Kawasaki a forgé sa réputation en produisant des motos sportives. La marque a toutefois tenté une percée dans la catégorie du trail routier avec la KLE 500. Même si cela n’a pas été couronné de succès, cette moto aux réelles qualités mérite que l’on s’attarde sur son cas.
1991. Depuis 5 ans, la Honda Transalp est la reine sur le marché du trail routier de moyenne cylindrée. Et pour cause. Elle est la seule à posséder un moteur bicylindre. Les concurrentes ne peuvent que constater leur impuissance face à cette nouvelle génération de trails.
Chez Kawasaki, il y a un modèle qui rencontre un certain succès dans la catégorie des moyennes cylindrées, la 500 GPZ. Elle est alors une excellente moto d’initiation pour les jeunes détenteurs du permis gros cube… et possède un moteur avec deux cylindres. La base mécanique est là, on s’attelle chez Kawasaki à rendre le bicylindre plus accessible en diminuant sa puissance de 10 chevaux dans le but d’améliorer une souplesse qui est loin d’être son point fort.
Lors de son arrivée sur le marché en 1991, avec un poids à sec de 175 kg, une hauteur de selle très raisonnable de 835 mm et une puissance élevée pour l’époque de 50 chevaux, la Kawasaki KLE 500 se place sur le terrain défriché par la Honda Transalp des trails avec une orientation routière prononcée. Mais, avec son avant effilé et sa compacité (générant une longueur de selle réduite), elle se rapproche plutôt de la Dominator.
Comme cette dernière, elle montre un caractère enjoué grâce à un moteur adepte des montées en régime. Avec une zone rouge fixée à 11 000 tours/minute, Kawasaki a annoncé la couleur; il n’est pas question de laisser tomber ce qui a fait la réputation du constructeur japonais, celle de proposer des motos de caractère.
Malheureusement, cette incursion dans la catégorie du trail routier n’est pas couronnée de succès et la KLE 500 reste très loin des chiffres de vente de la Transalp 600, la faute peut-être à une motorisation manquant de cylindrée. Suzuki réussira mieux dans ce domaine avec l’arrivée tardive de la V-Strom en 2003.
Malgré ce faible engouement pour le trail Kawasaki, ce dernier poursuit sa carrière durant de nombreuses années en faisant l’objet de modifications mineures en 1994 (selle plus épaisse, bulle de carénage plus haute, nouveaux carters d’huile et d’embrayage) et en 2004 avec un avant redessiné s’inspirant de la Kawasaki Z 750, une nouvelle selle, une instrumentation plus complète et l’adoption d’un catalyseur pour répondre aux normes anti-pollution.
Elle ne tire sa révérence qu’après 16 longues années en laissant sa place à un trail plus routier, j’ai nommé la Versys 650. Il vaudrait mieux parler pour elle de routière surélevée avec une roue avant de 17 pouces.
La Kawasaki KLE 500 à l’essai appartient à Laurent. Pour être plus précis, elle rejoindra le garage d’un de ses amis après être passée entre ses mains expertes. Car l’homme est un passionné de la marque, notamment de ce modèle qu’il connaît sur le bout des doigts et qu’il sait améliorer à moindre coût.
Cette dernière a ainsi eu droit à l’adjonction de cales de 30 mm dans la fourche, très souple en début de course, pour précontraindre les ressorts et obtenir un train avant moins pataud et plus apte à affronter les chemins. La moto est effectivement destinée à quitter régulièrement le bitume pour s’aventurer en tout-terrain.
C’est d’ailleurs une tendance étonnante que je constate depuis quelques années. Les trails routiers qui, au moment de leur sortie, étaient considérés comme des pures routières ont peu à peu vu leur utilisation transformée. J’ai retrouvé une publicité de la KLE 500 en 1992; la moto est devant un panneau d’affichage représentant la carte de Neuilly-Auteuil-Passy et le texte met en avant ses qualités en ville, route et autoroute en oubliant de parler du tout-terrain qui ne semblait même pas une option à l’époque!
Aujourd’hui, les vieilles Transalp 600 et donc KLE 500 sont couramment utilisées pour des virées essentiellement en tout-terrain. Il est vrai que, comparées aux gros trails actuels, elles font dorénavant figure de motos accessibles et cela a engendré une perception différente de leurs capacités présumées. Sans oublier que l’on est peut-être plus enclin à solliciter une moto ancienne payée moins de 2000 euros...
L’essai est réalisé dans le très beau cadre du Pays Basque, sur les hauteurs de Saint Jean Pied de Port, Laurent ayant eu la gentillesse de quitter ses Landes pour un terrain plus propice à la pratique de la moto.
Ma première impression en m’installant au guidon est une hauteur de selle relativement élevée. Les raisonnables 835 mm d’origine ont subi une petite hausse avec l’installation des cales dans la fourche et l’arrivée d’un nouvel amortisseur.
Pression sur le démarreur. Le moteur se réveille dans une sonorité caractéristique du bicylindre Kawasaki calé à 180 degrés, avec malheureusement quelques cognements peu mélodieux. Je viens de quitter ma moto personnelle de même puissance et cylindrée (CB 500 X) et la différence entre les deux machines me saute aux yeux. La KLE moins de répondant à bas régime et cela ne fait que confirmer ce que je constate régulièrement, les nets progrès réalisés au niveau de la disponibilité des moteurs modernes dans la première partie du compte-tours. Sur cette Kawasaki, il ne faut pas laisser le régime descendre trop bas, essentiellement sur les rapports supérieurs, pour éviter les à coups. Puis, au fur et à mesure que l’aiguille du compte-tours grimpe, le moteur part à l’assaut des hauts régimes avec un bel enthousiasme, bien aidé par une boîte de vitesses précise. Le bicylindre montre un caractère certain qui tranche nettement avec le coté placide d’une Transalp 600.
La partie cycle se révèle très équilibrée et la moto se mène avec facilité sur le parcours sinueux que nous avons choisi. J’ai juste à faire abstraction des pneus typés tout-terrain pas très à l’aise sur le goudron.
Quant au freinage, depuis maintenant trois ans que je m’occupe de la rubrique Flash Back, j’ai appris à composer avec des freins plutôt médiocres. Sur cette KLE 500, ils se situent dans une honnête moyenne avec toutefois un disque arrière sujet au blocage, ce qui peut présenter un avantage en tout-terrain; nul besoin de déconnecter l’ABS comme sur les motos modernes!
Puisque j’aborde le sujet, sachez que la moto a certaines capacités sur les chemins à condition d’augmenter sa garde au sol un peu faible (180 mm). Laurent pour lequel cette moto n’a aucun secret m’explique qu’outre l’installation de cales dans la fourche, un amortisseur YSS remplace avantageusement celui d’origine mais qu’il a réussi sur cet exemplaire à adapter celui de la concurrente, la Transalp 600. A noter que la moto possède d’origine un sabot de protection moteur en aluminium enveloppant, des pare-mains et des soufflets de fourche. Ainsi légèrement surélevée et chaussée de pneus Motoz, cette Kawasaki fait montre de capacités réelles en tout-terrain avec un moteur assez souple.
Laurent a pu les tester récemment sur les pistes marocaines. Au fil des kilomètres, j’oublie cette zone rouge à 11 000 tours/minute qui m’avait interpelé lors de sa prise en mains (pas très crédible au demeurant avec une puissance maximale au régime de 8500 tours/minute). J’apprécie au contraire la bonne volonté de ce bicylindre permettant de musarder à 2-2500 tours/minute sur les rapports inférieurs.
En définitive, cette Kawasaki se révèle très polyvalente en cumulant des qualités routières avérées et des possibilités certaines lorsque l’on s’aventure en tout-terrain. Cela n’a malheureusement pas suffi pour lui ouvrir les voies du succès. Mais cette moto mérite que l’on pense à elle lorsque l’on recherche un trail homogène à moindre coût.
Achat d’occasion. Que vérifier ?
La Kawasaki KLE 500 se révèle être une moto fiable. Son point faible, c’est le rotor d’alternateur qui nécessite parfois d’être changé. En profiter pour vérifier l’état de la roue libre du démarreur (30 euros) située derrière le rotor. Le silencieux peut avoir subi les affres de la corrosion. Risque de rupture des goujons d’échappement sur la culasse (sur plus de dix motos passées entre les mains de Laurent, un seul cas relevé).
Assez peu répandue, c’est une moto accessible financièrement avec de nombreux modèles proposés à moins de 2000 euros.
N’hésitez pas à aller glaner des informations sur le groupe Facebook consacré à cette moto https://www.facebook.com/groups/263669147450116
Remerciements
Laurent Penalva est un motard amoureux de la marque Kawasaki et notamment de la KLE 500 (il fabrique d’ailleurs pour cette moto des porte-sacoches latéraux, des crash-bars et un sabot moteur plus enveloppant). Un grand merci à lui pour le temps qu’il a consacré à la réalisation de cet essai et pour les précieuses informations sur ce modèle peu répandu. Sachez qu’il est guide diplômé et qu’il organise régulièrement des virées tout-terrain dans la région des Pyrénées (Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.)
Kawasaki KLE 500 (1995). 34583 francs soit 5272 euros
Caractéristiques techniques
Moteur
Bicylindre refroidi par eau calé à 180°
Double arbre à cames en tête
4 soupapes par cylindre
498 cm3
50 chevaux à 8500 tr/mn
Couple maxi: 4,6 Mkg à 7000 tr/mn
2 carbus Keihin à dépression 34 mm
Démarreur électrique
Boîte 6 vitesses
Partie cycle
Cadre tubulaire double berceau en acier
Suspension avant: débattement 220 mm
Suspension arrière: Unitrack mono-amortisseur débattement 200 mm
Frein avant: disque 300 mm étrier à 4 pistons
Frein arrière: disque 230 mm étrier 2 pistons
Roues: 21pouces avant, 17 pouces arrière
Dimensions et poids:
Hauteur de selle: 835 mm
Garde au sol: 180 mm
Poids à sec (constructeur) : 175 kg
Poids tous pleins faits (vérifié): 202 kg
Réservoir 15 litres
Cet article a été publié dans la revue Trail Adventure n°37 qui peut être commandée à l'adresse suivante:
https://boutiquecppresse.com/anciens-numeros-trail-adventure-magazine.html