Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

Voyage à Djanet

Index de l'article

Depuis quelques années, j’ai mal au cœur quand des informations concernant l’Algérie me parviennent. Je n’entends que les mots violence, attentat, massacre. J’ai du mal à imaginer que ce magnifique pays qui m’a accueilli à quatre reprises ( 1985, 1988, 1990, 1991) ait pu connaître une telle escalade dans l’horreur. En effet, au cours de mes voyages, j’avais été touché par une gentillesse permanente rare, un respect de l’autre ; il m’est impossible de compter le nombre d’invitations émanant des habitants de ce pays, avec toujours un désintéressement total.
Il y a quelques semaines, j’ai retrouvé, au fond d’un tiroir, le carnet de route d’un voyage réalisé fin 1990. J’ai pensé qu’il était bon de présenter ce pays tel qu’il est réellement et non tel qu’il a été transformé par l’action de barbares minoritaires qui, sous couvert de religion, ont décidé de mettre en place une violence inacceptable.

J’espère qu’à travers ce récit, je parviendrai à vous faire vivre par procuration la beauté de ce pays, beauté de ses fabuleux paysages mais surtout l’extrême gentillesse des Algériens.
J’espère de tout cœur que ce pays aura la force de se relever prochainement.

Arbre du plateau du Fadnoun

 







 

1/ L'ENVOL


Vendredi 30 novembre 1990 : Enfin une sortie du travail remplie de promesses. Ma Honda 750 XLV m’attend sagement depuis le début de la journée sur le trottoir, chargée comme une mule.

 

Avec la bénédiction de mon directeur, je pars une demi-heure plus tôt en prévision du mauvais temps sur la RN 89. Petit signe de la main aux quelques collègues de travail venus assister au départ de mon bureau. Enfin, la route....

En montant sur Pongibaud, je réalise que le désert et sa chaleur sont encore loin. La neige, le brouillard et le froid réunis me font comprendre que l’étape devra se faire à l’énergie. De véritables bourrasques se mettent de la partie en arrivant à Lacueille.La volonté prend le relais du corps qui crie grâce et j’arrive chez l’oncle et la tante, en Corrèze, transi.

La soupe réparatrice et le pain de seigle, les yeux lourds, le corps pesant et douloureux, un bain brûlant et enfin, le sommeil profond.

Le lendemain, la route est longue et froide, sous un beau soleil cependant .Deux moments forts : la vue du petit étang dans le Gers. Depuis plus d’un an, il s’était progressivement asséché pour ne devenir qu’une misérable flaque. Je le retrouve plein comme à ses plus beaux jours. Cela me réchauffe le cœur. Plus tard, quelle émotion dans la dernière ligne droite avant Tarbes lorsque j’aperçois les Pyrénées, mes Pyrénées sous un superbe manteau blanc, avec une légère brume qui les rend plus belles encore. Enfin, ce sont les retrouvailles avec la famille.

Deux jours plus tard, je quitte la gorge serrée la maison familiale pour entamer mon premier voyage en solitaire. Le continent africain est encore loin et je bouffe du kilomètre sur le territoire espagnol. J’arrive dans un camping très clean près de Bénidorm. J’installe ma petite tente près de magnifiques caravanes ; tout le monde possède son antenne de télévision et, relation de cause à effet (?), l’accueil est froid et distant. Il faut dire que nous faisons un peu tâche, ma moto et moi, dans cet environnement où le désordre et la saleté semblent définitivement bannis. Je l’ai encouragé ma petite Honda, aujourd’hui, en lui demandant d’être à la hauteur pour compenser mes faiblesses. C’est son premier grand voyage et je sais que, comme avec mes précédentes motos, une complicité va s’établir au fil du voyage. Elle deviendra beaucoup plus qu’une masse de métal de 200 kilos. Je lui fais confiance pour m’emmener jusqu’au bout de mon périple. Et, au retour, je lui donnerai un nom que j’inscrirai sur ses deux cache-cylindres : TASSILI. Je n’en suis pas encore là.

Camping d’Alméria : à dix mètres de là, le doux bruit des vagues couvre celui beaucoup moins agréable des voitures qui passent sur la route côtière au dessus. J’ai le sentiment de rentrer enfin dans mon voyage. Cela a commencé ce matin lorsque je me suis arrêté sur le bord de la route. Une personne qui travaillait dans un atelier voisin est venu me voir. J’ai longuement discuté avec cet Algérien chaleureux et sensible. Puis, peu avant Alméria, j’ai traversé un paysage de western où j’aurais été à moitié étonné de voir surgir des cow boys à la poursuite d’un groupe d’indiens.

Heather et Michael, un sympathique couple de Nouvelle Zélande me propose de passer la soirée ensemble. Serrés dans leur petit camping car, nous refaisons le monde et rêvons de voyages lointains jusqu'à tard dans la nuit. Magie de ces rencontres spontanées qui naissent au fil des voyages.