Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

Triumph Tiger 800

Vendredi 7 octobre 2016. La météo de ce début d’automne continue d’épargner les motards en leur offrant une nouvelle journée ensoleillée. Cela m’arrange fortement car j’ai quelques centaines de kilomètres qui m’attendent aujourd’hui.

Je commence par une première courte étape jusqu’à Biarritz où m’attend une moto que je souhaite essayer depuis longtemps. Adepte du bicylindre mais réfractaire au quatre cylindres (hormis le V4 au caractère spécifique), je n’ai pas encore goûté à « l’entre-deux », j’ai nommé le trois cylindres, si ce n’est lors d’une expérience peu concluante avec la trop vive Tracer 900.

Aujourd’hui, c’est un trail dont je vais prendre le guidon, et qui devrait me convenir d’après certains amis motards, une moto dont j’ai pu lire beaucoup de bien depuis son arrivée sur le marché.

En outre, après mon coup de foudre pour la nouvelle Africa Twin en janvier dernier, il ne me déplait pas d’essayer une de ses concurrentes afin de pouvoir comparer les deux motos à quelques mois d’intervalle.

A la concession, on m’annonce une demi-heure d’essai. J’essaie de négocier un peu plus, mais c’est peine perdue. Comme me dit la femme de la concession, c’est suffisant pour se faire une idée. Oui, bien sûr, mais j’ai quand même besoin de temps pour entrer en phase avec la moto….

Heureusement, j’avais prévu cela et j’avais visualisé sur Google Maps un itinéraire adapté loin de la circulation et avec des virages. Pas question de perdre du temps dans les embouteillages !

Je m’installe donc sur la Tiger 800 puisque c’est d’elle dont il s’agit. Hauteur de selle un peu surélevée, comme j’aime, mais guidon qui l’est un peu moins, ce qui génère une position moins trail que celle à laquelle je suis habitué. Le moteur se réveille. J’enclenche la première et démarre. La moto se révèle évidente avec un moteur souple et une boîte de vitesses précise et douce. Je suis juste un peu gêné par un très léger à-coup à la remise des gaz après le passage du rapport supérieur, mais je reconnais que je suis très sensible sur le sujet. J’aime la fluidité dans cette phase mécanique de la conduite. Je trouve instinctivement la solution en adaptant mon lâcher d’embrayage. La moto se laisse mener sereinement, avec notamment une souplesse du trois cylindres assez impressionnante.

J’ai quelques voitures qui me gênent devant et, dès que possible, je les dépasse sans coup férir avec un moteur qui répond très bien aux ordres de la douce poignée de gaz. Le couple moteur est bien présent et le pot adaptable Scorpion distille une belle musique lors des montées en régime. Par contre, dès que l’on redescend plus bas dans le compte-tours, un sifflement assez agaçant s’installe. Pas très agréable pour les oreilles. La route est sinueuse, le revêtement est bon et je me lâche un peu. Le moteur est vraiment bien rempli et je sens qu’il prend encore plus d’ampleur vers 4500-5000 tours/minute ; il part alors à l’assaut de la zone haute du compte-tours mais la topographie de l’endroit m’interdit de la tester. Trop dangereux. De plus, je ne suis pas un adepte des montées en régime sans fin, je préfère nettement les bas et moyens régimes. Dans les nombreux virages qui mènent jusqu’à Saint Pée sur Nivelle, la moto s’inscrit bien, même si je ressens une petite lourdeur que je mets sur le compte du moteur peut-être un peu pesant. L’intérieur de mes cuisses est un peu irrité par le cache plastique qui recouvre le cadre, cela ne me permet pas de faire complètement corps avec la machine en enserrant le réservoir comme j’aime le faire avec ma Transalp ou avec l’Africa Twin.

Quelques freinages appuyés rassurent. La moto plonge assez peu ; il est vrai que je suis au guidon du modèle « de base » avec roue de 19 pouces et ayant moins de débattements que le modèle XC.

J’arrive à Saint Pée sur Nivelle et je fais demi-tour.

J’ai une sensation étrange. Objectivement, cette moto est excellente, mais je n’arrive pas à être totalement séduit. Serait-ce la position de conduite pas assez trail pour moi ? Ou cette légère lourdeur que j’ai notée dans les demi-tours et les virages très serrés ?

Non, je crois que c’est tout simplement le moteur qui est en cause. Attention, je ne dis pas qu’il est mauvais, loin de là. Au contraire, il allie souplesse en bas, couple à moyen régime et explosivité en haut et le tout est parfaitement exploitable, contrairement à ce que j’avais constaté sur la Tracer 900, mais, tout simplement, il ne me parle pas. Ce n’est pas facile à expliquer mais je vais essayer quand même ! Il y a d’abord ce sifflement permanent qui me perturbe, mais aussi ce sentiment que j’avais déjà noté sur les quatre cylindres en ligne d’être à un régime plus élevé que celui que m’indique l’aiguille du compte-tours. Cela s’éloigne du ressenti que j’ai sur un bicylindre où j’aime entendre les pulsations du moteur sous le réservoir, même si elles sont feutrées. J’ai encore le souvenir de mon plaisir sur la Gladius 650, la KTM 1050, la BMW 1150 GS ou 800 GS, l’Africa Twin 1000 … et ma Transalp bien sûr ! Là, il y a un côté « lisse » qui ne m’accroche pas. C’est donc uniquement au niveau des sensations ressenties que cela coince, mais cela change tout. Je peux ainsi passer d’une moto avec laquelle j’entre en vibration, comme la KTM 1050 ou l’Africa Twin à une moto qui me laisse un peu de marbre.

Sur le chemin du retour, je note un régime de 5000 tours/minute pour une vitesse de 110 km/h, et 6000 tours/minute à 130. C’est assez élevé, je trouve, mais la zone rouge est à l’avenant puisque située à 10 000 tours/minute. Cela fait beaucoup pour un trail.

Sur les rares parties bosselées, je constate que les suspensions réagissent bien, mais avec une certaine fermeté. J’avais trouvé celles de l’Africa Twin plus onctueuses, mais la Triumph à l’essai est le modèle XR aux débattements de suspensions moins importants. Pour celui qui veut se rapprocher du vrai trail, il y a un modèle XC avec grands débattements et roue avant de 21 pouces et aussi, j’espère, un guidon un peu moins rabaissé.

Voilà, c’est déjà fini, je ramène la moto à la concession. Je l’examine une dernière fois en notant une qualité de fabrication indéniable. C’est certain, elle a beaucoup de qualités, cette Triumph et nul doute que le modèle XC doit mieux me convenir. Mais, car il y a un mais, je sais maintenant que le trois cylindres n’est pas ma tasse de thé (pour rester dans le ton british de ce très court essai) malgré d’indéniables qualités.

Comme on dit, il est important de trouver chaussure à son pied et je trouve que le motard a un sacré choix à sa disposition dans le domaine des trais plus ou moins orientés tout-terrain ou routiers. Entre le V4 de la CrossRunner 800, le bicylindre en ligne de la nouvelle Africa Twin, voire le 750 longue course de la NCX 750, le trois cylindres explosif de la Tracer, les V-twin de la KTM 1050 et de la V-Strom Suzuki 1000 (ou de la 650 pour ceux qu’une cylindrée plus faible ne gêne pas), sans parler des Versys 650 ou 1000, il y en a pour tous les goûts et toutes les bourses. Je trouve que c’est ce qui différencie la moto de l’auto, cette multitude de caractères mécaniques et de comportements routiers différents.

Je rends les clefs de la moto à la concessionnaire, lui fait part de mes réserves en ce qui concerne le ressenti tout en reconnaissant les qualités objectives de sa moto.

Avant ces quelques tours de roues, je ne pensais pas être aussi réfractaire au trois cylindres Triumph. Comme quoi, au-delà des essais publiés dans la presse écrite et en ligne, rien ne vaut son opinion personnelle avant de faire son choix.

Heureusement, pour me consoler, il y a le retour que je décide de rallonger quelque peu. Saint Pée sur Nivelle, Cambo, Saint Jean Pied de Port, Orreaga, Orbaitzeta, Ochagavia,Navascues, Burgui, Jaca, col du Somport, Tarbes, Pau. Au final, 600 kilomètres de routes à bonheur avec une mention spéciale pour la partie Aribe- Ezcàroz où, comme cela m’arrive parfois, j’ai atteint le nirvana motocycliste sur cette magnifique portion de route.