Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

Top Moto à Tarbes

 

Pour commencer, car il faut un début à tout, c’est vers mon concessionnaire que je me tourne. Je suis impatient de connaître les événements et anecdotes qui ont jalonné son parcours.

 Philippe, je ne l'ai pas  connu lors de mon entrée dans le monde de la moto. Il n'était alors pas concessionnaire. Ce n'est que lorsque la concession Honda de Tarbes a fermé dans des conditions douloureuses que j'ai commencé à fréquenter sa concession. C'est devenu rapidement un lieu où j'ai pris plaisir à m'arrêter, parfois pour acheter un accessoire ou commander une pièce mais la plupart du temps juste pour le plaisir de respirer l'atmosphère si agréable d'un endroit dédié à ma passion, qui plus est en y vendant les motos de ma marque préférée.

Ce fut aussi un passage obligé et émouvant lors de mes départs pour de longues virées, alors que l'excitation se mêlait à la peur avant de m'engager sur la longue route.

 

En 2002, ce fut aussi une très belle soirée, à mon retour d'un voyage très intense jusqu'au Pakistan.

 

Depuis maintenant plus de douze ans, c'est dans cette concession que j'ai eu l'immense plaisir de pouvoir essayer au cours de très beaux week-end, des motos qui m'intéressaient, et même certaines qui ne me correspondaient pas, telle cette Gold Wing 1800 dont Philippe m'a forcé à prendre le guidon ou cette VFR 1200 pour laquelle il m'a lui-même accompagné pour une balade hivernale autour de nos Pyrénées

 

C'est parti. Je laisse la parole à Philippe. Pour vous mettre dans l'ambiance, essayez d'imaginer l'accent du Sud-ouest et les Pyrénées, à quelques dizaines de kilomètres, au sud de son village.

 

-Pour commencer, quel a a été l'élément déclencheur de ta passion pour la moto?

 Ce fut mon ami Patrick Laporte. Son père avait un garage et lui avait des motos. D'abord une ITOM 50 avec carénage.  Mais j'ai aussi connu mes premiers tours de roues motorisés chez mon cousin de Vic en Bigorre qui avait récupéré un vieux scooter Lambretta. A 10 ans, on en faisait à la campagne, dans les champs.

 

 -Ta première moto?

 

J'ai passé le permis en 1973, l'année de la retraite de Soïchiro Honda. Au début, je n'étais pas très Honda, même si ma première moto fut une 125 SS de la marque, achetée d'occasion 800 francs. Je touchais alors 300 francs par mois en tant qu'apprenti à l'Arsenal de Tarbes J'avais beaucoup de mal avec ce signe que j'assimilais à la guerre et aux SS. Six mois plus tard, je passais au gros cube avec une Kawasaki 350. j'ai eu de la chance, j'ai pu me mettre au guidon d'un gros cube à 16 ans juste avant la réforme du permis de conduire moto. C’est  mon ami Patrick Laporte qui avait cette moto. Il la vendait car la coupe Kawa passait en 400 cm3. Il m’avait dit: "Prends-là un week-end, et si elle t’intéresse, on s’arrangera...."

Pour en revenir au permis, je suis allé le passer avec ma moto et en la cachant, en mars 1973. A l'époque, le moniteur était derrière et possédait un deuxième guidon! Epreuve plutôt simple où il suffisait de faire un petit parcours autour de la place du foirail avec l'inspecteur qui suivait du regard...

 

Une anecdote me revient. J'avais été convoqué au centre des apprentis. On voulait me faire arrêter la moto parce que c'était trop dangereux! Ce fut bien sûr hors de question! 

 

 

 

-Comment es-tu arrivé à travailler dans le monde de la moto?

J'aimais beaucoup le ski et j'avais obtenu le premier degré du concours de  moniteur de ski. L'année suivante, j'étais parti trois mois pour passer mon diplôme de moniteur. C'est là-bas que l'idée a commencé à murir. Il faut dire que j'étais remonté contre mon employeur. J'avais demandé trois mois sans solde pour passer le Brevet d'Etat 2ieme degré à Chamonix et cela avait été refusé. Je n'avais pas trop réfléchi, j'étais parti au risque de me faire licencier. Cela m'avait un peu dégoûté.

 J'ai commencé à dessiner les plans de ce que pourrait être mon futur magasin. Je n'avais pas un sou d'avance en poche et, à mon retour, après avoir obtenu mon diplôme,  il a fallu faire un emprunt pour construire la vitrine au rez de chaussée de la maison d'habitation parentale. C'était un magasin dédié à la moto de trial dans un premier temps.

 

Puis, j'ai embrayé sur le bicross en plein boum à l'époque. J'ai été responsable de la région Aquitaine Midi-Pyrénées et Poitou Charentes, j'ai organisé le championnat de France à Tarbes.

Je me suis alors lancé dans la fabrication des casques en fibre de verre. J'achetais les intérieurs de casques chez Gallet; ça se vendait bien, ils ressemblaient aux casques américains. j'ai aussi construit des rampes pour faire des figures. Les petits bicross n'existaient pas, j'achetais des grands vélos, je coupais le cadre, je rabaissais le "hauban" , je soudais pour avoir des vélos adaptés aux petits. Financièrement, heureusement que j'avais le ski pour l'hiver; il m'arrivait parfois de rentrer au magasin après huit heures de ski et de me mettre à la mécanique tard dans la nuit. 

En 1985, avec Christian Vignes, un ami, on monte au salon de la moto à Paris. On existait depuis 4 ans (Moto verte). Honda commençait à s'intéresser au tout-terrain et j'ai pu obtenir le pannonceau Cadre rouge.

Je pense que l'élément déclencheur chez moi fut peut-être de constater que les concessionnaires sur la place n'avaient pas la passion. J'avais pu voir comment ils me recevaient quand j'étais jeune motard. J'ai eu envie de faire mieux que ceux qui ne respectaient pas leurs clients. 

Trois ans plus tard, en 1988, j'ai obtenu la concession. Il fallait changer de local. C'est Honda qui a choisi l'endroit. Magasin bien plus petit que maintenant, très étroit. Jusqu'en 94, nous étions deux concessionnaires à Tarbes et ce fut compliqué. 

 

-Est-ce que tu peux faire un petit résumé des évènements autour de la moto auxquels tu as participé?

-1989: nous avons préparé deux des quarante-neuf Africa Twin Marathon pour participer au Paris-Dakar. Les deux pilotes ne sont pas allés jusqu'au bout. Les motos étaient très proches de la série et pas vraiment adaptées pour une épreuve aussi dure.

 

 

(Il est vrai qu'à l'époque, j'étais impressionné par les pilotes privés qui s'engageaient dans une telle épreuve. Les étapes étaient particulièrement longues avec des difficultés parfois extrêmes. Il fallait un moral sans faille et une condition physique excellente pour arriver au terme de cette course un peu folle).

-La même année, j'ai participé au rallye du Maroc avec une Honda CR 125. J'avais équipé la moto avec un réservoir d'Africa Twin pour avoir une autonomie suffisante. J'ai eu du mal physiquement, c'était très dur. A la fin de la première étape, je me suis endormi dans les épineux avec mon casque sur la tête (!). J'ai toujours essayé de faire de la moto avec la notion de plaisir mais, sur ce rallye de l'Atlas, le plaisir n'était pas au rendez-vous.

 

(Tout me disant cela, en m'indiquant que cette course l'avait un peu dégoûté, Philippe me parle de souffrance mais aussi d'étendues désertiques qui donnent envie de revenir, d'un dépassement de soi, de l'adrénaline. Bref, il a quand même bien accroché à cette atmosphère si particulière du Maghreb! Il ajoute d'ailleurs:)

L'année suivante, j'ai quand même voulu faire le rallye de Tunisie mais je me suis blessé au genou la veille de l'envoi de mon engagement....

(Dans son atelier, j'ai trouvé un souvenir de ce rallye de l'Atlas (1er de la catégorie 125 cm3 promotion).

 (Et c'est plutôt du plaisir que je vois sur cette photo....)

 

-En 1992, ce sont mes débuts sur la piste avec la French Cup qui se courait avec des Honda CBR 600. Je n'ai fait que trois courses, dont une sur le mythique circuit du Castellet où je me suis régalé. 

-1993 sera la première année en endurance.  J'avais débuté l’année à DAYTONA, puis j’engage la RC30 de Bernard Couderc pour les 24h du Mans. Ensuite, à la vue du plaisir pris, l’équipe était au Bol d’or. C’est vrai qu’avec la fabuleuse RC30 tout a été presque facile. Quelle expérience!

Par le bouche à oreille, nous avions appris qu'un gars de Valence préparait des moteurs. Le lundi, lors des premiers essais du Bol d'Or, nous avons percé un piston sur notre moteur. Le surlendemain, nous avons vu arriver ce gars au volant de sa Renault 4. Sa réputation n'était pas surfaite, son moteur marchait très bien (NDLR: normal, c'est le Mac Donald's de Tarbes, spécialiste de la restauration rapide qui avait financé la location du moteur!). Une fois la course terminée, l'homme est revenu démonter le moteur une fois ce dernier refroidi, l'a remis dans le coffre de sa voiture et il est rentré chez lui! Une autre époque.... 

 

-1994. La RC45 pointe son museau racing. Honda France me propose une moto de course, version libre et non immatriculée. Je saute sur la proposition. Le même équipage sera au guidon. 1994, c’est en pleine année SIDA. Mon ami, le Docteur me propose de rouler avec des casques blancs arborant le ruban rouge comme les flancs de carénage. Pour l’anecdote, c’est un petit jeune qui avait dessiné et découpé les stickers dans une plaque de venilia adhésif, il était du voyage et peut-être que nos humbles aventures ont elles donné à Olivier Four quelques envies ou rêves.

 

 

 

 

 

-1995. La 45 reprend du service, en catégorie Stocksport , une nouvelle catégorie, pour un nouveau Bol d'Or.


A cette époque, il était difficile de remplir les grilles de départ, les 600 supersport était également admises à participer. Les règlements complexes ont toujours eu pour effet de réveiller les tricheurs en tous genres. De nombreux articles de presse ont relaté cet épisode, nous n'étions pas admis à participer à cette épreuve.La tricherie manifeste m’a fait découvrir une face cachée de ma personnalité. Un homme normal serait rentré dans ses Pyrénées en jurant qu’on ne l’y prendrait plus. L’injustice m’a transcendé, j’ai juste remué ciel et terre pour dénoncer la chose. Expliquant à tous la tricherie à la réunion privée du jury international, déchirant ma licence et jetant les confettis, je quittais ces commissaires qui n’en croyaient pas leurs yeux.


La journée fut passée à ranger le box et à expliquer ma mésaventure, Jean Louis Guillou vint à mon secours  en tentant d’expliquer à Jacques Bolle  .... rien n’y fit.
Vers 18 h, alors que l’équipe était en train de tout plier je tentai un dernier coup. Je téléphonai à Philippe Douste Blazy, notre ministre de la santé de l’époque.
Il n’était pas joignable, j’expliquai en une phrase la situation : "Monsieur, pouvez-vous dire à Monsieur le ministre que nous sommes éliminés injustement".
Sans espoir, vers 20h, les camions étaient quasiment rechargés, l’équipe avait décidé d’aller à Bandol manger un morceau et surtout se changer les idées. Les deux autres pilotes étaient repartis, un vers le Jura , Berger le fromager, papa du regretté Maxime. Enfin, je saluai quelques amis Jean François Daffix , Guignabodet et Christophe Guyot qui nous donnait quelques pièces usagées contre des pots de foie gras de canard.


Les stands reprenaient vie ,les essais de nuit allaient débuter. Et, à ce moment précis,une annonce était faite au micro du circuit: le team manager de la HONDA n° 77 était demandé de toute urgence à la tour du circuit. J'y allai, elle était proche des stands. Bernard Lapeyre, le directeur de course m’apprit que nous étions requalifiés . Il fallait juste que la moto fasse 3 tours obligatoires lors des essais de nuit. Il me tendit quelque chose qu’il tenait entre son index et son pouce je reconnus ma licence confetti du matin même.


En courant je rejoignais le campement, l’équipe venait d’être prévenue, la moto démarra à ma première sollicitation, j’enfilai ma combinaison de cuir en oubliant la protection dorsale trop bien rangée dans un des camions. Mon état physique et mental était à la mine, ces 3 tours n’ont paru interminables et les larmes aux yeux brouillaient ma vision, tout mon influx nerveux était lessivé. L’équipe était qualifiée mais plus aucun pilote. Au petit matin, quelques pilotes et pas des moindres allaient profiter de notre aventure.

 

 

 

1996. Notre équipe était engagée sur les trois courses de 24 heures, Le Mans, Spa Francorchamps et le Bol d'Or en catégorie SBK avec l’ex-moto de Bernard Cazade, avec un kit HRC récupéré pendant l’hiver .... elle avait voyagé.

Mes amis de l’Endurance m’ont beaucoup aidé pour remettre en forme la 45 Kit.
Au Mans , elle n’était pas au point , une soupape ayant lâché pendant les essais.
Christophe Guyot m’avait donné une poignée de soupapes qu’ils avaient changées et Jean François Daffix nous dépannait  avec des ressorts Racing. Toute la nuit, la culasse était remontée par mon fils Sébastien qui n’avait pas 20 ans et, à 6 heures du matin , le moteur était de nouveau opérationnel. Sébastien était fier de son travail et des félicitations de Jean François Daffix. La course nous a permis de connaître un peu plus les différents réglages du kit service course. Nous allions être prêts pour le 14 juillet à Spa.
Là-bas, la moto pédalait comme jamais, les parties rapides du circuit étaient avalées. Nous avons ainsi obtenu une 9ieme place finale et Honda gagnait  par équipe le challenge Princesse Astrid. Lors de la remise des prix , nous étions sur le podium avec la les équipes de la Honda officielle et de la Honda Guignabodet car il fallait une équipe de trois motos identiques formée avant le début de la course.

 

 

Deux mois après, l’équipe était au départ du Bol d’Or, avec deux nouveaux pilotes.
La moto tournait comme une montre et sa vitesse de pointe surprenait pas mal de teams privés. Sur la mythique ligne droite du mistral, seules six motos d’usine étaient plus rapides. La course fut encore bien arrosée et dut être interrompue une bonne partie de la nuit.

 

L’édition suivante, en 1997, allait être également mouvementée. Honda France proposa à une douzaine de concessionnaires une opération avec des bicylindres, la VTR1000 venant de sortir. Nous voilà partis avec une moto nouvelle qu’il a fallu vite adapter à l’endurance. Les pilotes allaient eux aussi découvrir cette discipline, deux petits jeunes de 20 ans. Mon fils Sébastien et son ami Olivier Four venaient de faire une saison de la fameuse CB Cup avec les 500cc.

 

 

Je souhaitais les accompagner dans l’Aventure. J’ai toujours aimé transmettre et partager ma passion.
Moto nouvelle, équipe nouvelle, la partie ne fut pas simple, mais les jeunes ont vite compris.

 

Jusqu’au matin, tout s’était bien passé, les relais s’enchaînaient;  Sébastien était pas mal entamé et les courbatures s’installaient. Olivier, plus frais, se sentait pousser de ailes alors que le soleil inondait la piste du Paul Ricard. Sans doute préoccupé par le visage grimaçant de douleur de Sébastien, je ne jouai pas là mon rôle de manager, j’aurais dû tempérer Olivier.Ce qui devait arriver arriva, chute au virage de l’Ecole, petit droit à 90° avant Sainte Baume. Dès l’annonce de la chute, j’enfourchai le scooter de service et en deux minutes , je me retrouvai face à Olivier qui revenait vers les stands en pleurs : "j’ai cassé la moto!". La chute avait endommagé le carter d’embrayage et le bac à gravier avait copieusement garni le moteur de jolis galets de la Méditerranée. C’était notre premier abandon et le seul dans ma carrière. Olivier avait été marqué par cet abandon et sa longue et superbe carrière en ont certainement tiré profit, on apprend de ses erreurs (Olivier Four deviendra un pilote d'endurance renommé avec notamment quatre victoires aux 24 heures du Mans avec quatre marques différentes: Honda en 2006, Yamaha en 2008, Suzuki en 2009 et Kawasaki en 2010 et deux victoires au Bol d'Or).

 

 

1998. Le Bol d'Or allait être pour nous le dernier au Castellet, on savait que, dès l’an 2000, c’était Magny Cours ... la magie n’opéra pas.


1998, Honda fêtait ces 50 ans cette année-là.
Honda France convia 50 concessionnaires au Japon, fin juillet. Visite du pays, des usines d’Hamamatsu, les 8 h de  SUZUKA  et la découverte d’un lieu tout fraîchement inauguré : le Motegi Twin Ring.
HONDA avait, dans un endroit perdu dans la campagne, installé pas non pas un, mais deux circuits, un centre d’essai et bien sûr le fantastique musée où se côtoient les machines qui ont fait rêver notre génération.



En rentrant, il me restait un gros mois pour finir la préparation du BOL 98.
Je souhaitais faire quelque chose de bien. Top Moto Tarbes avait 10 ans, Honda 50 ans et le hasard fit qu’un de nos partenaires, Michelin, avait 100 ans. Le Team Anniversary était prêt à commémorer.
La VTR 1000 avait subi une réelle préparation. Le moteur et le cadre modifiés avec le kit Moriwaki, la fourche Showa récupérée sur notre RC 45 avec son système de changement de roue ultra rapide ( environ 7/8 secondes), le bras oscillant modifié par Christian Chaplain pour gagner du temps. Les pneus Michelin étaient de très bons pneus, très proches du grip proposé aux équipes officielles.
Pour les pilotes, il fallait là aussi passer à la marche supérieure.
En collaboration avec Honda, j’ai pu embaucher le pilote japonais officiel Moriwaki, un beau cadeau. Stéphane Neff et Jean François Brau complétaient l’équipe, du lourd. D’ailleurs, dès les premiers essais, les chronos étaient bons et les trois pilotes dans la même seconde. Je n’étais pas peu fier lorsque la feuille des temps est arrivée.
Notre seule lacune était la vitesse de pointe, le bicylindre accélérait fort mais manquait d’allonge. On a fait avec . C’était là, en principe, notre dernière course, et pour remercier toutes les personnes qui nous avaient aidés pendant ces six années consécutives, nous avons fait un petit apéro le samedi midi avec plus de 150 personnes et des profiterolles au foie gras étaient servies à nos  invités.
Notre pilote Japonais Kei Nashimoto découvrait la France, sa famille avait fait le déplacement; le Bol d'Or est une course mythique pour les Japonais au même titre que les 24 heures du Mans.
De nombreux journaux de moto au Japon ont fait de beaux articles et Kei a été très sympa de me les expédier. Avant de partir, il a tenu à m’offrir son casque Arai Spencer replica avec une très gentille dédicace. Que de souvenirs pour toute notre équipe. Des petits soucis nous avaient pénalisés, mais le résultat nous convenait totalement. L’aventure humaine avait été une fois de plus extraordinaire....

 

 

 

Il y a eu ensuite une coupure. Magny Cours avait remplacé le Castellet et ce circuit ne m'a jamais plu.

 

 

En 2004 et 2005, j'ai participé au Shamrock organisé au Maroc. Une course ouverte aux privés sans trop de moyens qui se déroulait autour de Layoune. Les deux fois, je suis revenu "cassé". En 2004 en chutant du haut d'une dune et en 2005 après cinq jours d'épreuve. Je pilotais une Honda CRF 450 et la moto "tartinait" bien.

 

 

 En  2010 et 2011 on a de nouveau préparé une moto avec les concessionnaires Honda sud-ouest pour les 24 heures du Mans et l'on a remis ça en 2013 avec la "moto pour la vie" dans le cadre de la lutte contre le cancer.

  

Enfin 2019, on fête les 50 ans de la 750 Four et je me rends au Sunday Ride Classic. C'est là-bas qu'est née l'idée de célébrer le 50ième anniversaire de la victoire de cette moto à Daytona. C'est ainsi que j'ai participé au Bol d'Or Classic. On a donc ressorti la RC 30 qui dormait dans le grenier depuis 26 ans. La peinture que j'ai fait réaliser était un hommage à la moto victorieuse de Daytona avec Dick Mann.

 

 

(J'ai eu la chance d'assister à cette course où j'ai vu Philippe et Marc (son copain concessionnaire Honda à Toulouse) prendre un plaisir énorme au guidon de cette moto, avec pour unique but de terminer. Ce fut pour moi un très beau moment. En outre, j'étais heureux de retrouver le circuit du Castellet où j'avais assisté en 1981, à la première victoire de Dominique Sarron et Jean Claude Jaubert au Bol d'Or au guidon de la Honda RCB 1000.)

 

 

 

-Quelles sont les motos que tu as préférées dans la gamme Honda?

Il n'y en a pas vraiment. Je me souviens avoir détesté la Honda CX 500 quand elle est arrivée sur le marché! (Là, les bras m'en sont tombés. Cette moto m'a tellement marqué, audacieuse, différente, moderne. En même temps, j'ai le souvenir de ce que m'avait dit mon ami Richard, qui était mécano Honda à l'époque. Il avait été invité sur le circuit de Nogaro où la nouvelle CX 500 était présentée. Il avait eu une réaction de rejet et les Japonais présents avaient été offusqués. Après avoir fait quelque tours de circuit, il avait quand même vu que la moto était plutôt réussie....).

La 750 Four a été une moto importante mais, personnellement, elle ne m'a pas vraiment marqué. Quand je l'ai découverte, elle était au milieu d'autres motos. En fait, je n'ai jamais idéalisé les motos; l'important pour moi est ce que j'ai pu faire avec elles.

 

-Comment vois-tu l'évolution de ton métier? 

J'ai eu la chance d'être là au moment de l'âge d'or de la moto. Chez les concessionnaires, il n'y en a pas beaucoup qui ont eu cette fenêtre. Aujourd'hui, il faut 500 000 euros de cash pour se lancer. Les concessions sont rachetées par les anciens concessionnaires automobiles.

Les marges sont de plus en plus faibles et la pression de la maison mère s'accentue. Ce n'est pas propre à Honda, c'est la tendance actuelle.

Honda France n'a plus la main, c'est une décision de Honda Japon au niveau des chiffres imposés. Cela impose de faire du forcing auprès des clients; en gros, il faut vraiment se bouger pour faire tourner une concession!

 

-Tu me dis que tu n'as pas été marqué par une moto particulière, mais j'ai l'impression qu'il y en a quelques-unes qui traînent dans ton grenier. Je peux les voir? 

(Nous faisons un petit tour dans l'antre de Philippe. Au rez-de-chaussée, il y a des Honda, mais elles ont l'inconvénient pour moi d'avoir quatre roues(!). Quoique, la petite rouge, bien cachée sous sa bâche, est fichtrement séduisante avec sa zone rouge à 8500 tours/minute, qui semble promettre bien du plaisir....)

 

(Au dessus, après avoir soulevé une trappe en bois, il y a du beau monde.)

 

 

(Philippe intervient pour me parler de cette Honda de compétition). 

Comme souvent, la rencontre avec cette moto a été un hasard, une opportunité que j'ai saisie. C'est un copain qui m'avait dit avoir vu cette moto lors d'une bourse d'échange moto dans le Gers. C'était un antiquaire de Bordeaux qui la possédait. Elle était le résultat d'un troc avec un concessionnaire Honda de Paris qui était passionné par les armes de collection. Il avait échangé cette moto ayant appartenu à Jacques Bolle contre un vieux fusil! Cette moto était la première compétition client de Honda; elle était équipée d'un moteur de Honda Elsinore de cross. Jacques Bolle n'avait fait que trois courses avec (Le Mans, Berdery et Nogaro) car elle n'était pas assez compétitive face aux Morbidelli 125 de l'époque.

J'ai récupéré la moto en 1998 avec un sérieux lot de pièces qui représentait le volume de cette Honda. J'ai pu tourner avec elle à Nogaro et à Pau-Arnos où elle passait le pif-paf à fond. Un rail!

 

(Personnellement, j'ai un faible pour la petite blanche....)

 

 -La moto qui me séduit le plus actuellement, n’est pas puissante, ni prestigieuse, mais elle reflète pas mal de détails qui animent mon esprit.
Cette HONDA de 1962 est une 305 DREAM . Elle est venue vers moi sans que je m’y intéresse. Un client bien connu dans notre petite ville de Tarbes pour sa passion des mécaniques anciennes est venu, un jour me trouver en me disant : "J’ai récupéré une HONDA ancienne qui arrive des États Unis, viens la voir et si elle t’intéresse".
Je ne connaissais pas ce modèle et au premier abord, je dois dire qu’ elle ne m’a pas fait flasher, la peinture rouge basique à la bombe, pas de selle et un moteur à refaire sans doute.

 

Je l’ai achetée, elle avait servi pour caler des Harley en provenance des USA dans un container. Patrice me donna le téléphone du propriétaire pour faire les papiers. Lors de cet appel, j’appris un peu l’histoire de ce modèle,non importé, nom de code CA77 Touring Early. Les premières étaient importées uniquement au pays du dollar en 60 . Ce monsieur qui se trouvait à Auch m’expliqua que ce modèle était iconique.
Et de m’expliquer que Soïchiro Honda avait apporté une attention très particulière à ce modèle qui allait être distribué seulement aux States. Son look particulier, shin style ou style pagode rappelle les temples Shintoïstes. Le génie japonais partait à la conquête du monde et pour lui le monde, c’étaient les États Unis d’Amérique. Si tu vends aux USA, tu vends partout, pas facile pour un Japonais, seulement 10 ans après Hiroshima.



A la découverte de petits détails, je regardais ma Dream d’un autre œil. Après quelques recherches, je remarquai pas mal de choses très intéressantes qui m’avaient échappées. Elles font partie de l’Histoire Honda, la qualité des matières premières utilisées, les solutions techniques avec un vilebrequin monté sur rouleaux, des échappements inox, un démarreur électrique pour le confort du pilote. Pas de fuite d’huile et fiable à l’extrême... tout était d’origine sur cette moto qui avait un peu plus de 13000 miles, sauf le pneu arrière. Je roule toujours avec le pneu avant un Nitto 77 de 62 ... bien sûr, sans attaquer. J’ai trouvé la selle sur EBay et, après une peinture complète blanche d’origine, la voilà prête pour de nouvelles aventures, cette fois sur le vieux continent. Le moteur, après un simple nettoyage du carburateur , s’était mis à ronronner comme à ses premiers jours, sans même changer les bougies, uniquement la batterie.

Une fois de plus, je n’avais rien forcé, elle était venue vers moi...

J’ai eu pas mal de rêves dans ma vie qui se sont transformés en projets et j’ai réussi à en réaliser quelques uns. Mais je n’ai en définitive jamais rien forcé. Une de mes devises favorites : si cela doit se faire, ça se fera.

 

 

 

  J'ai passé quelques heures très agréables avec Philippe à revivre, à travers ses souvenirs, un peu de l'histoire de la moto, sous un prisme différent du mien. Comme il me l'a dit: "Chaque course d'endurance est une aventure différente, des rencontres avec de nouvelles péripéties, des montées d'adrénaline et le dépassement de toutes les femmes et de tous les hommes qui y participent. C'est existant et effrayant à la fois. Quand tu es parti au Pakistan, tu devais ressentir quelque chose de proche, non? Et comme les voyages, tu en reviens à chaque fois un peu différent.

En l'écoutant, j'ai pris encore plus conscience qu'il y a de multiples façons de vivre sa passion pour la moto.

Je laisse à Philippe le mot de la fin. 

-Dans ma carrière, j'ai toujours été inspiré par des détails qui ont déclenché des actions qui m'ont surpris moi-même. Ou alors des détails qui ont donné un sens à mes actions. J'aime beaucoup cette phrase prononcée par Soïchiro Honda: "La valeur de la vie ne peut se mesurer que par le nombre de fois où l'on a éprouvé une passion ou une émotion profonde".

50 ans séparent ma naissance de celle de Soïchiro HONDA. Ces 50 ans auxquels je pense assez souvent, ont motivé quelques-unes de mes aventures. 50 ans, c’est un jubilé.... et jusqu’au mot jubilation, il n’y a qu’un pas. Et la jubilation, c’est le nom que donne nos voisins Espagnols à la retraite. Pas facile, quand on fait de sa passion son métier....

Pour finir, le plaisir qui le mien est de voir aujourd’hui mon grand fils Sébastien reprendre les rênes de l’entreprise familiale. Cela me fait chaud au cœur, même si ce métier n’est pas simple au quotidien, surtout après le COVID-19 que nous vivons.

Après 25 ans à mes côtés, il est armé pour relever ce nouveau défi. Je suis fier de lui avoir transmis quelques valeurs et je sais combien il est apprécié par un très grand nombre de nos clients. Ainsi, l’histoire va continuer ,un peu comme celles de mes grands-parents qui avaient transmis leur ferme à un de leurs enfants, et cet esprit traditionnel ne plait énormément. Que l’aile Honda ,symbole de la victoire, flotte encore longtemps dans le ciel Pyrénéen.