Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

Voyage à Djanet - Le Tassili N'Ajjer

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10 / LE TASSILI N'AJJER
Samedi 20 décembre 1990. Tôt le matin, nous prenons place à bord du Toyota conduit par Hamid. Dès la sortie, nous partons hors piste dans cette magnifique région ; une légère brume rend cet endroit plus envoûtant encore. A plusieurs reprises, notre guide nous laisse marcher pour nous retrouver un peu plus loin. Le silence est saisissant et nous sentons très petits dans ce désert qui semble parfois nous écraser de son immensité. Les rochers et les falaises aux formes étonnantes se succèdent. Je suis émerveillé.

 

En fin d’après midi, nous arrivons au fond d’une vallée entourée d’une énorme barrière rocheuse. Nous sommes à Essendilène. Au pied de la falaise, une maison en pierre dans laquelle vit une famille avec son modeste troupeau de chèvres (Roger Frison Roche a écrit un très beau roman d’amour dont l’action se termine dans la région : Le rendez vous d’Essendilène).

Essendilene

 

Nous nous installons à l’écart et préparons le repas du soir. A la nuit tombée, le chef de famille vient nous rejoindre. Il parle d’une voix très douce comme pour ne pas perturber le silence qui nous entoure. Lentement, avec un plaisir évident, il replonge dans son passé en nous racontant le temps où il partait vers le sud dans les caravanes de chameaux ; son univers actuel, c’est cette petite maison de pierre et ce lieu superbe, isolé qu’il a adopté.

Guelta d'Essendilene

Difficile à exprimer cette sensation de bonheur lorsque nous rejoignons ce matin notre nouveau compagnon dans sa modeste demeure, quand il nous invite à boire le thé dans la minuscule cour de sable autour du foyer encadré par sept belles pierres grises, quand sa femme et leurs quatre enfants apparaissent en souriant, quand nous partons dans l’oued entouré de pics aux formes tourmentées, quand il nous explique dans un mauvais français l’utilisation des plantes qui poussent ici pour se nourrir ou se soigner, quand il nous montre les traces fraîches d’un fennec, d’un chacal, quand il part dans son si beau rire, éclatant de joie de vivre, quand il marche, en avant, en chantonnant doucement, quand il appelle le moala moala, petit oiseau blanc et noir très respecté par les touaregs, quand il gratte la roche pour en extirper le sel, quand nous découvrons une guelta, au fond de la vallée avec l’eau en surface, si rare ici, quand il nous raconte son bonheur de vivre dans cet endroit. Merci mon ami pour cette leçon de vie.

Touareg d'Essendilene

Mardi 25 décembre 1990. Je viens d’achever le chargement de ma moto. Après ces trois jours passés dans le Tassili N’Ajjer, je me sens plus calme, déterminé à affronter la difficile piste jusqu'à Illizi.

Piste Djanet-Zaoutallaz

Quelques heures plus tard, je me sens moins bien lorsque je me retrouve brutalement à terre ; ma moto couchée, perd l’essence par son bouchon de réservoir ; après de nombreuses minutes d’effort, je parviens enfin à relever ma trop lourde Honda. Exténué par cet effort violent, je m’engueule copieusement d’être un si mauvais pilote. Je sais pourtant que la chute est interdite quand on roule seul dans des endroits aussi peu fréquentés. Je retrouve vite mon calme, bricole la moto qui n’a pas trop souffert et décide de m’installer. Je ramasse le rare bois présent, allume le feu ..... et je sors mon repas de Noël, une énorme boîte de cassoulet offerte par mon beau frère le jour de mon départ. J’en salive à l’avance mais je ne parviens pas à retrouver mon ouvre boîte et je ne réussis qu’à entailler de quelques centimètres la boîte avec mon couteau ! Qu’à cela ne tienne, une bonne soupe déshydratée prend le relais. Je suis bien, le ciel est magnifiquement étoilé avec une demi-lune rayonnante ; par la pensée, je rejoins toutes les personnes que j’aime en France et je passe un Noël inoubliable, seul, en harmonie totale avec le désert qui m’entoure.