Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

Septième partie: Honda 250 VTR, la sauterelle rouge - Rassemblement des 250 cm3 en Creuse

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Quitter son travail, le soir, et prendre la route sans passer par la case maison, voilà qui annonce un programme réjouissant.

Effectivement, ce mercredi soir, veille de l’Ascension, je me retrouve au volant de notre Toyota pendant que Marie, devant, semble prendre un plaisir évident à balancer notre petit V-twin dans les virages. Je prends mon mal en patience, en me disant que, la fatigue aidant, je vais bientôt, me retrouver au guidon.

Deux heures plus tard, j’abandonne avec plaisir le confort ouaté de notre voiture pour la petite selle de la Honda. Avec elle, c’est instantanément le bien- être qui s’installe, rythmé par les pulsations du moteur à l’enthousiasme omniprésent.

Peu à peu, nous quittons les lignes droites monotones du Lot et Garonne et rentrons en Dordogne avec ses routes sinueuses, ses petits bois, ses belles maisons de pierre. La nuit s’installe doucement, alternant pénombre dans les nombreux sous bois et ciel bleu foncé. Le froid s’invite.

J’aime ces atmosphères, ces moments où la nature opère son changement. Les arbres, sous le pinceau du phare, ressemblent à des personnages géants qui assistent à notre passage, les herbes frissonnent au passage de la Toyota dont les feux rouges me guident à travers les routes tortueuses.

Une première étoile, étincelante annonce la fin de la journée. Je n’ai plus envie de piloter, juste me laisser mener doucement jusqu’à destination. Je ne quitte plus la cinquième, le moteur, souple, se plie de bonne grâce à cette fin de parcours en roue libre. Il m’emmène en douceur vers la maison qui nous accueille sous une pluie d’étoiles.

Vendredi matin, il est 7 heures quand je réveille le V-twin dans la campagne endormie. Je rejoins Sarlat, puis me dirige vers Brive sous un petit crachin qui n’arrive pas à doucher mon enthousiasme. Le parcours que j’ai concocté va en effet éviter tous les grands axes et il promet d’être beau.



A Seilhac, le temps passe de l’humide au mouillé et je m’autorise une petite halte dans un café. Là, quatre personnes, concentrées au point d’oublier de me dire bonjour, s’échinent à trouver la bonne combinaison, aidées par le journal des turfistes, pour enfin décrocher le gros lot du tiercé. Je les trouve tristes, avec cette dépendance au jeu qui transparait dans chacun de leurs gestes. Cela pourrait être une passion s’il n’y avait cet espoir que l’on sent irrémédiablement accroché en eux, de gagner de l’argent.

Rien dans ce triste café ne me pousse à prolonger mon séjour, d’autant que le propriétaire change la chaîne de la télé ; à priori, il n’apprécie pas le programme en cours sur Eurosport qui, pourtant, diffuse les essais du Grand Prix de France moto. C’est un signe, c’est la route qui m’attend aujourd’hui, et rien d’autre.

 

 



Progressivement, je prends un peu d’altitude. Les maisons de granit semblent construites pour l’éternité dans cette région. Elles sont en harmonie avec les forêts omniprésentes. Je roule depuis plusieurs heures et je prends la mesure du revêtement détrempé de la route ; ma conduite est de plus en plus souple, je ne lutte plus contre l’adhérence parfois incertaine du revêtement, je l’apprivoise.

C’est la région des Millevaches, les villages sont plus rares, plus petits, la forêt gagne du terrain, la route devient plus étroite. La pluie a cessé et j’arrive au lieu de rendez-vous, au Chalet Cerise, pour être plus précis.

Car, derrière cette petite balade, il y a un but. Participer à la concentration des motards qui roulent en 250 cm3. Bon, je vous préviens de suite je n’accepterai de révéler le nombre de participants (es) que sous la torture ou parce que vous m’aurez promis de ne pas rire.

Ce premier rassemblement n’a effectivement recueilli que sept inscriptions, et encore parce que je me suis moi-même porté candidat au dernier moment. D’un autre côté, heureusement car le chalet qui nous accueille est plein et ne peut pas me recevoir.

Une Yamaha 250 YBR noire semble m’attendre. Florian, son propriétaire m’accueille avec le sourire et me propose de passer à table. En attendant les prochains arrivants, nous grignotons donc notre repas froid.

Nous n’avons pas à patienter longtemps. Christian et sa Moto Guzzi ( ah bon, je ne savais pas que la marque italienne faisait des 250 à cardan….) et Jessica, l’organisatrice et sa très rare 250 Jawa viennent compléter le groupe en formation.

 

Le soleil est aux abonnés absents mais la pluie semble vouloir nous épargner. L’ambiance est détendue, et chacun découvre les motards qui se cachent derrière un pseudo sur le forum des 250.

Peu après, je laisse mes compagnons pour décharger mes affaires dans la chambre d’hôtes que j’ai trouvée à 20 kilomètres d’ici. Sur le bord de la route, je trouve un motard en difficulté à la recherche du fameux chalet Cerise. Il pilote une Honda NCS . Tiens je n’avais pas remarqué que ce bloc moteur cubait 250 cm3…. Je le remets dans le droit chemin en souriant intérieurement sur les grandes qualités de la technologie moderne, j’ai nommé Monsieur GPS. C’est mon côté vieux motard rétrograde qui ressort !

 

Une heure plus tard, je retrouve le groupe au complet dans un endroit au doux nom de Domaine de Banizette, qui n’est pas une cave à alcool, mais une ferme musée dans laquelle on peut avoir une vision de la vie des paysans il y a un siècle. La visite est très intéressante et l’endroit perdu dans la nature en phase avec son environnement.

 

 

 

 

 

 

Ensuite, une petite boucle jusqu’au village pour faire les provisions du week-end. C’est ce moment là que choisissent les motards de la région parisienne, frustrés par des mois et des mois de conduite dans les embouteillages, dans la pollution, pour se lâcher en attaquant les nombreux virages déhanchés, faisant frotter les repose-pieds, réaccélérant brutalement en faisant dériver le pneu arrière, dans le déchaînement de puissance de leur 250.

Ah, vous trouvez que ce n’est pas crédible comme récit.

Plus sérieusement, c’est sur un filet de gaz que nous profitons de la beauté de la région.

 

Un petit apéro, un barbecue, une platrée de pâtes accompagnent les discussions animées de la soirée, alors que le temps passe du franchement mouillé au presque sec sans altérer la bonne humeur générale.



Je quitte à regret mes compagnons (es) vers 23 heures alors que la fatigue s’est installée chez la plupart d’entre nous. Il y en a même un qui dort depuis longtemps, mais je ne me hasarderai pas à en déduire que sa moto n’est pas très confortable car je ne voudrais pas le vexer !

Par chance, le ciel est dégagé et la nuit est claire. Des bancs de brume dispersés donnent une ambiance mystérieuse. Je roule doucement aperçoit deux hérissons noctambules, puis un lièvre qui surgit de la gauche et enfin un autre qui bondit de la droite, comme quoi les animaux ont aussi leur préférence politique. J’ai le sentiment que l’endroit foisonne d’animaux, tant la nature y est ancrée. L’homme parait vivre ici en harmonie avec ce cadre sauvage superbe.

La journée du samedi, qui s’annonce pluvieuse à l’heure du petit déjeuner, se révèle clémente et Jessica nous fit parcourir une belle boucle de 180 kilomètres idylliques. Le rythme est paisible et laisse au regard le temps de s’attarder sur la beauté de la nature et des villages alentours. La pluie arrive par intermittences, mais nous épargne à l’heure du pique-nique. Au final, une belle balade entre potes.

En regardant les motos rouler devant moi, je détaille le style de conduite de chacun ; Il y a Natacha, souple comme le félin, Pierre Yves, l’acrobate, plus « singe » avec sa jambe sortie pour prévenir les glissades de sa KLX, Christian qui parait assis sur son fauteuil en train de siroter son vin de noix au rythme lent du V-twin italien, Florian et sa position tout en arrière dont la stature domine sa YBR , Jessica posée sur sa Jawa inimitable dont la conception « hors d’âge » génère une attitude non moins atypique. Quant à Gilbert, je me dis que je dois lui ressembler dans ma manière de conduire.

En roulant avec eux, je me dis que le bonheur est fait de petits moments simples tel celui que je suis en train de le vivre à l’instant.

 

 

 

Un nouveau repas au barbecue nous attend. Les côtes de porc ont juste le temps de cuire avant que la pluie ne s’installe vraiment. C’est bien au chaud dans notre chalet que la soirée se prolonge.

Tout a une fin, et je quitte le petit groupe. Sur le chemin de ma chambre d’hôtes, la pluie redouble de violence. Impression parfois ressentie à d’autres occasions de pénétrer dans un autre monde. Je roule au pas, et je me console en pensant au bonheur des batraciens qui sautent de joie sur la route détrempée.

C’est un déluge qui s’installe alors. D’ailleurs, il m’a semblé apercevoir l’arche de Noé sur le point de lever l’ancre dans un pré, à moins que ce ne soit une maison en bois qui y était posée. Mon phare, trop peu puissant, ne me permet pas de me prononcer avec certitude….

La chance est quand même avec moi. Quand l’horloge au tableau de bord indique minuit, ma VTR Carrosse ne se transforme pas en citrouille et elle me ramène, mouillé certes, je dirais même trempé dans la petite maison de Gentioux.

En me couchant, après une douche bienfaisante, je ne peux m’empêcher de penser que je viens de vivre un aperçu de ce qui m’attend le lendemain.


Un peu moins de 500 kilomètres pour rentrer, une alternance de pluie et d’éclaircies, de plus en plus brèves, hélas, les éclaircies, un Christian de plus en plus à l’aise sur sol mouillé (il faut bien que cela serve à quelque chose, le mauvais temps) et le plaisir de sentir la chaleur du feu qui prend naissance dans le poêle à bois familial, à l'arrivée.

 

 

1245 kilomètres de plus au compteur pour la petite 250 qui vient juste de franchir ses 5000 kilomètres en notre compagnie, un bilan consommation toujours aussi réjouissant (maximum 3,41 litres/100, minimum 2,56 litres/100).
Avec ses sacoches cavalières et son pontet rehausseur de guidon installés avant le départ, je n’irais pas jusqu’à dire que c’est une routière mais elle ne s’en sort pas mal, la pitchounette, sur longs parcours, avec son pare-brise.

D’ailleurs, j’ai reçu un message d’un jeune lecteur de mon site qui rêve d’acquérir une VTR 250 mais, comme ses parents, qui vont financer l’acquisition, ne veulent pas d’un achat à l’étranger, il espère que nous la vendrons un jour et me demande de penser à lui à ce moment là. Qu’il est doux de rêver….