J'ai essayé plusieurs modèles de la gamme Triumph et, hormis la 800 Tiger, j'ai aimé les moments passés avec eux. Les bicylindres de la 900 et 1200 Scrambler m'ont fait de l'effet, chacun à sa manière et le trois cylindres revisité par le constructeur anglais avec un nouvel ordre d'allumage pour un comportement "proche d'un bicylindre à bas régime" sur la Tiger 900 m'avait également séduit.
Adepte des motos de moyenne cylindrée, l'arrivée de la Tiger 660 avait attiré mon attention même si j'avais noté une orientation routière prononcée avec une roue avant de 17 pouces et des débattements de suspensions modérés (150 mm à l'avant et à l'arrière).
Jan Jac, un ami de Montpellier, propriétaire de la même moto que moi (une CB 500X rouge avec amortisseur Fournalès) m'avait dit tout le bien qu'il pensait de cette petite Triumph en me conseillant de me mettre à son guidon dès que j'en aurais la possibilité.
Le problème pour moi était l'éloignement de la concession à plus de 100 kilomètres de chez moi mais, depuis peu, il y en a une qui s'est installée à Pau. Plus aucune excuse pour ne pas essayer cette moto.
Mardi 26 septembre 2023. Le soleil est prévu mais, ce matin, à 10 heures, c'est la grisaille qui est présente. Température douce, l'idéal pour faire connaissance avec cette petite Tiger.
Je m'installe. La hauteur de selle n'est pas trop élevée, très semblable à celle de ma CB 500 X. Le tableau de bord est simple et lisible.
Le trois cylindres chauffe sur la béquille latérale dans un bruit très feutré. Je décolle sur un filet de gaz et monte rapidement les 6 rapports. La souplesse du moteur est excellente et elle permet de rouler à allure réduite sans avoir à rétrograder et c'est très agréable alors que je me dirige vers les coteaux au dessus de Pau. Le guidon est relevé mais j'aurais aimé qu'il soit un peu plus haut. Il faut dire que 33 années en trail m'ont habitué à une conduite avec la petite impulsion sur le guidon pour inscrire la moto dans les courbes. Je note tout de suite une très bonne connexion de la poignée de gaz et du moteur qui répond sans le moindre à coup. Cela fait partie des caractéristiques auxquelles je suis sensible. J'aime les motos faciles et cette Triumph me révèle qu'elle est à la hauteur dans ce domaine.
Clignotant à gauche avant d'aborder la cote de Morlaàs. J'aborde une portion de route défoncée qui va me permettre de juger de la qualité des suspensions. Résultat mitigé: ça secoue pas mal et ça réagit trop sèchement sur les grosses cassures.
Suit une série de virages que j'enchaîne volontairement en restant en sixième. En effet, le moteur fait preuve d'une vigueur dès les plus bas régimes. Il est souple mais surtout pas anémique. Il répond présent en tractant l'ensemble avec une énergie réjouissante. Dans cette portion de route sinueuse, je reste sur la plage 2-4000 tours/minute en appréciant la poussée du trois cylindres. Malgré sa faible cylindrée, il est impressionnant avec cette disponibilité totale dans la partie basse du compte-tours. Peu à peu, la route se dégage et je le sens encore plus expressif après les 4000 tours/minute. Il prend de l'ampleur et il a même une manière très personnelle d'inciter celui qui officie au dessus du réservoir à augmenter le rythme! Oui, c'est cela, je le trouve un peu pousse au crime, ce trois cylindres avec cette joie de vivre qu'il manifeste au fur et à mesure que l'aiguille du compte-tours grimpe. Et pourtant, je me cantonne à des chiffres encore raisonnables, loin de la zone rouge que j'estime au delà de 10 000 tours (elle n'est pas identifiée).
La moto s'inscrit assez naturellement dans les virages. Personnellement, j'aurais aimé une moins grande vivacité du train avant. C'est la rançon de la roue de 17 pouces à l'avant. Je préfère un train avant avec un peu plus de retenue comme on peut la trouver avec une roue de 19 ou 21 pouces plus fine, de l'agilité plutôt que de la vivacité.
En fait, comme le laissait présager son esthétique ( notamment le petit bout de selle réservé au passager), on a affaire à un roadster surélevé bien plus qu'à un trail routier, à l'image d'une Tracer 7. Mais, contrairement à cette dernière qui m'avait déçu avec ses réactions trop brutales, notamment sur mauvais revêtement, la Triumph me parait plus équilibrée. Elle peut compter sur un frein avant puissant mais que je trouve trop mordant à l'attaque. Je l'avais noté en quittant la ville et cela se confirme. Il me faut être doux sur le levier pour éviter des décélérations trop brutales et une plongée immédiate de la fourche. Par contre, le frein arrière recueille mon assentiment: pédale très accessible, progressivité et efficacité sont au rendez-vous; c'est important pour moi car je suis devenu au fil des années un utilisateur permanent du frein arrière si utile sur les petites routes sinueuses qui sont mon quotidien. Cela permet d'équilibrer la moto, de la "tendre" dans certaines circonstances et il est en outre une aide précieuse pour tenir la corde quand le virage se referme.
La boîte de vitesses est plutôt bonne même si je trouve que le passage des rapports manque parfois de netteté. Il faut dire que je suis mal habitué avec des boîtes Honda souvent irréprochables.
Au fur et à mesure que la vitesse s'élève, je note que le pare-brise offre une protection un peu juste; il mériterait quelques centimètres de plus.
J'aperçois une route bosselée et je m'empresse de l'emprunter pour vérifier la qualité des suspensions. Sur mes parcours habituels, je trouve souvent des revêtements changeants où un bon amortissement se révèle très utile. Sur cette Triumph, je dirai qu'il est passable; un possesseur de roadster va sûrement s'en satisfaire mais l'adepte du trail sera plus critique. Personnellement, je trouve que ça réagit trop fermement.
Un demi-tour sur cette portion étroite montre un rayon de braquage que j'aimerais un peu plus réduit.
De nouveau la route, ses successions de virages, ses dénivelés où le moteur excelle. Il tire d'ailleurs assez court ce qui participe également à sa vigueur. A 4000 tours/minute, on est à 80 km/h environ. A l'approche d'une épingle, je descends deux rapports mais je sens bien que ce n'est pas absolument nécessaire sauf à vouloir s'en extirper vigoureusement. Une telle disponibilité m'épate avec une cylindrée modérée. Le seul souci, mais ce n'est que mon point de vue, c'est cette tendance qu'a le moteur à vouloir s'envoler vers des régimes plus élevés. Il a un coté rageur qui, je le reconnais, n'est pas ce que je recherche sur une moto. Mais il est clair qu'il va enthousiasmer celles et ceux qui aiment cette propension à monter rapidement en régime.
Je ne peux d'ailleurs pas m'empêcher de tenter une accélération, juste pour voir. Le moteur ne demande que ça et l'aiguille du compte-tours se précipite vers les hauteurs alors que le chant du moteur devient vraiment superbe. Quelle sonorité! Cela me confirme que l'on est bien sur un roadster à peine déguisé.
La petite balade s'achève. Je lambine sur le rapport supérieur dans l'avenue qui m'amène à la concession. Au feu rouge, je démarre volontairement sur le second rapport. Il n'y a même pas besoin de faire patiner l'embrayage, la moto s'élance sans manifester la moindre désapprobation. Une réussite, ce berlingot! Tellement bien rempli que je le verrais bien supporter une dent de plus au pignon de sortie de boîte pour calmer ses ardeurs et me convaincre encore plus qu'il possède toutes les qualités...
A basse vitesse, en ville, je suis de nouveau gêné par l'attaque trop franche du frein avant qui génère en outre une plongée nette de la fourche. Il doit falloir un peu d'habitude pour gérer au mieux la pression sur le levier de frein.
C'est terminé, je gare la Triumph. Même si elle ne correspond pas tout à fait à ce que j'attends d'une moto, je dois lui reconnaître une belle homogénéité, bien plus que chez sa rivale chez Yamaha que j'avais trouvée plus exclusive. Elle a ce moteur unique dans la production motocycliste, un trois cylindres bourrée de qualités et de charme dont le seul défaut, pour moi, est cette trop grande énergie, cette orientation un brin sportive qui ne me correspond pas. Mais je sais que cela sera un point fort pour certains. A chacun de trouver chaussure à son pied.
PS: avant cet essai, je n'avais pas fait attention à la mention Sport apparaissant dans le nom de cette Triumph. Je confirme que même s'il est parfaitement possible de flâner à son guidon avec cette motorisation en or, on a affaire à une moto toujours encline à hausser le rythme.
J'ai vu également après l'essai que la bulle possédait un réglage en hauteur de 8,3 cm d'amplitude.
Prix: 9695 euros
Options: il y en a beaucoup et j'ai noté les plus importantes.
Porte bagages en aluminium: 160 euros
Feux antibrouillard LED: 325 euros
Selle confort: 179,99 euros
Selle basse confort (-25 mm): 179,99 euros
Protection de cadre: 195 euros
Protection moteur: 195 euros
Top case 2 casques: 305 euros
Sacoches (57 litres de contenance au total): 615 euros
Poignées chauffantes: 280 euros
Quickshifter: 349,99 euros
Système de contrôle de la pression des pneus: 269,99 euros
Pare-mains: 139 euros
Caractéristiques techniques:
Moteur
Type : Trois cylindres en ligne, 4-temps, refroidissement liquide, 2 ACT, 4 soupapes par cylindre, Euro5.
Cylindrée : 660 cm3. Alésage x course : 74 x 51,1 mm.
Puissance : 81 ch à 10 250 tr/min. Version A2 : 47 ch à 8 750 tr/min.
Couple : 64 Nm à 6 250 tr/min. (Version A2 : 59 Nm à 5 250 tr/min).
Boîte de vitesses : 6 rapports. Transmission finale : par chaîne.
Cadre : périmétrique en acier tubulaire.
Suspension avant : Fourche inversée Showa de 41 mm, débattement 150 mm, non réglable.
Suspension arrière : mono amortisseur Showa réglable en précharge et en assiette (réglage déporté), débattement 150 mm.
Frein avant : Double disque flottant diam. 310 mm, étrier 2 pistons, ABS.
Frein arrière : Simple disque diam. 255 mm, étrier Nissin simple piston, ABS.
Dimensions
Empattement : 1 418 mm.
Hauteur de selle : 835 mm.
Angle de chasse : 23,1°.
Pneu avant : 120/70 ZR17.
Pneu arrière : 180/55 ZR17.
Réservoir : 17 litres.
Poids : 206 kg tous pleins faits.