Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

Balade en famille autour de la mer noire (version en différé par Christian)

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Cette journée de travail du 7 mai 2013 ne ressemble pas aux autres. Il suffit que je regarde par la fenêtre de mon bureau pour m’en rendre compte. Notre side-car rouge, chargé, avec son pneu de rechange me rappelle, si besoin est, que, dans quelques heures, l’impulsion du pouce sur le bouton de démarreur aura un goût particulier.

 

 

 



Effectivement, c’est avec une certaine fébrilité que j’enfourche la moto à 16H30. J’ai alors un peu plus de 200 kilomètres qui m’attendent.

Encore plus que d’habitude, je parcours les premiers kilomètres lentement, un peu tendu. Devant moi, le ruban autoroutier, mais surtout quinze semaines de liberté.

Pour l’instant, je reste vigilant, à l’écoute des réactions de l’attelage que je n’ai encore jamais piloté avec un tel chargement. Et, effectivement, je sens comme une certaine imprécision dans le comportement.

Peu avant Toulouse, je bifurque et retrouve avec plaisir une petite route sinueuse. Des montées, des descentes, des virages, plus ou moins serrés, des beaux champs, des prairies verdoyantes, quelques villages : je me sens mieux dans cet environnement plus humain.

En outre, un side-car, c’est comme une moto, c’est nettement plus plaisant à piloter quand ça tourne.
Je commence alors à mieux sentir les réactions de l’attelage, mon voyage débute vraiment, j’ai des envies d’ailleurs, de nouveaux pays, de rencontres.

Pas mécontent toutefois de cette première courte étape, car je réalise que notre « camion » ne se laisse pas mener comme une vulgaire moto à deux roues ! L’engin réclame de la douceur, du doigté. Je suis heureux du choix que nous avons fait avec Marie de me laisser parcourir seul les 1400 kilomètres jusqu’à Venise pendant qu’elle survole d’un coup d’avion les Alpes avec Manon.
Jean Roland et sa fidèle Honda Deauville arrivent peu après dans l’hôtel de Villefranche de Lauragais.



8 mai. Tension omniprésente sur les 150 premiers kilomètres ; regard fixé sur le ruban autoroutier, corps qui se tend à chaque mouvement intempestif du side, et il y en a beaucoup ! Appels d’air des camions, roue avant « tête chercheuse » avec les inégalités longitudinales, l’ambiance à bord n’est pas à la sérénité….

Puis, un certain relâchement s’est naturellement mis en place. Je commence à regarder le paysage, à sortir mon regard de la seule autoroute. J’hésite un peu moins pour doubler, et la vitesse de croisière augmente.

9 mai. Journée intense. Un side-car, c’est quand même beaucoup plus physique à conduire qu’une moto, surtout quand l’amortisseur de la moto donne des signes de faiblesse. Hé, oui ! J’ai osé partir avec un élément fatigué. En fait, pendant tous les préparatifs, j’ai occulté ce bout de ferraille, bien planqué derrière le cache latéral droit. Il faut dire qu’il n’avait manifesté aucun signe avant coureur, mais je n’avais pas non plus roulé chargé. Et ça change tout. Il s’écrase beaucoup et crée un déséquilibre. Les grandes et nombreuses courbes de l’autoroute italienne ont mis en avant le problème.
L’attelage manque de précision (pour rester mesuré !) et c’est assez peu rassurant au milieu des nombreux camions et voitures.



Pendant ces 600 kilomètres, j’ai le temps de réfléchir et j’envisage une opération « alerte rouge » auprès de Fournales.
 
L’arrivée à Padoue est accueillie avec soulagement, car je me sens un peu fatigué physiquement et nerveusement.

C’est avec joie que la petite famille est reconstituée et Jean Roland retrouve également Dédette, sa passagère préférée.

Le 10, je pars avec JR dans la banlieue à la recherche de l’entrepôt où doit normalement se trouver la Honda 250 VTR de Marie arrivée il y a plusieurs jours en camion. Tout se déroule sans anicroche et après avoir déballé la belle moto rouge, je me délecte à son guidon  en la ramenant à l’hôtel. Marie va se régaler !



Sur le port de Venise qui nous accueille, il y a pas mal de motos qui attendent, la Grèce étant une destination courue. Je sens les regards portés sur l’attelage et je commence à comprendre qu’il va falloir composer avec tout au long du voyage. Pour voyager discret, il y a mieux qu’une Honda Paneuropéan rouge et son side-car avec une petite blonde de cinq ans à l’intérieur !

L’attente qui se prolonge est l’occasion de faire connaissance avec deux sympathiques motardes allemandes.
Enfin, c’est le moment de l’embarquement, mélange d’émotion et de tension ; d’un côté, on sait que l’on va quitter terre mais il faut d’abord composer avec tous les véhicules qui s’engouffrent dans l’énorme cale du bateau, les bruits métalliques, les odeurs, la cohue. J’aime cette ambiance annonciatrice du largage prochain des amarres.

Et le départ du ferry qui longe doucement la belle Venise est un moment émouvant.











Traversée sur une mer calme, transition entre cette longue étape autoroutière et le voyage qui va se mettre en marche à l’arrivée sur le sol grec.

Ces 24 heures de traversée nous offrent un moment magique. Dans la grande salle commune, un homme entouré par un groupe de jeunes sort sa cornemuse ; accompagné par des tambourins rythmant la musique il entame un air obsédant, qui semble vouloir se répéter à l’infini pendant que de jeunes filles dansent et chantent.





La Grèce nous accueille sous le soleil d’abord, puis la pluie s’invite sur la route des Météores. Manon prend la mesure de son voyage. Je jette un œil de temps en temps et je la vois qui semble naviguer seule, sur sa petite barque, le regard loin en avant, enregistrant surement dans son petit cerveau tout ce qu’elle voit.

Peut-être commence-t-elle à prendre goût au voyage ?

Car le bonheur du voyage, c’est ce perpétuel mouvement. Peu importe ce qui arrive, le fait d’avancer se suffit à lui-même. De toute façon, il y aura toujours quelque chose, une rencontre, un paysage, une atmosphère, un climat, une lumière changeante pour nourrir le voyageur.

Lors d’un arrêt pour faire le plein, nous rencontrons un couple d’Allemands avec deux Honda Transalp lourdement chargées. Les nombreux autocollants représentant les pays traversés qui ornent les sacoches me transportent quelques années en arrière, au guidon des mes trois Transalp, infatigables voyageuses. D’ailleurs, l’Allemande nous confirme l’extrême fiabilité de leur monture. Je n'en doute pas!



La dernière journée en Grèce me rassure. Monsieur Wilquin, de l’entreprise Fournales, contacté par téléphone, m’indique qu’il leur est possible de fabriquer un amortisseur et de l’envoyer en Turquie.



                                      




La Turquie n’est pas la Grèce. Cela se vérifie à chaque fois. Pour mon cinquième rendez-vous avec ce pays, je retrouve cette atmosphère qui me plait tant, ces petits restos où l’on choisit son repas en soulevant les couvercles des marmites qui mijotent sur le feu, cette douce gentillesse des habitants.
Mais aussi ses routes déformées où le side-car cherche son chemin avec une roue avant suivant fidèlement les déformations longitudinales. Je ressens régulièrement la faiblesse de l’amortisseur qui s’écrase ; j’anticipe tant que je peux, j’ouvre grand mes yeux pour lire l’état de la route et tenter de choisir la voie la plus favorable.

Manon, à côté, m’épate. Elle a compris son rôle dans ce voyage, ne demande pas comme elle le fait régulièrement dans la voiture « Quand est-ce que l’on arrive ? ». Elle s’est appropriée ce petit espace rustique et s’adapte à toutes les situations, heureuse d’être là. Un bonheur à voir.
J’appréhendais (et Marie aussi!) la longueur des étapes mais, en fait, elle accepte assez bien les heures passées dans le panier.
Preuve qu’elle se sent bien, elle a assez vite abandonné le casque acoustique sur lequel est installée la liaison radio. Elle s’en sert surtout comme micro pour chanter des airs à ses parents enfermés dans leur casque !

Kesan, Gelibolu et maintenant Ayvalik, charmante petite ville balnéaire où nous avons décidé de nous poser un peu, dans une minuscule pension paradisiaque, située dans la vieille ville. L’accès à travers les ruelles pavées fut épique avec le camion mais nous avons même trouvé un « parking », dans un bout de cour d’une maison abandonnée.
Le matin, de bonne heure, je ne peux résister et j’entame une longue marche dans cette ville attachante.  



Gelibolu

Ayvalik

Ayvalik

 

Ayvalik

Ayvalik

 

Ayvalik

 

Ayvalik

 

Ayvalik

 

Ayvalik

 

Ayvalik

 

Ayvalik

 

 

 

 

Ayvalik

 

 

 

Selçuk : arrêt obligatoire ! C’est là que j’espère, dans quelques jours, un amortisseur venu de Toulouse, arrivera. Il y a pire comme endroit. Un petit hôtel de neuf chambres calme, une terrasse d’où l’on peut voir la campagne environnante, les vergers multiples, les cigognes. Très nombreuses, ces dernières nous gratifient de vols majestueux.

Bref, l’endroit est bien choisi pour une attente estimée à une semaine. J’ai passé le cap de la déception et j’ai cessé de m’en vouloir de ne pas avoir assez peaufiné la préparation du side-car. C’est ainsi, et c’est tout !

D’ailleurs, l’étape jusqu’à Selçuk eut une goût particulier. J’étais complètement dans mon voyage, quelque chose de difficile à exprimer, mais merveilleux à ressentir. La route se déroulait devant mes yeux, comme une évidence. De temps en temps, je regardais Manon qui vivait sa vie dans son panier. Elle m’épate, notre petite. Elle parait heureuse de ce nomadisme, de cette découverte permanente, prend de l’assurance, gambade, saute, court comme jamais.





 

 

 Selçuk

 

Selçuk

 

Selçuk

 

Selçuk

 

 

 

 




Avec Jean-Roland, nous partons visiter un musée de vieilles locomotives. Endroit désert, très agréable, avec même le wagon  d’Ataturk, le père fondateur de la Turquie moderne. Les locomotives à vapeur sont impressionnantes et nous pouvons monter à l’intérieur, prenant conscience des conditions de travail difficile des conducteurs, à l'époque.

 Musée de çamlik

 

Musée de çamlik

 

Musée de çamlik

 

Musée de çamlik

Au retour, nous nous arrêtons chez le concessionnaire Mondial. La Turquie regorge de 125 cm3 et je suis curieux d’examiner la production d’origine chinoise, même si le montage semble se faire sur le sol turc.
Un des modèles en vente est la réplique exacte de ma Honda 125 CG de 1980, frein à tambour riquiqui, carter de chaîne et selle compris !  Prix : 800 euros.
On trouve également, à 860 euros, un modèle électrique.

 

On en voit pas mal ici, beaucoup plus qu’en France, mais les deux roues sont en majorité ces 125 ou 100 cm3 qui ravissent mon oreille avec leur pom-pom caractéristique.


Quant à la qualité de ces motos, les quelques points de rouille déjà présents sur les machines neuves en exposition me laissent dubitatif….









Puisque j'en suis à parler moto, on trouve également ce qui semble être ce qui fait de mieux dans la catégorie des utilitaires, j'ai nommé la Honda 150, fabriquée en Turquie. Un examen détaillé de la bête m'a montré une qualité de fabrication nettement supérieure, le prix étant bien sûr plus élevé.

 

Sinon, outre les multiples 125, quelques 250 sont en vente, souvent dans des magasins de meubles (!), mais elles sont  très peu répandues.

 

 

Enfin, on croise, rarement, mais je pense que cela va évoluer, des motos de grosse cylindrée, récentes, avec des jeunes au guidon. C'est peut-être le début du développement de la moto en Turquie. Le pays est moderne, sa croissance est bonne et le niveau de vie en hausse doit permettre l'accès au monde de la moto.

 

La vie s’écoule loin de la France. Pas d’information qui pollue le cerveau, seul notre quotidien compte et la tête ne s’en porte que mieux !

J’apprends la patience. Mardi 28, j’espère recevoir l’amortisseur, mais j’apprends qu’il y a eu un couac au démarrage, chez Chronopost.
Les jours s’écoulent paisiblement ici, en attendant que Chronopost, puis les douanes fassent leur travail.

Lecture d’un beau livre « Les cheveux de Bérénice » récit qui se déroule du temps d’Alexandre lle Grand, jeu de cartes avec Manon, séance d’accordéon et clarinette avec Marie, balade en ville.


J’ai même droit à l’essai de la petite moto d’un monsieur qui passe de temps en temps à l’hôtel. Voyant que je m’intéressais de près à sa Vitello 100, presque neuve, il me propose d’aller faire un tour. Très sympa ce petit mono … jusqu’à la prise de freins. Mamamia ! Cela m’a rappelé l’inefficacité du tambour de mon 125 CG de 1980, c’est dire !

Le soir, on peut admirer de beaux ciels étoilés de notre terrasse. Juste avant, j’ai vu le propriétaire d’une petite boutique de souvenirs se contenter de mettre un grand drap recouvrant partiellement sa marchandise. A priori, pas trop de risque de vol ici….

Enfin !!! Le voilà ce fameux amortisseur, longtemps espéré. Après de multiples rebondissements, un gars en scooter ( !) apporte le Fournales. Hier au soir, des voisins de l’hôtel m’avaient dit que nous avions plus le statut de touristes depuis que nous étions là. Je leur avais répondu que j’allais demander ma naturalisation….

Je me mets immédiatement au travail dans la rue. Il y a du monde autour de moi, c’est que nous commençons à être connus dans le quartier !
Je vois soudain un gars s’installer à côté de moi et m’aider à monter l’amortisseur. Je comprends que c’est le propriétaire du fourgon avec un panneau Kawasaki garé un peu plus loin.
En soulevant la roue, il me dit simplement « Problem ». En fait, il a senti un jeu dans le bras oscillant. Je n’ai pas le temps de gamberger.
Il me dit qu’il a un atelier à 25 kilomètres de là et qu’il peut réparer ça dans les 24 heures, qu’il est risqué de rouler ainsi avec tout le trajet nous restant à parcourir et les mauvaises routes qui nous attendent.



Il monte dans son fourgon et je le suis avec le side. Je ressens immédiatement la différence de comportement, l’amortisseur était vraiment usé.
Arrivé dans son petit magasin, il entreprend de démonter, je suis impressionné par la vitesse avec laquelle il travaille et sa ténacité devant les problèmes rencontrés, bien que vaguement inquiet quand je réalise l’ampleur du démontage.


Après deux bonnes heures, il me dit qu’il continuera avec un ami mécano compétent, me ramène à l’hôtel et me donne rendez-vous pour le lendemain 19 heures.





A l’heure dite, je me présente ; aucun attelage dans le magasin. Le jeune mécano me dit que son ami est parti sur la route faire un essai. Devant mon air inquiet, il ajoute qu’il maîtrise la conduite d’un trois roues. Après dix interminables minutes, je vois arriver  un gars d’une cinquantaine d’années en short, tee-shirt et sandalettes, sans casque ni gants bien sûr. Une conduite (trop) rapide, un freinage dernier carat devant moi et il m’annonce que tout va bien, l’air satisfait !

Chaleureuse accolade du mécano qui me souhaite bon voyage et m’assure de la solidité de sa réparation.

Je rentre un peu ému à l’hôtel, avec le vieux roulement de l'axe du bras oscillant en souvenir, appréciant ces 25 kilomètres. Demain, nous allons enfin pouvoir repartir, après ces deux semaines d’attente.

Le soir, je suis serein et je commence à préparer les motos. Pas besoin de réveil pour le lendemain, j’ai trop envie de reprendre la route !




Le départ de Selçuk le 7 juin est un grand moment libérateur. Plaisir du lever matinal, des allers et retours entre la chambre et les motos, du rituel du chargement, des signes de sympathie des voisins manifestement heureux du dénouement mécanique.

 

 

 



Plaisir des premiers tours de roues. Enfin, nous retrouvons le mouvement, la découverte de paysages nouveaux au fil des kilomètres, le thé offert lors du plein d’essence.



Puis, la route secouante jusqu’à Pammukale,la petite tente installée face aux rochers blancs, les discussions avec des Français en camping-car, l’accordéon et la clarinette qui sortent de leur logement, les voisins qui entament une danse sur un air de valse.
Enfin, la rencontre de ce couple de Dordogne et de leurs deux petites filles. Manon est ravie et peut enfin parler dans sa langue natale ! 

Deux jours à Pammukale, site étonnant, mais beaucoup trop fréquenté avec, à la clef, des comportements déplacés de certaines se faisant prendre en photo  par le mari ou le copain, dans des poses suggestives en très léger bikini  dans ces bassins d’eau calcaire.




 

 

 

 Le voyage se poursuit sur une route plus montagneuse, ce qui n’est pas pour me déplaire. Quant à Marie, je l’entends au micro qui s’extasie : entre la VTR 250 et elle, c’est l’amour fou ! Nous passons la nuit au bord du très beau lac d’Egirdir.

 




 

 

 


Nous quittons Egirdir pour une étape que je qualifie d’inconnue car nous n’avons pas défini d’endroit précis où nous poser le soir venu.
Belle journée : alors que nous longeons un village, nous bifurquons à la recherche d’un café.  Quelques hommes, assis sur des tabourets, en bord de route, nous invitent à boire le thé. Manon se voit offrir un gâteau au chocolat. Puis, l’un d’entre eux nous montre le chemin du petit resto désert. Il nous parle de ce village qui se meurt doucement, abandonné par les jeunes, mange avec nous. Impossible de payer, nous somme ses invités.
D’ailleurs, il hèle un jeune sur sa 125 pour que ce dernier l’emmène dans sa maison. Nous le suivons. Là, nous sommes accueillis par sa femme et nous passons une heure agréable à discuter devant un thé et quelques fruits.

 

 


Le soir, c’est une halte à Yunac, ville perdue dans la campagne et un repas dans un petit resto où l’on nous reçoit comme des rois et où on nous fait payer un prix dérisoire.
C’est ça la Turquie; même dans les coins les plus reculés, on ne se sent jamais seul. Il y a toujours quelqu’un qui nous tend la main, pour offrir un thé, donner un renseignement, manifester sa sympathie. C’est un bonheur quotidien que de parcourir ce pays.




 
Nous faisons une halte de deux nuits à Beypazari, magnifique ville ottomane. A six heures du matin, je pars marcher longuement dans les rues encore endormies. L’atmosphère est paisible, les maisons superbes.



Beypazari

 

 

 

 

 

 

 

Beypazari

Au cours de la journée, nous visitons une ancienne demeure où Manon est initiée à une séance de peinture traditionnelle. J’essaie d’imaginer ce qui se passe dans son cerveau qui va de découverte en découverte. Elle m’épate  quand elle se met à chanter dans le side-car, à conduire (" papa, tu peux te reposer, je conduis", me dit-elle en attrapant une boîte de mouchoirs jetables qui lui sert alors de volant), se plaint très peu, même si parfois elle me dit  "ça secoue" .

 






Ankara nous accueille. C’est avec une grande joie que nous retrouvons Medar et Virginie que j’avais rencontrés lors de mon voyage au Pakistan en 2002 et que nous avions revus en 2005 lors de notre descente sur la mer rouge.

Depuis, Medar a récemment changé sa 600 Transalp pour une BMW 800 GS.
 
Nous arrivons alors que la colère gronde chez les Turcs. Medar et Virginie nous racontent la protestation grandissante depuis 15 jours, l’intransigeance d’Erdogan ; le soir, du haut du 11 iéme étage de leur immeuble, à 21 heures, nous entendons les klaxons qui se réveillent, les bruits des casseroles sur lesquelles les gens frappent avec les mains, nous voyons les lumières des appartements qui clignotent, tout cela en signe de protestation. Nous apprenons que dans le quartier de Kizilay, les gens manifestent en masse, face aux forces de police parfois violentes.

Medar parait soucieux, la réaction d’Erdogan le choque. Le soir, sur son ordinateur, nous regardons les images et certaines montrent des policiers mettant des produits chimiques dans les canons à eau qui servent à disperser les manifestants ; d’autres des personnes avec des jambes, bras et dos brûlés. Véritable information ? En tout cas, la tension monte.


Ankara

 

Ankara

 

Ankara

Le 18 juin, nous quittons nos amis après cet agréable séjour. Nous roulons sur une route (enfin !)agréable sans ces continuelles déformations longitudinales que la roue avant de la moto suit trop fidèlement. Aujourd’hui, c’est du billard et les qualités de mon amortisseur Fournales me sautent aux yeux ; je roule plus décontracté.  En plus, nos motos sont passées entre les mains expertes des laveurs de voitures et autres véhicules; ici, on ne plaisante pas avec la quantité de produit nettoyant!

 

Ankara

 


Après Mucur, nous prenons une petite route à droite. Plateau désert, rares véhicules, vent qui devient violent,  nuages menaçants, il convient d’accélérer le rythme. Manon se plaint d’être fatiguée, et je lui annonce la couleur, il faut rouler jusqu’au camping. Elle semble comprendre, le regard porté au loin, déterminée. Que se passe-t-il dans sa petite tête ?

Nous atteignons enfin Göreme, beau village au cœur de la Cappadoce. Deux kilomètres au dessus, la camping Kaya nous ouvre ses portes. Accueil aux petits oignons (on nous propose même des matelas pour notre tente, une première !), emplacement de rêve devant un paysage magnifique, cuisine commune, piscine, tarifs mesurés; pas d’hésitation, c’est le bon endroit pour se poser plusieurs jours.

 

 


Le résultat est à la hauteur de nos espérances et nous passons cinq jours à marcher dans les petites vallées désertes, au milieu de ces rochers aux formes si caractéristiques, avec les habitations troglodytes, les églises creusées dans la roche, la nature omniprésente avec ses multiples fleurs, arbres.
Au camping, nous faisons quelques belles rencontres ; ce couple de motards italiens en Africa Twin, cet Allemand sur sa 660 Ténéré, quelques camping caristes. Seuls nos voisins hollandais parviendront à nous ignorer avec une constance rare cinq jours durant, ce qui est une sacrée performance !

Cappadoce

 

Cappadoce

 

Cappadoce

Cappadoce

Cappadoce

Cappadoce

 

Cappadoce

Cappadoce

 

Cappadoce

Cappadoce

Cappadoce

Cappadoce

Cappadoce

Cappadoce

Cappadoce

Avanos (Cappadoce)

 

 

Avanos (Cappadoce)



C’est avec un moral au zénith que nous quittons ce lieu paradisiaque. Pour la première fois de notre voyage, nous prenons la direction de la mer noire. La route est la meilleure jamais rencontrée en Turquie et l’étape jusqu’à Sivas se déroule comme dans un rêve.

 


 


L’arrivée à Sivas est une nouvelle preuve de l’extraordinaire gentillesse des Turcs. En effet, nous nous arrêtons dans une rue avant de partir à la recherche d’un hôtel. Aussitôt, deux hommes se lèvent de leurs tabourets installés sur le trottoir et nous invitent à nous asseoir, nous offrent le traditionnel thé ; peu après, un autre homme nous apporte un paquet de gâteaux qu’il vient d’acheter dans l’épicerie voisine ; enfin, au moment de les quitter, une petite fille offre un œillet à Marie.

 

Sivas

 

Sivas

 

Sivas

SivasSivas

 

Sivas

Sivas

 

 

 

 Le lendemain,  une courte étape nous emmène jusqu’à la belle ville de Tokat. Il y règne une douce atmosphère, avec cette agréable sensation d’être loin de chez soi. Je réalise que, depuis la Cappadoce, nous traversons des endroits ignorés des touristes et c’est vrai que cela donne un bien meilleur goût au pays !

Le sentiment de sécurité est total dans ce pays et la moto de Marie se contente chaque soir du simple blocage de la direction. L’antivol reste au fond de la sacoche de réservoir.

 

Tokat

Tokat

 

Tokat

 

Tokat

Tokat

 

 

Tokat-Unyeh : route sinueuse alléchante où je lâche un peu les chevaux dans la montée … jusqu’à ce que le revêtement se dégrade, ce que n’apprécie vraiment pas le side-car. En plus, je ne veux pas trop secouer la pauvre Manon qui a accompli l’exploit de colorier à l’intérieur du panier. Elle m’épate !



Unyeh : les deux « campings » en bordure de quatre voies ont un effet repoussoir et nous nous rabattons sur un hôtel modeste mais où, comme c’est une habitude ici, on se met en quatre pour nous aider à garer les motos. Les Turcs nous donnent décidément tous les jours des leçons d’hospitalité et de gentillesse.


D’ailleurs, le lendemain, à Trabzon, lorsque nous nous arrêtons dans une station d’essence, complètement perdus, le premier réflexe des pompistes est de nous offrir le thé et trois simits (délicieux petits pains au sésame) avant de se décarcasser pour nos aider à trouver l’adresse recherchée. A la limite, on en viendrait à souhaiter être en difficulté !

 

Trabzon

 

 


Trois jours plus tard, nous entamons notre dernière étape turque, sur une quatre voies, véritable saignée qui a défiguré la côte. Mais, devant la file d’attente à la frontière géorgienne sous un soleil de plomb, nous renonçons et passons une dernière nuit sur le sol turc.


Bien nous en a pris car, le lendemain, alors que nous étions prêts à affronter l’épreuve du passage à la frontière, un policier, en nous voyant arriver, nous fait signe de nous infiltrer dans la file ; puis, un deuxième nous dit d’emprunter la voie des camions, déserte. Résultat, un passage de la frontière en vingt minutes chrono !

Comme souvent, les premiers kilomètres dans ce nouveau pays se font au pas.


Premier constat, ça roule beaucoup plus débridé ici et j’entends Marie pester contre certains conducteurs. Les églises remplacent les mosquées, les maisons n'ont pas la même architecture, la route parait plus rustique avec, parfois, un revêtement en blocs de béton mal jointés.
Il y a aussi une difficulté nouvelle pour nous, c'est le déchiffrage des panneaux avec l’alphabet géorgien.
Après une halte dans un restaurant où il fut difficile de se comprendre pour commander notre repas, nous arrivons à Kobuleti.

Nous avons une adresse dans cette ville. Quelques semaines avant le départ, nous avons rencontré une jeune Géorgienne qui effectue ses études à Toulouse. Elle nous a envoyé un mail pendant notre séjour en Turquie en nous écrivant que sa grand-mère était au courant de notre venue.


La rue devient chemin, nous nous arrêtons devant la maison.

Kobuleti

 

Mérie n’est pas là ; ce n’est pas grave, ce sont les voisins qui nous invitent chez eux en l’attendant.


Elle arrive. Les premiers contacts sont balbutiants, nous sommes un peu gênés. Puis, peu à peu, la compréhension devient plus évidente.
Le lendemain, je laisse Marie et Manon faire plus ample connaissance avec Mérie. Je file de bonne heure à Batumi, à 25 kilomètres de là, pour me renseigner sur les départs de bateau. Je suis au guidon de la petite VTR, je me régale. Une moto qui penche, c'est quand même nettement mieux! Devant un Géorgien un peu trop insistant au volant de sa voiture, je lui montre que, ma foi, mes 800 000 kilomètres dans les jambes ont forgé un Christian assez débrouillard au guidon. Il y a de petits plaisirs dont il ne faut pas se priver !

Batumi



La soirée est belle. Manon joue avec la jeune voisine. Nous prenons le repas dehors quand Mérie nous demande de sortir nos instruments. La clarinette et l’accordéon donnent de la voix et Manon nous accompagne avec sa flûte. Le moment est magique. Jamais je n’ai éprouvé une telle émotion, un tel bonheur en jouant de l’accordéon. Atchiko, le fils de Mérie se met à danser, je me sens alors capable de jouer toute la nuit.


Au matin, le petit déjeuner s’achève alors que la pluie redouble. Mérie n’a pas à insister pour nous convaincre de rester un jour de plus ; nous nous sentons si bien chez elle.

Kobuleti

Kobuleti

 

Kobuleti

 



L’étape jusqu’à Koutaisi nous permet, le lendemain, de réaliser que, en définitive, les routes turques sont excellentes. Car, ici, c’est …. comment dire ….  peu propice à une conduite détendue, surtout au guidon d’un side-car et quand une pluie persistante s’invite. Les franchissements des passages à niveau méritent à eux seuls le détour, si je peux m’exprimer ainsi, avec une vitesse maximale de 5 km/h sous peine de tout casser.
A Koutaisi, la grimpette jusqu’à la pension ne manque pas de piquant avec au choix, des trous, des bosses, des pavés et de grosses flaques d’eau.
Dans la rue voisine, quelques vaches marchent et s'en vont brouter dans le petit jardin public.

Le changement avec la Turquie voisine est net. Beaucoup de maisons semblent en mauvais état, rafistolées. Durant cette journée, nous avons vu beaucoup de vendeurs sur la route qui attendaient le client potentiel avec juste quelques fruits ou légumes à lui proposer. Cela donne une impression de pauvreté ambiante, d’autant que les habitations sont peu colorées. Les contacts avec la population sont également moins spontanés qu’en Turquie où, il faut le reconnaitre, les habitants sont particulièrement affables. Mais, malgré tout, après les premiers pas hésitants, le Géorgien répond présent quand on a besoin de lui.

 Ce qui surprend quand on vient du pays voisin, c'est l'absence de commerces. En Turquie, où que l'on soit, il y a toujours une épicerie, un restaurant, une boutique .... ou une station d'essence. Ici, en Géorgie, nous avons du mal à trouver des restaurants, les épiceries sont peu fournies. 


Après avoir laissé sécher nos vêtements toute la nuit, c’est avec soulagement que nous regardons le ciel, le lendemain. A priori, la pluie va nous épargner. C’est même la chaleur qui va s’installer sur cette route qui finit par se transformer en autoroute à 80 kilomètres de Tbilissi. Enfin ! Nous allons pouvoir souffler un peu ! Car, nous devons composer avec les automobilistes plutôt « chauds » dans leur manière de conduire, la route à deux voies se transformant naturellement pour eux en route à trois voies. Cela a un goût de « Pousse toi de là que je m’y mette » assez désagréable, même si j’ai connu bien pire dans certaines contrées, Egypte, Iran ou Pakistan. Mais, à l’époque, je ne conduisais pas un engin de deux mètres de large et il n’y avait pas une petite fille de cinq ans qui m’accompagnait !

L'entrée dans Tbilissi marque un changement. Route à quatre voies, circulation fluide, modernisme apparent; la capitale semble privilégiée.

 

Une belle ruelle pavée ( le pavé, une spécialité du pays, semble-t-il) en pente nous permet de rejoindre un charmant petit hôtel tout de bleu vêtu.

Le quartier est très agréable avec, en bas de le rue, de magnifiques bâtiments anciens rénovés. Mais, derrière cette vitrine, beaucoup d'immeubles paraissent en piteux état.

Un pays à deux vitesses, c'est le sentiment que j'ai en voyant se côtoyer les 4X4 les plus monstrueux et les voitures au bout du rouleau, en regardant certaines terrasses de cafés luxueuses  alors que, tout près, une vieille dame récupère une grosse branche tombée d'un arbre pour la ramener dans son appartement. Derrière certaines portes, j'aperçois des façades délabrées qui révèlent un grand dénuement.

Tbilissi

 Tbilissi

 

 

Tbilissi

 

 

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Tbilissi

 

 

Tbilissi

 

 

Après trois jours passés dans notre petit hôtel, nous rencontrons Levan, jeune Géorgien, qui nous invite dans la maison parentale sur les hauteurs de Tbilissi. Sa maman nous accueille chaleureusement.

 

Tbilissi

 

Levan semble vouloir tout faire pour que notre séjour soit le plus agréable possible. Et, il réussit en invitant pour notre dernière soirée chez lui des amis, dont un facteur d'instruments qui arrive avec sa guitare et joue superbement. Nous avions entendu dire que les Géorgiens aimaient le chant et nous en avons confirmation. Leurs chansons sont souvent mélancoliques, très belles et leur interprétation à plusieurs voix les rend encore plus touchantes. L'accordéon s'invite à la fête, la nuit sera longue....

Tbilissi

 

 Nouveau départ. C'est cela le voyage. On se pose, on se sent bien dans un endroit mais, invariablement, on le quitte pour une nouvelle destination avec l'espoir de rencontres aussi belles. Manon a appris à composer avec ce rythme de vie, elle qui nous a souvent dit qu'elle ne voulait  pas repartir, mais s'adapte si vite aux nouveaux lieux.

 

 

 C'est encore la cas aujourd'hui à notre arrivée à Borjomi, charmante ville thermale où nous trouvons une chambre chez l'habitant. Aussitôt, elle adopte notre "chez nous", d'autant qu'il y a la possibilité de cuisiner. Ce soir, ce sera un repas (oeufs sur le plat, pâtes) sur le petit balcon de notre chambre, avec vue sur la ville et la montagne environnante. 

Borjomi

 

 

Borjomi

 

 

Borjomi

 

  Fortes pluies durant la nuit et départ sous un ciel encore très menaçant.

Borjomi

 

Borjomi

 

 

 

 Le temps s'améliore heureusement et nous faisons une belle rencontre (une de plus!) dans un restaurant. Un Iranien fait un voyage à vélo de Téhéran à Moscou. Nous mangeons ensemble et il nous offre une séance musicale avec son tambura avant que l'on se quitte.

 

 

 

 Koutaisi nous accueille une deuxième fois, sans la pluie cette fois-ci. Aujourd'hui, sur la route, nous sommes arrivés sur les lieux d'un accident; pas étonnant quand on voit à quel rythme on  roule dans ce pays. J'ai d'ailleurs appris à m'imposer parfois pour éviter les excès des conducteurs géorgiens, les pires étant les plus riches au volant de 4X4 énormes munis de gros V6 ou V8.

Je me sens complètement immergé dans notre voyage. Parfois, brièvement, je ne sais plus où  je suis; aujourd'hui, j'ai parlé du Pakistan à Marie qui m'a fait remarqué qu'on était toujours en Géorgie et, tout à l'heure, j'ai pensé à l'Iran. Peut-être que mon inconscient perçoit des atmosphères qui le ramènent à ces pays. J'aime ce sentiment d'être partout et nulle part.

D'ailleurs, parfois, on pourrait se croire en Inde car il n'est pas rare de rencontrer des vaches sur la route qui n'ont aucune intention de bouger; peut-être font-elles partie de la race des vaches sacrées....

 

 

Koutaisi

 

 

Koutaisi

 

 

Koutaisi

 

 

 

 

 

 

 C'est avec joie que nous retrouvons Mérie et Atchiko à Kobuleti. L'impression de revoir de vieux amis.

Kobuleti

 Le lendemain, j'ai droit à ma petite friandise, c'est à dire que je parcours les 25 kilomètres qui nous séparent de Batumi avec la 250 de Marie pour acheter les billets de bateau. Je l'aime bien, mon camion, mais il ne penche pas assez à mon goût!

Dans l'agence, j'assiste à une scène surréaliste: une des personnes ( le patron à priori) passe un coup de téléphone en hurlant régulièrement. Les deux autres employés restent impassibles. j'observe cet homme vociférant, transpirant. La conversation dure, mais il parvient à maintenir ce rythme de forcené de la parole. L'homme qui s'occupe de mon dossier me demande de monter à l'étage avec lui; là-haut, avec calme, mais conviction, il me désigne la pièce du bas et porte l'index à sa tempe. Je sais maintenant que les Géorgiens et les Français ont le même langage pour dire de quelqu'un qu'il est fou.... 

 

 

 

 

 

 

L'émotion est palpable lorsque nous quittons la maison de Mérie pour nous rendre sur le port de Batumi.

 

Kobuleti

 

Là-bas, règne une ambiance bon enfant avec la présence de quelques voyageurs qui ont décidé, comme nous, de traverser la mer noire à bord de ce cargo de fret. Il y a ce couple belgo-polonais et sa TDM 850 lourdement chargée, la famille belge avec trois petites filles qui voyagent dans un fourgon aménagé, un cycliste allemand, Francesco et son sac à dos. 

Le bateau aurait pu partir la veille mais la personne de l'agence m'avait dit que l'on ne le saurait qu'à 17 heures.... A l'heure dite, on nous annonce qu'il faut être présent sur le port à 9 heures, le lendemain,puis 10 heures ou 11 heures suivant les personnes rencontrées. l'hôtelière nous dit que la bateau ne partira pas avant 12-13 heures. bref, c'est le flou le plus total!

L'attente fut longue, heureusement qu'il y avait un petit coin d'herbe et un peu d'ombre. Nous regardons les camions qui arrivent et s'engouffrent dans la soute du bateau. Les heures s'écoulent. A priori, le but est de remplir au maximum le cargo. 

Pour tuer le temps, rien de tel que de discuter .... voyage avec les voyageurs présents.

Enfin, nous embarquons.

 

Port de Batumi

 

Port de Batumi

 

 

Port de Batumi

 

 

Port de Batumi

 

 

Port de Batumi

 

 

 

 

  Traversée de 48 heures sur une mer calme. Manon est heureuse; elle a des petites copines qui parlent français, ce qui devait quand même lui manquer.

 

 

 


 

 L'arrivée sur le port d'Illichivs'k en Ukraine est épique. Nous passons de bureau en bureau, sans connaitre à l'avance les règles du jeu, ni le sens de la marche! Chaque nouvelle formalité en appelle une autre, et cela dure, dure ....

Cela ressemble fort à l'idée que je me faisais de la bureaucratie de l'ex Union Soviétique et il semble que l'Ukraine n'a pas voulu rompre avec les (bonnes?) habitudes de l'ancien régime.

Au total, dix formalités et nous percevons chez les dernières douanières, préposées à l'ouverture de la barrière, une hésitation; leur chef, interrogé, donne heureusement son accord.

 

Débarquement

 

 

 

Nous arrivons à Odessa un peu perdus, sans carte, sans guide, avec un alphabet cyrillique indéchiffrable. 

Le lendemain, c'est une autoroute qui nous accueille et c'est un plaisir de parcourir ces 250 kilomètres sur un revêtement de qualité.

Hélas, il semblerait que seul ce tronçon entre Odessa et Kiev fasse l'objet de toutes les attentions de la part des services de la DDE ukrainienne. Car, quand nous prenons la direction de l'ouest du pays, cela devient tout se suite plus "secouant". Il y a souvent quatre voies, mais celle de droite est inutilisable pour le side-car, sauf à rouler à moins de 30 km/h et je passe mon temps à passer de l'une à l'autre voie, en surveillant mes arrières, car il y a du monde qui roule. C'est assez usant.

Marie, la pauvre, est obligée de suivre mon rythme d'escargot sur trois roues et moi, régulièrement, je pousse quelques jurons à destination du Ministère des Transports ukrainien ( mais peut-être n'existe-t-il pas, ce qui expliquerait l'état lamentable des routes....). Je connaissais les ornières que l'on peut rencontrer sur des pistes mais c'est la première fois que j'en vois des goudronnées dans lesquelles la roue avant de la moto s'engouffre et ne peut en sortir. Bref, je  transpire, fulmine sous mon casque.

 

 

Heureusement, Marie aperçoit un panneau indiquant un endroit pour dormir à quelques kilomètres de là. Nous quittons ce grand axe pour une petite route bien défoncée, elle aussi.

Nous nous arrêtons devant ce qui pourrait être un hôtel mais sans certitude. Une dame nous reçoit et nous montre notre chambre. Il y en a trois en tout et pour tout! L'accès nous paraissant un peu périlleux pour Manon ( un escalier aussi raide qu'une échelle que l'on monte en s'aidant des mains....), elle nous propose une pièce avec deux canapés. La discussion est difficile mais elle fait des efforts; un homme arrive, téléphone à son fils qui parle anglais et ce dernier nous demande ce que l'on désire manger pour ce soir et pour le petit déjeuner. Un service à la carte en quelque sorte! 

Un motard s'arrête devant l'hôtel, un ami du patron. Il roule sur une vieille Honda de 1984. Un modèle que je n'ai jamais vu puisqu'il s'agit d'un custom avec un moteur V4  de 500 cm3. Etat approximatif, freins, pneus, chaîne, tout est usé. Et, quand il nous quitte, le bruit du moteur ne laisse rien présager de bon; l'embrayage, quant à lui, semble au bout du rouleau.

 

L'atmosphère est un peu irréelle. Nous sommes seuls. Le village semble s'étirer en longueur et nulle trace d'animation dans les environs. Nous nous sentons dépaysés, c'est le moins que l'on puisse dire! Et c'est un sentiment très agréable.

 

 

 

 

Curieux, je me réveille tôt le matin et marche longuement dans LA rue du village. Elle est sans fin et j'aperçois quelques rares boutiques. Chaque maison a son jardin potager et son puits. Au bout, une statue marque l'entrée du village. Sur le chemin du retour, je vois quelques véhicules empruntant une rue; je les suis. C'est le marché, si différent de ceux que nous avons rencontrés en Turquie, vivants, colorés, chaleureux. Non, ici, c'est calme, sobre, avec peu de produits en vente.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Juste à côté , Lenine surveille la circulation....

 

 Nous faisons nos adieux au couple propriétaire de l'établissement. Ils sont très impressionnés par notre voyage et par la "performance" de Manon. Je me vois traiter de héros, rien que ça! Quant à Marie, une femme au guidon pour un si long voyage, je me demande s'ils ne songent pas à lui élever une statue dans le village; elle pourrait remplacer celle de Lénine....

 

C'est avec un légère appréhension que je prends le guidon, appréhension justifiée, hélas, puisque nous passons la journée à être secoués. Les rares portions en bon état ne le sont que pour quelque centaines de mètres, ne me laissant même pas le temps de souffler un peu.  Vu la densité de la circulation et l'absence de travaux en cours, cela promet pour les années à venir.

Ce n'est guère mieux le jour suivant, avec notamment la traversée de la dernière grande ville avant notre entrée en Roumanie. La route y est véritablement cassée par endroits et je roule tel le poivrot en slalomant, utilisant toute la largeur de la route; au point qu'un policier m'arrête et me demande si je suis sous l'emprise de la boisson!

 

 

 

 

 

 

 

 

Notre dernière nuit sur le sol ukrainien a lieu dans un hôtel désert, un peu inhumain, avec une réceptionniste qui respire l'ennui. A côté, une "pizzéria", dont la salle est immense, mais nous sommes les seuls clients . Ambiance....

 

 

 

 


 

Qu'allons nous trouver en Roumanie? Nous avons encore en tête la déception qui fut la notre en 2005, lors de notre retour de la mer rouge. 

 Tristesse, indifférence .... et routes en piteux état, voilà ce que nous avions rencontré lors de notre traversée de la Roumanie.

 Bon, pour rentrer en Roumanie, il faut d'abord sortir d'Ukraine, et ce n'est pas simple. Quand le douanier nous fait signe de sortir les motos de la file, nous comprenons qu'il y a un problème. Un des dix préposés à la douane d'Illichivs'k m'a attribué la VTR et Marie est devenue propriétaire d'un magnifique side-car rouge.  Après beaucoup de patience et la présence d'un douanier moins obtus que sa collègue, nous finissons par être autorisés à quitter le territoire. 

Nous voilà en Europe, presque à la maison, en définitive!

Un revêtement lisse me donne le sourire. Enfin des conditions de conduite normales.

Nous dormons dans un endroit calme, près d'un monastère. Manon est heureuse de passer la nuit dans une habitation à sa taille. Nous faisons la rencontre d'un couple de Français, Gilles et Jocelyne, en Dacia qui sont venus faire visiter son pays à leur voiture.... Repas sous les arbres, avec du saucisson corse et du pâté, c'est le bonheur!

Dragomirna

Dragomirna

 

Dragomirna

 

 Sur leurs conseils, nous allons le lendemain dans un charmant village, Ciocanesti. Il se confirme que les chose sont bougé depuis huit ans. La route est superbe. Dans une grande côte, entrecoupée de virages serrées, je suis Marie, concentré sur mon pilotage, je me fais plaisir mais je n'amuse pas le terrain pour la suivre. Le soir, elle m'apprend qu'elle roulait sans forcer, à sa main.

Maintenant, j'en suis sûr, notre camion en est vraiment un; avec les performances qui vont avec!

 

 Vladimir nous accueille dans sa pension. Le cadre est paradisiaque. Notre intention première était de monter la tente mais, devant la pluie qui s'invite à notre arrivée, nous optons pour une chambre.

Vladimir parle français, s'occupe seul de cette pension, a connu divers métiers dans sa vie. Il est généreux, terriblement généreux et nous nous sentons bien, immédiatement.

Au lieu des deux jours prévus, nous en passons quatre. Très vite, je n'ai plus l'impression d'être un client, mais un invité. Il me permet de faire la vidange de la VTR, bricole un vieux vélo pour Manon.

Il travaille le bois, quand il en a le temps. Il a aussi un vieux Combi Volkswagen de 1965 qui semble attendre son heure. Il nous dit qu'effectivement, il a l'intention de le retaper et de partir en voyage en France avec.

Derrière son atelier, il y a une Trabant qu'il a achetée après la chute du mur avec trois moteurs de rechange. "Un dans le coffre" me dit-il " en cas de panne, je peux le changer sur le bord de la route en 30 minutes. Quelques boulons à dévisser, un moteur de 30 kilos seulement, c'est facile à changer". On est loin du tout électronique de nos voitures actuelles!

Autour de nous, la vie s'écoule, harmonieusement.  Oui, c'est cela, tout est harmonie, ici. La nature environnante, les maisons si bien décorées, les hommes et femmes qui travaillent dans les prés avec leurs outils manuels, les longues charrettes en bois tirées par les chevaux. Même la météo se met de la partie avec la brume du petit matin qui s'efface doucement devant l'insistance du soleil levant. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au revoir, Vladimir! Et à bientôt en France, au volant de ton Combi!  

 

 Nous partons motivés, prêts à affronter les 80 kilomètres horribles que nous ont promis les voyageurs rencontrés. Nous sommes presque déçus (bon, là, j'exagère peut-être un peu!) car, en roulant doucement, voire très doucement pour le side-car (d'ailleurs Marie a pris les devants et nous attend régulièrement), ça passe. Bien sûr, par endroits, c'est au pas qu'il faut aborder les trous plus ou moins gros et la voie de gauche est autant utilisée, voire plus, que la droite.

Il y a parfois des plans qui ne veulent pas fonctionner. Là, c'est une adresse d'un Roumain musicien qui tient une pension dans le village de Viseu de Jos, que m'avait donnée un copain accordéoniste.  Chou blanc. Impossible de mettre la main dessus malgré l'aide attentionné d'un monsieur à qui nous posons la question. Il téléphone à droite à gauche et nous dit que l'homme est inconnu au bataillon. Voilà qu'un orage s'invite; c'est le déluge et nous trouvons une pension chez l'habitant au bout d'un chemin gorgé d'eau, avec, à la clef, un passage de gué qui donne quelques sueurs froides à  Marie. Avec le side et sa stabilité naturelle, c'est juste amusant.

Un couple d'Allemands est présent. Je remarque aussitôt la vieille BMW 100 GS, cette moto que j'ai failli acheter en 1993. Le propriétaire avec lequel je lance la discussion m'apprend qu'il vit dans ce qui était l'ex Allemagne de l'Est, tout près des anciennes usines MZ. Justement, il me parle du bouleversement lors de la chute du mur avec toutes ces usines qui ont mis la clef sous la porte mais il reconnait qu'au final, cette liberté dont il était privé auparavant a un goût incomparable.

Nous arrivons le lendemain dans un petit village du nom de Botiza, et c'est la femme du curé qui nous accueille dans sa pension, une magnifique maison traditionnelle en bois. Située en plein centre, elle est un endroit stratégique pour observer la vie qui s'écoule. Nous avons droit en deux jours à un mariage,un enterrement et des messes interminables dont tout le monde peut "profiter" vu que le curé installe un haut parleur à l'extérieur de l'église. Et, que ces prêches durent longtemps; une véritable performance sportive!

Ici, comme il y a quelques jours en Bucovine, chez Vladimir, le maintien des traditions est naturel. Pas de mécanisation, avec des tracteurs inexistants; on voit très fréquemment les hommes partir aux champs avec la faux accrochée au cadre du vélo. Dans cette région de Maramures,  les femmes revêtissent la tenue traditionnelle et cela ne concerne pas que les plus âgées d'entre elles.

 

Botiza

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous quittons à regret cette très belle région. La seule chose que nous ne regretterons pas, ce sont les routes et leur état déplorable par endroits.

Peu à peu, nous retrouvons une forte chaleur inhabituelle alors que nous nous dirigeons vers la frontière hongroise. Nous apprenons le soir à la télé installée dans le salle de restaurant de l'hôtel que la Roumanie est atteinte par un courant d'air chaud avec des températures ayant grimpé jusqu'à 47 degrés à Bucarest!

 


 

L'arrivée en Hongrie marque le début d'un rythme un peu plus soutenu.Le calendrier se rappelle à notre bon souvenir et nous décidons de filer plein ouest via les autoroutes. Car, nous retrouvons une atmosphère européenne en Hongrie. Réseau routier impeccable, villages propres parcourus par des pistes cyclables, grandes surfaces, une certaine indifférence aussi, qui nous change des nombreuses rencontres qui se sont succédées tout au long de notre voyage.

Nous trouvons un agréable camping près d'un petit lac où nous nous posons deux nuits.

 

 

Puis vient l'entrée en Autriche, avec une vue impressionnante d'un parc d'éoliennes sur des dizaines de kilomètres.Nous quittons l'autoroute et trouvons un charmant petit hôtel..... ainsi que les prix européens que nous avions oubliés depuis plusieurs semaines. Terminé ce sentiment que nous avions pu avoir d'être riche quand on voyait la note du restaurant ou celle de l'épicerie.

Thiersee et son lac nous accueillent, non loin d'Innsbruk.  L'endroit est reposant, la nature très belle. Sur la plage aménagée au bord du lac, se pressent les vacanciers, et nous sommes un peu les uns sur les autres, mais, comme le remarque Marie, il règne un calme étonnant, malgré la présence de nombreuses familles avec enfants.

 

 Thiersee

Thiersee

 Thiersee

 Le rythme s'accélère. Voilà la Suisse que nous aimerions visiter un peu plus longtemps. Le peu que nous avons vu nous met l'eau à la bouche. Une prochaine destination, peut-être? Mais les tarifs pratiqués, notamment dans les restaurants, sont une incitation à se mettre au régime!

 

 

 Nous retrouvons avec grand plaisir Stéphane, puis Vincent avec lesquels j'avais passé de semaines inoubliables en Iran et au Pakistan, il y a onze ans déjà.

 

Enfin, c'est le retour en France, deux jours sous une pluie diluvienne mais comme on dit chez les motards optimistes "Voyage pluvieux, voyage heureux".

Et cela pourrait être le mot de la fin.