Ducati Multistrada 950 il y a huit ans de cela.
L’arrivée d’une nouvelle Multistrada bicylindre a donc retenu mon attention lors de sa présentation à la presse. En fait, seul le nom a été conservé car Ducati a profondément revu sa copie.
Tout d’abord, le moteur est entièrement nouveau. Terminé le rappel desmodromique des huit soupapes, adieu aux courroies de distribution; le moteur devient en outre porteur et il a perdu 5,8 kilos. Il a un peu moins de cylindrée (890 cm3 au lieu de 937 cm3). Mais que les amoureux de la marque soient rassurés, il a toujours un angle de 90 degrés!
La partie cycle est elle aussi entièrement nouvelle avec ce moteur porteur. Le joli cadre treillis a vécu, place au monocoque en alu.
Ducati annonce 18 kilos de moins sur cette nouveauté. C’est beaucoup et ce n’est pas pour me déplaire si cela doit donner une moto plus facile à mener.
Justement, ce jeudi 6 mars 2025,je suis là pour ça et après avoir écouté rapidement les explications du vendeur sur les incontournables réglages (suspensions, cartographie...), je m’empresse de m’installer pour vérifier les qualités de cette V2 S.
Le S correspond au modèle haut de gamme muni de suspensions pilotées. Sur la moto d’essai, la moto est en mode Touring et les suspensions sur le mode Confort. A noter une ergonomie bien faite que j’ai intégrée immédiatement (c’est à souligner vu mon aversion pour ces tableaux de bord et ces commodos de plus en plus complets ...et complexes parfois!).
La hauteur de selle est raisonnable. Je ne sais pas si la moto a réellement perdu 18 kilos (je me méfie des chiffres annoncés par les constructeurs...) mais le relevage de la machine de la béquille latérale est très aisé et le maniement à l’arrêt tout autant. Un bon point.
Une pression sur le démarreur. Le bicylindre se réveille dans un bruit contenu et discret au niveau des bruits mécaniques. Je n’en dirai pas de même du moteur de la KTM 890 Adventure qui vient de s’ébrouer à coté de moi... Cela confirme la tendance chez le constructeur italien de proposer des motos à la sonorité mesurée dorénavant comme je l’ai constaté sur la Multistrada V4 et la Désert X.
C’est parti! Levier d’embrayage doux et précis, position de conduite naturelle, je me sens bien sur cette moto. Au démarrage, la poignée de gaz me laisse une impression bizarre, comme si elle n’obéissait pas directement à mes ordres, en passant par le filtre de l’électronique. Mais ce sentiment s’évanouit dès que je prends un peu de vitesse. Le pare-brise me semble un peu bas; pas de problème, je le remonte très facilement d’une main et la protection devient très satisfaisante pour mon 1,74 m.
Le moteur fait preuve d’une belle progressivité dans la circulation et le maniement du sélecteur est aisé; il est précis et doux à la fois.
Devant moi, le tableau de bord est lisible et j’apprécie sa taille réduite. La reproduction de l’aiguille du compte-tours telle que je l’ai connue sur mes anciennes motos, lisible immédiatement, me satisfait complètement.
La route de Saint Faust me fait de l’oeil et je quitte enfin la rocade. Un revêtement changeant, des enfilades de virages variés, rien de tel pour se faire rapidement une idée du comportement d’une moto.
Ce qui m’étonne le plus, c’est la souplesse des suspensions. C’est moelleux, presque trop et, alors que j’augmente le rythme, je leur reproche un léger manque de rigueur. Il faudra que je teste un autre réglage au retour.
Le shifter m’épate par sa vitesse d’exécution tout en fluidité à bas et moyen régime, tant en montée qu’en descente. Il est même meilleur en rythme tranquille que lorsque je sollicite un peu plus le moteur.
Car il ne demande que ça, le nouveau V-twin Ducati. Tout en étant souple, il montre très vite de fortes dispositions à monter en régime. L’aiguille du compte-tours part à l’assaut des sommets très rapidement. Une nouvelle fois, je note une différence avec une marque que je connais très bien, Honda, au niveau de la démultiplication finale. Elle tire plutôt court, cette Ducati. A 5000 tours/minute,la vitesse est de 120 km/h; sur l’Africa Twin 1100 (mais aussi sur la 1000), c’est 30 km/h de plus. Et cela change tout au niveau des sensations ressenties.
Sur la Ducati, il y a une nette propension à des montées en régime vives, sur la Honda, c’est la linéarité qui est mise en avant. Deux philosophies différentes avec au final, des résultats tout aussi dissemblables même si, j’en suis persuadé, le niveau de performance doit être assez équivalent. Une chose est sure, l’adepte des moteurs rageurs va aimer le nouveau bicylindre Ducati. Personnellement, je me sens plus en phase avec une motorisation moins "pousse au crime". Car, la manière de délivrer les chevaux est fortement incitative pour le pilote au guidon et je me suis surpris à tester quelques solides accélérations entre deux virages. Mais je sais pertinemment que je me lasserais vite d’un tel comportement moteur au quotidien.
En effet, les vives accélération me propulsant en avant ne sont pas ma tasse de thé, car elles induisent un pilotage trop heurté à mon goût. Je préfère nettement une solide poussée aux bas régimes me permettant une conduite dynamique mais fluide. Sur la Ducati la plage coupleuse se transforme trop rapidement en phase "post combustion", avec l’aiguille du compte-tours qui se précipite vers les 10 000 tours du début de la zone rouge.
Ceci ntelle que je l’ai connueest que mon avis personnel car, objectivement, le V2 cumule les qualités: souple, coupleux et donc aimant partir à l’assaut de la zone rouge.
Ceux qui aiment une certaine explosivité mécanique seront enchantés, d’autant que cela reste entièrement maîtrisable. On n’est pas dans le monde à part de la grande soeur munie du V4 que j’avais pu essayer en 2021; avec elle on rentrait dans une autre dimension quand venait l’idée (saugrenue?) d’ouvrir en grand la poignée de gaz. Je m’étais senti en complet décalage avec mon environnement et je n’avais pas renouvelé l’expérience une deuxième fois!
Je trouve cependant qu’il a perdu un peu de son "âme". Je m’explique. SI je n’avais pas connu son architecture avant d’en prendre le guidon, j’aurais été incapable de reconnaître un bicylindre en V. Je sentais sous le réservoir un moteur généreux, discret, répondant sans coup férir aux ordres de la poignée de gaz mais la signature propre aux V twin que j’ai pu constater à de multiples reprises dans ma vie de motard a disparu. Cela provient sûrement des progrès réalisés dans la conception et la fabrication des mécaniques modernes mais je pense que la place prépondérante prise par l’électronique joue un rôle essentiel dans cette atténuation des différences ressenties entre des moteurs d’architecture différente. Mon point de vue est celui d’un motard "d’expérience" mais il se peut que la nouvelle génération des motards ne voit que le résultat, une motorisation très efficace comme j’ai pu le constater.
Après un bref arrêt pour quelques photos, je prends le chemin du retour en prenant le soin de régler les suspensions sur le mode Dynamic. Le changement se ressent immédiatement avec une moto plus rigoureuse sur cette route parsemée d’inégalités de terrain.
La partie cycle est à la hauteur du moteur. J’aime son coté facile et les mises sur l’angle se font sans effort. La position de conduite naturelle participe à ce sentiment de moto simple à mener. Le frein avant répond présent avec progressivité et la plongée de la fourche est contenue (il n’y a que 170 mm de débattement). Le frein arrière me convient moins avec une pédale pas naturellement accessible ( je pense que l’on doit rapidement s’adapter) mais surtout une course trop longue ne me permettant pas un dosage précis ( je suis devenu friand du frein arrière pour faciliter les entrées de virage et maintenir la corde) et enfin une efficacité moyenne.
Mon essai se termine et je dois reconnaître que cette moto est séduisante. Je la trouve très homogène et, à priori (difficile de se prononcer sans avoir roulé plusieurs heures avec), le confort parait satisfaisant. Je me suis senti bien installé sur la selle et sans aucune tension au niveau de la position de conduite, avec une ergonomie excellente.
Juste avant de rejoindre la concession, j’ai de nouveau ressenti la même impression qu’au moment du départ alors que je m’arrêtais à l’abord d’un rond point. Un régime moteur changeant sans que je n’en donne l’ordre... Alors que je donnais mes impressions à Adrien dans la concession, il m’a indiqué que la moto avait une aide au démarrage pour éviter de caler et cela expliquait mon sentiment.
Ducati a fait du bon travail en concevant cette nouvelle génération de V2. L’homogénéité de l’ensemble de la moto est réel et je suis très sensible à cet équilibre général sur une machine qui génère une grande facilité de conduite.
Dommage pour moi, il y a ce moteur au caractère entier qui ne me correspond pas. Mais je suis certain qu’il conviendra aux motards et motardes privilégiant les sensations.
Seul bémol, le prix. 19 190 euros, cela commence à faire beaucoup. J’ai vérifié, il y a le modèle "de base" qui, à priori, est identique à part l’absence pour lui des suspensions pilotées et dont le tarif est de 16.490 euros. 2700 euros de différence pour de simples suspensions pilotées, c’est énorme! (1000 euros chez Honda). En outre, je ne suis pas fan de trop de complexité sur une moto et suis plutôt demandeur de suspensions de qualité, même s’il faut assurer soi-même les réglages. Il peut être intéressant d’essayer ce modèle avant de faire son choix.
Consommation durant l’essai: 5,1 litres/100.
Moteur :
Bicylindre en V à 90°, distribution variable à l’admission, Euro 5+
Cylindrée : 890 cm3
Puissance : 115 cv (85 kW) à 10.750 tours/minute (95 ch en version A2)
Couple : 92 Nm (9,4 kgm) à 8.250 tours/minute
Transmission :
Embrayage : Multi disques en bain d’huile
Boîte de vitesses : 6 rapports avec shifter Ducati (DQS)
Transmission finale : Par chaîne
Partie cycle :
Cadre : Cadre monocoque en aluminium
Empattement : 1.572,5 mm
Hauteur de selle : 830 - 850 mm
Poids : 199 kg à sec
Suspension avant : Fourche inversée Marzocchi de 45 mm, entièrement réglable, débattement 170 mm
Suspension arrière : Bras oscillant en aluminium, monoamortisseur Marzocchi réglable, débattement 170 mm
Angle de chasse : 24,3°
Frein avant : Double disque semi-flottant de 320 mm, étriers monoblocs Brembo à quatre pistons à fixation radiale, ABS en courbe
Frein arrière : Simple disque de 265 mm, étrier flottant Brembo à deux pistons, ABS en courbe
Roues : Jantes en alliage léger
Pneu avant : 120/70 ZR19 Pirelli Scorpion Trail II
Pneu arrière : 170/60 ZR17 Pirelli Scorpion Trail II
Réservoir : 19 litres
Prix :16.490 euros (V2) et 19 190 euros (V2 S)