Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

Balade jusqu'à la vallée de l'Ubaye sur un tempo oléopneumatique

 

La retraite présente un gros avantage, le temps. Soudain, son quotidien n'est plus rythmé par un travail dont l'exécution quotidienne génère fatigue et raccourcissement du temps disponible. 

 

Comme l'an dernier, j'ai décidé d'aller à Barcelonnette. Mais, cette fois-ci, nul besoin de poser des congés, je peux partir quand bon me semble. Trois jours me semblent être un bon choix pour les 700 kilomètres à parcourir d'autant que mon itinéraire n'a pas opté pour le chemin le plus court…

 

 

 

Exit les grands axes, place aux départementales et vicinales, celles où il n'y a pas ou peu de zones commerciales hideuses, de ronds-points à n'en plus finir et accessoirement quelques radars dans les zones les moins dangereuses.

 

Première étape jusqu'en Dordogne où j'évite dès la sortie de Tarbes la ligne droite jusqu'à Rabastens de Bigorre et c'est ainsi que va fonctionner toute la journée. Au total, 350 kilomètres à traverser au pas des villages ; les bois, je ne les aperçois pas de loin, je les traverse quand la route se fait plus sombre. Terrain varié, comme j'aime, avec des virages à n'en plus finir, des revêtements bosselés, des dénivelés. Aucun ennui dans un tel environnement. J'en suis si proche que je finis par ne plus en être un spectateur mais un acteur. Je peux voir l'émerveillement du pitchoun à la vue de ma moto, le signe approbateur du monsieur sur le seuil de sa porte.

 

 

Parfois, je prends une route qui, j'espère, va me mener là où je veux aller aujourd'hui. A l'instinct, en me fiant au soleil. Cela fonctionne et c'est jouissif. Je sais qu'un GPS m'aurait guidé avec moins d'incertitude mais j'aurais passé trop de temps à le surveiller et me serais détaché de tout ce qui m'entourait. J'ai aimé cette route parfois incertaine mais dont il se dégageait une certaine poésie. J'ai admiré de belles bâtisses, longé des vignes, des champs d'arbres fruitiers. Parfois, sur un promontoire rocheux, un village fier se détachait et je suis enfin arrivé dans un hameau de Dordogne pour y passer une paisible nuit.

 

 

Le deuxième jour, au matin, je longe la Dordogne. Après Souillac, je rejoins Clermont Ferrand. La route s'élève, le froid s'installe. Je branche les poignées chauffantes. Je fais une halte à Thiers, non pas pour y acheter un couteau, mais pour rendre visite à MotoVox, le spécialiste des Voxan. Rencontre intéressante avec Antoine Pacheco qui me replonge dans le monde de cette moto française qui m'a tant fait rêver.

 

Enfin, pour terminer, l'étape du jour, je poursuis ma route jusqu'à Roanne. Je conviens que cela ne me rapproche pas de Barcelonnette mais c'est l'occasion de revoir Jan Jac qui cumule les qualités en sa qualité de possesseur d'une Honda CB 500 X qui plus est munie d'un amortisseur Fournalès, de roule toujours qui va m'accompagner demain et de possesseur d'une rare BFG 1300. Malgré la fatigue et une route mouillée, je finis par céder à sa proposition d'en prendre le guidon. Un moment unique.

 

 

 

Troisième jour de route. Une expérience nouvelle pour moi car je vais me laisser guider par mon compagnon de route et son GPS. Et cela se révèle très agréable. L'avantage, c'est que l'on ne s'arrête jamais pour regarder sa carte ou demander son chemin. Nous roulons donc, ça tournicote tant et plus, pour mon plus grand plaisir.

 

Suivre Jan Jac est instructif sur notre manière de conduire. Son rythme est similaire au mien mais il sollicite différemment le moteur et ses trajectoires ne sont pas les mêmes. Mes nouveaux pneus moins routiers me permettent de garder la corde en toutes circonstances.

 

Les paysages sont beaux et la traversée du Vercors est un bon moment dans cette journée de rêve qui nous emmène à Barcelonnette vers 17 heures. 8 heures de route où seul le plaisir a eu droit de cité. Vive la moto !

 

Et, comme le dit Jan Jac, pas besoin de plus gros. Moins de 50 chevaux, peut-être, mais un vrai plaisir à piloter des motos aussi équilibrées. Quant à la consommation, 2,72 litres aux 100 pour ce qui me concerne, cela ne peut que donner le sourire. D'ailleurs, j'ai noté une baisse de celle-ci depuis le début de l'été. C'est devenu systématique, une consommation en dessous des 3 litres. J'avais d'abord mis cela sur le compte de la chaleur mais cette constante depuis plus de 2 mois provient peut-être d'un moteur au meilleur de sa forme après un rodage soigneux et une utilisation respectueuse de la mécanique.

 

 

Vendredi matin, il y a déjà énormément de monde pour cet évènement dédié au voyage à moto. Mais, il règne dans cette petite ville de montagne une atmosphère paisible. Les gens du cru sont accueillants et les motards calmes, juste heureux d'être là.

 

 

Il y a de multiples possibilités d'essais de motos avec beaucoup de constructeurs présents. Dans un tel cadre, j'aurais tort de m'en priver. Je commence par la Moto Morini X-Cape 649, une moto au nom bien italien, mais très chinoise, hélas, depuis plusieurs années. Personnellement, je ne pourrais pas participer au développement d'une entreprise chinoise en faisant un tel achat quand je vois les actes du gouvernement de cette immense pays. Mais aujourd'hui, j'ai juste envie de vérifier les qualités de cette moto de moyenne cylindrée. Bilan positif que je détaillerai rapidement dans un article consacré à cette moto.

 

 

 

 

Une heure plus tard, c'est au tour de la Royal Enfield Himalayan. Je sais pertinemment que cette moto ne pourrait me convenir mais je lui trouve un tel charme que je ne peux m'empêcher de faire un tour avec. Mon pressentiment était justifié et j'en dirai un peu plus dans mon essai.

 

 

 

C'est déjà le début d'après-midi et je vois arriver Jean-Pierre Fournalès accompagné du jeune Killian qui s'occupe de l'implantation de l'entreprise aux Etats-Unis ainsi que de Sylvie et Jean-Pierre, deux possesseurs de KTM 390 Adventure équipées d'un amortisseur de la marque. Deux autres motos ainsi équipées ont été amenées, une Ténéré 700 et une BMW 1250 GS. Car le but est de pouvoir faire essayer les machines. Ma machine rejoint ses copines motos sous l'auvent.

 

 

Le passage régulier des motards me conforte dans mes sentiments. Il y a les anciens qui connaissaient bien la marque et qui ont possédé de tels amortisseurs mais qui pensaient qu'elle avait plus ou moins disparu et les jeunes qui la découvrent. La présence dans un tel évènement paraît nécessaire pour montrer au public son existence et sa volonté de poursuivre son développement.

 

Certains ont envie d'essayer les motos et il est intéressant d'entendre les réactions au retour. «  Je trouvais ça mou au départ mais, en fait, c'est très bien amorti » « Bluffant ! » « Impressionnant ! ». Les avis sont assez dithyrambiques. L'examen de l'amortisseur permet de constater sa légèreté en l'absence de ressort métallique (remplacé par un ressort pneumatique).

 

Et les discussions avec les utilisateurs réguliers (Sylvie, Jean-Pierre et moi-même) sont l'occasion de leur indiquer les caractéristiques de cet amortisseur hydropneumatique. Personnellement, ce sont les qualités de l'amortisseur qui concilie confort et rigueur de comportement auxquelles se rajoute une fiabilité hors pair. Les motards rencontrés ont paru intéressés par cette faculté de maintenir une assiette constante, donc sans modifier l'angle de chasse, lorsque l'on roule chargé. Il suffit de rajouter quelques bars dans l'amortisseur pour cela.

 

J'ai la très bonne surprise de voir plusieurs lecteurs de mon site venir me dire bonjour et discuter. Ce qui me fait plaisir, c'est de voir beaucoup de jeunes qui se révèlent avoir les mêmes rêves que moi à leur âge, avec une envie très forte de rouler, loin et longtemps.

 

 

 

 

 

Samedi matin, je retrouve Patrick Boisvert, le rédacteur en chef de la revue Trail Adventure dont je suis un fidèle lecteur depuis de nombreuses années. Je fais en outre quelques piges pour elle depuis l'an dernier dans la rubrique Flash Back consacrée aux vieux trails.

 

« Je dois aller faire l'essai d'une Suzuki V-Strom 650 préparée et je devais être accompagné par quelqu'un pour l'essai de la Voge 300 Rally. La personne n'est pas là, est-ce que tu pourrais m'accompagner ? ». Que croyez-vous que j'ai répondu à une telle demande ? J'ai évité de sauter de joie pour ne pas me cogner à l'armature de l'auvent et j'ai pris mon casque...

 

L'article sur cette moto sera dans le prochain Trail Adventure mais je peux d'ores et déjà dire que les Chinois ont bien progressé! Quatre heures plus tard, je rends à regret la moto et poursuit les belles rencontres sous l'auvent Fournalès dans une ambiance chaleureuse. La fin de journée est là. Nous prenons les motos pour rejoindre la station de Pra Loup, dix kilomètres plus haut où nous logeons. Pas besoin de vous dire que c'est beaucoup mieux que de prendre le périphérique parisien en rentrant du boulot. Cerise sur le gâteau, les montagnes rayonnent sous les rayons du soleil couchant et le restaurant cumule plats savoureux et accueil chaleureux.

 

 

Dimanche, déjà. L'auvent Fournalès continue à recevoir régulièrement les motards intéressés. Je réalise que j'ai très brièvement visité le village où sont installés tous les stands. J'ai quand même pu me rendre compte que, comparée à l'année dernière, l'édition 2022 a augmenté très sensiblement le nombre de participants. Et tout se déroule dans un calme étonnant malgré la foule et les essais permanents de motos organisés par de nombreuses marques. L'organisation de cet évènement est vraiment sans faille. On trouve beaucoup d'équipementiers et ce salon à ciel ouvert dans un cadre magnifique mérite d'être visité. Le soleil permanent nous a en outre accompagné durant ces trois jours. Que du bonheur !

 

 

C'est l'heure du départ. Jean-Pierre Fournalès a le sourire. Je crois qu'il ne regrette pas d'être venu. Et je l'ai senti plein d'énergie pour mettre au point de nouveaux amortisseurs destinés aux trails modernes (KTM 890 Adventure pour commencer)  , mais aussi, semble-t-il, à la nouvelle et réussie Honda NT 1100.

 

A 15 heures, je commence mon étape du jour par le franchissement d'un col. Il y a pire comme épreuve. Je rejoins ainsi Grasse par de belles routes qui me permettent de poursuivre le rodage de mes nouveaux pneus Anakee Adventure.

 

Comme je lai dit à Jean-Pierre, mon amortisseur, qui vient de franchir le cap des 50 000 kilomètres, me semble fonctionner mieux que jamais. Cela ne l'a pas étonné. Dire que l'amortisseur d'origine commençait à donner des signes de fatigue à 34 000 kilomètres... 

 

 

 

Une belle soirée et une petite nuit dans la capitale du parfum et c'est un nouveau départ. Je commence par les gorges du Verdon, belle entrée en matière pour une journée qui se révèle superbe et variée. Je franchis pour la première fois le mont Ventoux et me pose à Alès pour un repos bien mérité après ces centaines (milliers?) de virages.

 

 

 

 

Il a plu cette nuit et c'est sur une route mouillée que je me dirige vers les Cévennes. Je me retrouve sur une route très étroite, dans la brume, sous le charme d'une atmosphère mystérieuse. Attaque interdite dans un tel lieu, sauf pour les candidats au suicide. Puis la route s'élargit, le revêtement s'assèche, mes mises sur l'angle se font plus volontaires.

 

 

J'aime quand arrive ce moment où tout mon être fait corps avec ma moto et son environnement. J'ai alors l'impression que mes pneus ont gagné en adhérence mais je sais qu'elle est dans ma tête, l'adhérence. Gestuelle précise dénuée de toute violence, je dessine de belles trajectoires avec ma moto qui virevolte naturellement. Nul besoin de la forcer. Nous ne formons qu'un et c'est jouissif.

 

 

Le passage des vitesses se fait de la manière la plus douce possible ; j'adore arriver à un tel degré de précision en montant et descendant les rapports. Aucune interruption de rythme, pas le moindre à-coup. Je suis sûr qu'un passager pourrait me penser équipé de la boîte DCT. Le petit coup de gaz au rétrogradage est au bon tempo, ni trop fort, ni trop bas. Je sais que certains trouvent leur plaisir dans les montées en régime, les freinages puissants et les angles prononcés. Pour ma part, quand j'arrive à un tel équilibre entre mes trajectoires et la sollicitation la plus douce et précise de ma moto, que ce soit au niveau du moteur, de la boîte de vitesses ou du freinage, j'atteins mon nirvana. C'est le cas aujourd'hui et cela a duré un long moment. Au point que j'ai un peu oublié l'heure. J'ai compris que la journée allait être un peu plus longue mais j'avais emmagasiné une telle énergie positive à Barcelonnette que j'ai poursuivi mon rythme soutenu jusqu'à Pau. 550 kilomètres de bonheur routier aujourd'hui.

 

 

 

 

Une nuit a passé. Je suis encore dans mon voyage. Court, mais intense avec ses magnifiques petites routes que nous offre la France et où ma moto excelle. En consommation, elle m'a bluffé. 2,72 litres/100, puis 2,81 litres, 3,05 litres le jour du passage au mont Ventoux et….2,56 litres hier. Il y avait eu un début d'étape calme sur les routes étroites et sinueuses des Cévennes mais, par la suite c'était un rythme soutenu avec l'impression d'un vent favorable. Jamais je n'étais descendu aussi bas en consommation. Le fait de rouler toute la journée doit participer à de tels résultats avec un moteur en température tout au long de l'étape mais ce chiffre me laisse sans voix ! A noter que l'ordinateur de bord a été précis sauf dans l'étape du Ventoux où il a exagéré de 30 centilitres.

 

 

 

 

2400 kilomètres ont été parcourus au cours de ces huit jours. Ce fut un réel bonheur de se laisser porter par ces itinéraires éloignés des grands axes et de la circulation. Par moment, j'avais presque l'impression d'être seul sur certaines portions. La France est très belle, il suffit de bien choisir son parcours pour s'en rendre compte.