Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

Le bonheur est dans le voyage ou une Transalp autour de la méditerranée - chapitre 5

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Syrie

La frontière syrienne, je la passe comme une lettre à la poste, sans aucun contrôle de mon chargement.
Une bonne surprise m'attend lors des premiers kilomètres parcourus dans ce pays. Il y a des Honda 125 CG partout et cette moto fut mon premier achat motard ; avec elle, j'ai réalisé de nombreux voyages. Ici, elles sont souvent superbement décorées avec de rutilants pare-jambes, des couvertures colorées allant du réservoir à l'arrière de la selle. Je me dis que c'est bon signe, qu'un peuple qui a si bon goût ne peut pas être mauvais !

Damas m'accueille....... brutalement avec un accrochage qui a failli provoquer la première chute du voyage. Le conducteur me reproche presque de ne pas avoir klaxonné quand il m'a coupé la route ; ici, comme en Egypte, je klaxonne, donc j'existe.
Je fais halte dans un sympathique petit hôtel. Situé dans une ruelle en cul de sac, au milieu d'un vieux quartier plein de charme, il me séduit immédiatement. Son point fort, c'est sa cour intérieure ombragée, véritable havre de paix, avec des arbres, des plantes, de la verdure en plein centre de Damas. Les bruits de la ville sont quasiment inaudibles. Beaucoup de routards de toutes les nationalités se retrouvent dans cet établissement ; le bouche à oreille semble bien fonctionner.
Autour, je trouve une ville animée mais dans un certain calme ; seule la traversée du boulevard derrière l'hôtel exige des qualités sportives afin d'arriver à bon port de l'autre côté. Dans le souk alimentaire, je découvre une minuscule échoppe à thé tenue par Mahmoud et fréquentée par les gens du quartier. L'accueil est chaleureux et spontané. Cela devient mon lieu favori dans lequel je viens me détendre en compagnie des habitués ; j'en profite pour tenter d'améliorer mon arabe sans grand succès toutefois.
J'aime Damas. Est ce simplement le fait que c'est une des plus vieilles villes habitées au monde (6000 ans) qui lui donne cette atmosphère si particulière ; je ne sais pas, mais je suis surtout sensible à l'extrême gentillesse des habitants. Ce n'est pas l'endroit pour faire un séjour solitaire ; à tout bout de champ, les discussions s'engagent naturellement, sans arrière pensée mercantile, juste pour le plaisir de parler, d'échanger des idées et de boire un thé ensemble.
Ensuite, il y a la beauté des vieux quartiers de Damas. Je marche des heures durant dans des ruelles sans fin avec des bâtiments aux façades parfois si proches que la lumière ne passe plus.

Damas

 


Damas, c'est le contraste entre ces endroits calmes et ombragés et la ville moderne si proche et si bruyante où règne une circulation anarchique. Les véhicules sont typiques ; il y a les vieilles voitures américaines des années 60, les traction avant, les 203 maintenues tant bien que mal en état, les minuscules camionnettes Suzuki dont les montées en régime des 3 cylindres 2 temps me ramènent quelques années en arrière. Détail insolite, certains automobilistes ont installé un équipement qui me fait beaucoup rire ; lorsqu'ils passent la marche arrière, la musique de la lambada se déclenche !



Damas me colle à la peau. Chaque matin, je repousse mon départ au jour suivant. Je me sens bien et je sais que cette nouvelle journée sera l'occasion de nouvelles rencontres. J'aime l'ambiance du quartier de l'hôtel qui semble résister de toutes ses forces à la poussée des grandes artères et des immeubles modernes qui poussent autour. Avec Abdelkader et Alain, je vais me poser dans la splendide mosquée des Osmeyades ; contrairement à nos églises, c'est un véritable lieu de rencontre, rempli de lumière. Assis contre une colonne, nous regardons les enfants jouer pendant qu'un groupe de femmes discute et que les hommes prient.
A force de voir ma moto m'attendre sagement sur sa béquille centrale, je me décide après cinq jours à reprendre le cours de mon voyage.

Peu après Damas, alors que je demande mon chemin à un camionneur, il me répond "Viens boire le thé avec moi ". Cette gentillesse permanente des Syriens me rappelle celle que j'ai pu côtoyer à de nombreuses reprises chez les Algériens ; elle me conforte dans l'idée qu'un peuple n'a aucune ressemblance avec ceux qui le gouvernent et que rien ne vaut un voyage pour le comprendre et l'apprécier.


Je fais halte à Maaloula, étonnant village chrétien aux tons bleutés accroché à la falaise, dans lequel les habitants continuent à parler l'araméen, le langage du Christ.

 


Sur la route de Hama, je m'arrête au Crac des Chevaliers. C'est un superbe château construit au 12 ième siècle par les croisés. En visitant ce bâtiment, je me dis qu'il fallait être sacrément fou pour parcourir des milliers de kilomètres et construire une forteresse en pleine terre arabe afin d'y introduire la religion catholique.

 

 

Hama est une petite ville provinciale caractérisée par ses norias, énormes roues munies de caisses en bois recueillant l'eau de la rivière. Elles tournent lentement dans des grincements assourdissants. Hama, c'est aussi une douceur de vivre avec son jardin public, ses oiseaux, les roseaux au bord de l'eau, les ruelles ombragées, pavées aux épais murs de pierre. Le soir, les gens flânent, discutent, assis dans l'herbe. L'atmosphère respire la sérénité. Il est difficile d'imaginer qu'il y a plus de 15 ans, une tentative de coup d'état d'islamistes durs a entraîné l'intervention de l'armée et a provoqué entre 20 et 30000 morts.

Noria à Hama

 

Le lendemain, à Palmyre, je retrouve Eric, un Sud Africain déjà rencontré à Pétra et à Damas. Ensemble, nous nous promenons longuement au petit matin dans ce site grandiose dominé par un château arabe.

Palmyre



La ville elle-même est assez typique parcourue par de nombreux tricycles décorés qui donnent une touche très colorée au paysage ; surtout, il y a le bruit de leurs moteurs agonisants mais que le conducteur continue à martyriser de bon cœur. D'autres, plus gros, munis de moteurs diesel, sont laids à faire peur.

Tricycle syrien

 

 

Beaucoup de bédouins vivent dans la région ; un groupe est en train de charger des moutons dans la palmeraie ; dès qu'ils nous voient, ils nous invitent à partager le thé avec eux. Sourire, gentillesse, joie de vivre, voilà ce que je retiendrai de ce superbe pays.
Cet accueil chaleureux se poursuit deux jours plus tard à Deir Er Zor où un homme me consacre deux heures de son temps à rechercher le seul contact de mon voyage. Peine perdue, la personne n'est pas encore arrivée de France et Ahmed m'invite tout naturellement chez lui.

Le lendemain, je rencontre trois camionneurs sur la route qui longe l'Euphrate. Pendant que nous partageons le café, ils m'indiquent qu'ils vont livrer du pain en Irak. Je n'ose imaginer la situation d'un pays obligé d'importer cette alimentation de base après l'embargo qui pèse sur lui. La situation doit vraiment être dramatique.
En les quittant, je me sens heureux sur cette route, sous une belle lumière rehaussée par quelques nuages blancs. Je double des pick up chargés de passagers ; qu'ils sont beaux et expressifs, les yeux noirs des bédouines, quel plaisir lorsque leur regard se porte sur moi....... ou plutôt sur le motard étranger et ce qu'il représente.

Alep est ma dernière étape en Syrie. La ville est agréable, mais je n'y retrouve pas l'atmosphère magique de Damas. Ce qui est incroyable, c'est le nombre de métiers de rues dans cette cité ;tout se vend sur les trottoirs : chaussettes, pantalons, cassettes audio, vaisselle, cigarettes. Cela provoque des attroupements et il est parfois difficile de se frayer un chemin ; beaucoup de ces vendeurs sont des gamins qui, dès le matin, arpentent les trottoirs et proposent de cirer les chaussures. Dans les rues, la circulation est plutôt anarchique mais, l'habitude aidant, je m'y intègre assez facilement. Tout à l'heure, près de mon hôtel, j'ai assisté à une scène étonnante ; le gendarme chargé de la circulation au milieu du carrefour, a fait signe à une voiture lancée à pleine vitesse de s'arrêter ; c'était juste pour demander du feu au conducteur!

Souk d'Alep