Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

Voxan VX 10, l'éphémère

Index de l'article

J’ai un attachement particulier pour cette moto française.



Parce qu’elle a été construite par Voxan, le seul fabricant de motos routières.

Parce que j’ai suivi , pas à pas, la naissance de cette nouvelle marque à la fin des années 1990.

Parce qu’elle aurait pu, d’après moi, permettre à Voxan de ne pas disparaître, seule réelle nouveauté depuis trop longtemps.

Parce que j’ai eu la chance, lors d’un rassemblement avec le Voxan Club de France, en Auvergne, de pouvoir l’admirer,  la toucher, la photographier sous toutes ses coutures et que, ce jour là , je m’étais mis à espérer des jours meilleurs pour notre marque nationale dont la vie avait été tout, sauf un long fleuve tranquille.

Parce que j’avais écrit un petit texte illustré par mon neveu Damien, dans lequel je racontais la nuit d’un motard au bord du désespoir qui retrouvait goût à la vie après quelques heures au guidon de sa Néfertiti.

Parce que j’avais commencé à écrire une nouvelle, qui faisait suite aux deux précédentes, dans laquelle, « mon » motard voyageur partait au guidon d’une VX 10 pour s’aventurer, cette fois-ci dans les régions d’Asie.

Parce que, si j’avais été plus riche, j’en aurais acheté une, et j’aurais été fier de rouler à son guidon.

Je l’appelle Néfertiti l’éphémère car j’aimais bien ce premier nom qui lui avait été donné avant sa sortie et parce qu’elle a disparu aussi vite qu’elle était arrivée, une triste journée de mai 2010.

 

Voxan VX 10

Voxan VX 10

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Voxan VX 10

Voxan VX 10

 

 

Voxan VX 10

Voxan VX 10

Voxan VX 10

 


Ici et ailleurs (tome 3) Imprimer éditer

 

 

Il était arrivé tôt, après avoir parcouru les deux heures de route dans un état fébrile. Il s’arrêta devant l’immeuble, respira profondément le petit air frais du matin, pour tenter de calmer les battements de son cœur. Il venait la revoir, avec l’intention d’oser, aujourd’hui, l’aborder franchement, lui faire part de ses sentiments. La semaine dernière, il s’était contenté de l’admirer, de profiter de se présence, brûlant du désir d’aller plus loin, mais paralysé par l’émotion. Etait-il amoureux ?

 

 

Il piétinait sur le trottoir, consultait sa montre régulièrement, partagé entre une délicieuse envie de la retrouver et la peur de ne pas savoir quoi lui dire.

 

Enfin, il l’aperçut en train de sortir ; elle n’était pas seule et il ne put réprimer une pointe de profonde jalousie envers cet homme qui l’accompagnait. Ce dernier, heureusement, regagna l’immeuble, et elle resta seule. Il ne bougea pas, se contenta de l’admirer ; elle était rayonnante, dans sa tenue blanche. Le soleil naissant de ce matin automnal magnifiait sa beauté.

 

Enfin, il se décida à traverser la rue et alla à sa rencontre, les jambes tremblantes. Son regard semblait le transpercer et il s’arrêta tout près d’elle. Il ne sut quoi dire et ne put que continuer à l’admirer en silence. Il s’attarda sur ses douces rondeurs.

Enfin, il mit fin à cette tension palpable et se saisit, dans un geste rempli d’amour, de son poignet …..heu de sa poignée de gaz, plutôt.

 

La belle Néfertiti, comme il l’appelait, ne tressaillit pas, bien campée sur sa béquille. Alors, il l’enfourcha avec délicatesse. Il se sentit instantanément bien sur la selle creusée, dominant du regard ce réservoir ventru. Il saisit à pleines mains le guidon, et actionna le levier d’embrayage ; il était chez lui. Il ne doutait plus. Il resta un long moment, assis sur la moto blanche, les yeux rêveurs.

 

Il ne fit pas attention au concessionnaire qui sortait les motos du magasin ; ce dernier le regarda, visiblement amusé par le comportement de ce client. Il l’avait remarqué, la semaine dernière, faisant le tour de la machine, la détaillant du regard, sans jamais la toucher. Il lui avait proposé de s’installer dessus, d’aller l’essayer.

 

« C’est notre première rencontre, nous avons besoin de faire connaissance, d’abord » lui avait rétorqué cet étrange personnage.

 

Alors, il les avait laissés tous les deux.

 

Aujourd’hui, il comprit que ce motard rêveur était prêt et il lui apporta, avec un sourire complice, les clefs de la belle Néfertiti.

 

« Elle ne demande qu’à rouler. Va faire un tour avec ».

 

Il tourna les talons et les laissa ; il ne voulait pas interrompre la magie de cette rencontre.

 

 

 

 

Chris appuya sur le bouton du démarreur et entreprit de s’équiper pendant que le moteur montait en température.

Il débraya avec une intense émotion et s’éloigna de la concession, sur un filet de gaz. Sa monture n’était que douceur. Comme pour ne pas le brusquer dans cette relation naissante ; elle obéissait, sans brutalité aucune, aux instructions de son pilote. Les virages s’enchaînaient avec précision .

 

Il sut que cette Voxan allait devenir sa compagne de route pour les années à venir. Il n’avait pas besoin de rouler plus ; l’harmonie était totale dans ce moment de conduite. Il se laissa bercer par le bruit feutré du gros V-twin. Il ressentit un désir très fort, de routes sinueuses, de montagnes à franchir, d’arrêts dans des cafés lointains, de rencontres sur le bord des routes, de levers de soleil sous la brume naissante, de voyages au long cours.

 

Le soleil prenait son envol et réchauffait son corps. Il enchaîna une série de virages avec délectation ; Nefertiti s’y inscrivait avec précision, l’emmenant là où son regard l’avait décidé, sans effort apparent.

 

Il oublia les minutes qui s’égrenaient et poursuivit son chemin, le cœur léger.

 

L’horloge d’un clocher le rappela à l’ordre ; cela faisait deux heures qu’il roulait, déjà. Il avait oublié le temps, au guidon de SA monture. Il en était certain, maintenant.

 

Il fit demi-tour après avoir téléphoné au concessionnaire pour s’excuser.

 

La chaleur s’était installée sur cette route départementale. L’instant était propice à tous les rêves et il se mit à énumérer, dans sa tête, les bagages à emporter pour son prochain voyage et à réfléchir au moyen de les transporter sur sa Néfertiti.

 

Un frisson de plaisir le parcourut et il chantonna sous son casque.

 

                                                                         _______

 

Elle était blanche. Il avait choisi cette couleur parce qu’il la trouvait particulièrement belle ainsi, mais aussi, parce qu’elle lui rappelait celle de son Scrambler qui avait brutalement terminé sa vie de moto voyageuse, dans le désert du Sinaï ; il y a quelques mois.

 

Il y a avait déjà une histoire entre cette moto et lui. Il se souvenait de son étonnement lorsque la première photo de cette Voxan sur la chaîne de montage de l’usine était parue ; les deux phares superposés l’avaient choqué. Puis, il avait pu voir la moto terminée et il l’avait trouvée plutôt agréable à regarder.

Peu à peu, son intérêt pour la dernière née de ma marque française avait grandi et il avait eu envie de l’essayer.

 

Ce fut une révélation ; depuis, il lui paraissait évident qu’elle devait être sa prochaine monture et que la suite de son voyage se ferait avec elle.

 

Et, ce jour là, alors que le soleil rasant de cette douce soirée d’automne illuminait les Pyrénées,  il rejoignait, par les petites routes, sa ville natale, au guidon de sa Néfertiti. C’était leur première virée, il roulait doucement, autant pour soigner son rodage que pour prendre le temps de faire connaissance.

 

Il savait qu’elle n’était pas la monture idéale pour effectuer la longue route dont il rêvait, si loin, et si mystérieuse. Depuis des jours, il s’était plongé dans le lecture de « L’usage du monde », récit magnifique d’un voyage en Asie.  Son cœur battait très fort au fur et à mesure qu’il découvrait, à travers la belle écriture de Nicolas Bouvier les paysages, les hommes et femmes, l’atmosphère, surtout, de ces contrées .

Il était déjà là bas, il s’en rendait compte quand  son esprit décrochait d’une conversation avec ses parents, ses amis.  Il s’imaginait fouler le sol de Turquie, franchir les montagnes pour arriver en Iran, traverser le désert du Balouchistan et pénétrer en Inde, ce pays fascinant qui avait inspiré tant d’écrivains.

 

Aujourd’hui, il se laissait bercer par le grondement sourd du V-twin qui ronronnait aux alentours des 3000 tours minute.  Il se sentait bien dessus, encastré dans la selle, le regard surplombant ce réservoir  dont l’aspect ventru avait quelque chose de rassurant.

Il avait des doutes sur les possibilités de chargement de sa moto, mais la perspective de devoir partir avec le minimum de bagages n’était pas pour lui déplaire ; il avait pu constater combien il était facile de vivre avec peu.

 

Le froid s’installa dans la campagne alors que le soleil disparaissait derrière les montagnes. Il pensa aux poignées chauffantes, aux manchons à installer ; il savait qu’il  allait rencontrer des climats rigoureux.

 

Qu’il était doux, ce bonheur naissant aux portes d’un nouveau voyage.

 

 

 

                                                                                      _______ 

 

 

La pierre était rugueuse et froide sous ses doigts. Il les fit glisser jusqu’à la douce bande de mousse qui avait élu domicile sur ce rocher de granit.

Il n’avait fait que quelques pas pour s’éloigner de la route déserte et s’asseoir au milieu de la lande bretonne.

Il aimait ces endroits qui semblaient avoir échappé à la main mise de l’homme, dans lesquels la nature et elle seule avait le droit de s’exprimer.

 

La température était basse et le vent accentuait l’impression de froid. Chris ajusta son écharpe .

Au loin, les cris plaintifs des grues lui parvinrent ; il leva les yeux au ciel et aperçut le groupe d’oiseaux,  disposé en V, qui se dirigeait vers le sud pour échapper à l’arrivée de l’hiver.

 

Il respira profondément en fermant les yeux. Il se sentait gagné par un sentiment mêlé d’excitation et de calme Son cœur battait très fort à l’approche de ce départ imminent et, en même temps, il était serein. La semaine qu’il venait de passer à Paris avait été fructueuse ; son passeport s’était garni de quelques visas, sésame indispensable pour franchir certaines frontières. Maintenant, son voyage ne dépendait plus que de sa volonté et il en était rempli.

 

Hier, un séjour dans la ville de Caudan avait parachevé sa préparation. Il s’était rendu chez ce luthier passionné et lui  avait acheté un accordéon, pour remplacer le sien.

Touptit était son nom et il l’avait justement choisi pour ses dimensions réduites car les capacités de chargement de sa Voxan étaient limitées . Il aurait accepté de se passer d’une tente, mais pas de son instrument de musique.

 

Néfertiti reposait sur sa béquille latérale. Elle commençait à devenir sienne, cette moto, après avoir parcouru quelques milliers de kilomètres sur les routes françaises. Sa sacoche de réservoir, ses manchons, ses sacoches cavalières l’habillaient ; il avait toujours aimé ses motos en tenue de voyageuse parce que, justement, elles promettaient des terres inconnues, des rencontres futures. La merveilleuse incertitude du voyage. Il resta un long moment à rêver de ce jour prochain où il larguerait, une nouvelle fois les amarres .

 

 

Voxan Néfertiti Lande bretonne

 

 

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Il jeta un dernier coup d’œil à sa chambre avant d’en refermer la porte. Elle avait été le témoin privilégié de son enfance, elle était remplie de cette période de sa vie qui l’avait construit. C’est là que, inconsciemment, il avait nourri ses futures envies de voyage à travers les livres, les récits, les atlas géographiques.

Il passa en revue les objets qui habillaient la pièce ; la  Peugeot 504 miniature bleue, rare voiture qu’il avait su conserver en bon état, les photos en noir et blanc, encadrées, souvenir de sa passion naissante pour la photo lors de son adolescence, sa petite bibliothèque dans laquelle on trouvait encore la collection de la bibliothèque verte avec le Club de Cinq et Les six compagnons ou quelques Jules Verne. Il se fit violence pour quitter l’endroit de son enfance.

Il descendit lentement les marches qui craquèrent sous son passage. Sa moto était posée sur sa béquille latérale, chargée, fin prête.

Le jour déclinait. A travers la porte du garage, il entendait la rue s’animer. C’était l’heure de sortie des ouvriers de l’usine proche.

Il fit abstraction de la nuit naissante, du froid qui s’installait. Il enfila méthodiquement ses vêtements, avec une application totale pour s’empêcher de trop penser.

Il essaya d’évacuer ce sentiment qu’il quittait définitivement cet endroit, que son voyage serait sans retour. Mais, sans relâche, il emplissait son cerveau. Seule la route pouvait le libérer de ce vertige qui le gagnait.

 

Puisqu’il était prêt, autant y aller. De toute façon, il se sentait incapable de fermer l’œil au cours de la prochaine nuit.

Néfertiti chauffait doucement devant la maison familiale ; la fumée qui sortait des pots s’évanouissait dans la rue. Chris fit une dernière fois le tour de sa monture. La sacoche de réservoir, les deux cavalières et le chargement, juste derrière lui, à la place du passager, tout l’espace était occupé. Il s’installa aux commandes, le cœur serré. Qu’ils étaient durs, ces moments qui précédaient le départ !

 

Il parcourut les premiers mètres avec fébrilité. Il se retrouva au milieu de la circulation alors qu’il traversait sa ville. Les fêtes de fin d’année se rapprochaient et les devantures des magasins brillaient de mille feux. Il parcourut au pas la rue principale, conscient du décalage existant entre ces personnes préparant le futur réveillon et ce motard  solitaire à l’entame d’un grand voyage.

La nuit noire le surprit dès que les lumières de la ville s’éloignèrent de son champ de vision. Quelques étoiles commençaient à percer le ciel. Il brancha les poignées chauffantes, bénit les manchons qui servaient de rempart contre le froid vif de ce mois de décembre. Le double phare de sa moto lui ouvrait la route. Il distinguait, au loin, les montagnes qu’il allait longer une partie de la nuit ; leur présence le rassurait.

La longue ligne droite s’acheva pour franchir les premiers coteaux qui surplombaient la ville ; il plongea avec douceur sa moto dans la première courbe à gauche, suivie d’un virage plus serré, à droite ; il descendit deux rapports, le moteur renvoya le son grave des deux pots dans la forêt avoisinante ; Chris actionna la, poignée de gaz pour relancer l’équipage dans le long gauche qui allait suivre. Il la connaissait par cœur, cette montée, maintes fois empruntée, et aujourd’hui, il lui faisait en quelque sorte ses adieux. Il s’appliqua donc à enchaîner le plus proprement possible la série de virages, en soignant ses trajectoires. En même temps, il prenait la mesure de sa moto, avec son chargement. Il savait qu'il lui faudrait quelques centaines de kilomètres pour oublier le poids supplémentaire qu’elle transportait. Il n’était pas pressé, son périple ne faisait que commencer.

Peu à peu, il cessa de ruminer les sombres pensées du départ ; seul importait le moment présent : la nuit, les phares de sa moto pour le guider, la route.

«  Si tout va bien, je devrais pouvoir apporter les croissants à  Maud pour son petit déjeuner » pensa-t-il en souriant sous son casque.

 

 

                                                                _______

 

 

 

La route défilait, le soleil hivernal tentait en vain de réchauffer son corps mais il ne ressentait pas la morsure du froid matinal alors qu’il longeait le magnifique lac de Garde.

Il avait retrouvé le nomadisme qu’il aimait tant, avec le sentiment de liberté qui l’accompagnait.

Il y a une semaine, il était dans le Lubéron, en compagnie de Maud, aujourd’hui, il lisait les panneaux en Italien et composait avec la circulation un peu plus débridée qu’en France ; ce soir, il ne savait pas où il dormirait. Il avait abandonné son idée première d’embarquer sur le bateau en partance pour la Turquie.  Ces trois jours de mer avant d’entamer son voyage ne l’enchantaient guère. La peur de l’ennui et l’envie d’être dans l’action avaient pris le dessus ; il se dirigeait maintenant vers l’Autriche, avec l’intention d’ aller en Roumanie. Le souvenir de sa rencontre avec ce Roumain si chaleureux, entre la Libye et l’Egypte l’avait convaincu de visiter son pays. En outre, ce qu’il aimait dans le voyage, c’était cette lenteur propice aux rencontres, cette progressivité dans  son parcours. Il lui paraissait trop brutal de passer directement du monde moderne et parfois étouffant de l’Italie à celui plus oriental de la Turquie. Il avait besoin de temps pour que son esprit s’immerge dans ce long périple ; il n’enviait pas les voyageurs qui, après quelques heures d’avion, se retrouvaient plongés brutalement dans un monde nouveau. Il avait du temps, beaucoup de temps devant lui et il avait envie, pas à pas, de découvrir cette Terre dont il ne connaissait qu’une infime partie.

 

Il y a deux jours, il avait fait une halte à Bologne, dans l’usine Ducati. Il s’était souvenu que, dix ans auparavant, sa revue de moto favorite avait rendu visite au constructeur italien à l’occasion de la sortie de la première Voxan Roadster. Il avait tenu, à sa manière, à fêter les premiers tours de roues de celle qui lui succédait, la VX 10. Son arrivée dans l’enceinte de l’usine avait été remarquée et il avait du répondre à de nombreuses questions de la part du personnel dont la passion pour la moto transpirait à travers leurs paroles. Il s’était senti le porte parole de sa marque nationale à la santé fragile mais qu’il aimait tant. Il avait ressenti de la fierté en voyant les salariés de l’usine détailler sa Néfertiti. La Ducati avait son cadre treillis pour elle, mais celui de la Voxan, qui alliait efficacité et discrétion était particulièrement réussi, mettant en valeur ce moteur imposant qui attirait immanquablement le regard ; il savait, en outre, que la Monster aurait pu avoir un amortisseur horizontal sous le moteur, comme sa Voxan, mais que cela avait été rendu impossible pour des raisons d’architecture moteur. Bref, quand il  avait quitté ce haut lieu de la moto en Italie, une envie de chanter sous son casque l’avait gagné. 

 

 

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Il referma ses doigts sur la passeport que le douanier lui rendit avec un coup de tampon supplémentaire. Maintenant, il avait hâte de franchir la barrière avec sa moto et de pénétrer dans ce nouveau pays. Les jours qui venaient de s'écouler avaient été décevants. Il s’était senti très seul sur sa Voxan. Il n’avait pas fait de rencontres, n’avait pas eu droit à des sourires, à des questions sur son voyage. Non, il n’avait ressenti que de l’indifférence de la part des Autrichiens et des Hongrois dont il avait croisé le chemin.

Alors, par dépit, il avait roulé, des journées entières, en essayant de trouver un peu de plaisir au cours de ces longues étapes solitaires.

 

 Clock ! Clock ! La fourche manifesta sa réprobation alors que Chris n’avait pu éviter le trou dans la chaussée . Il faut dire qu’il avait de quoi s’occuper depuis ce matin sur cette route défoncée. Il croisait, de temps en temps, une voiture délabrée qui finissait de s’user au gré des multiples obstacles.
La route s’enfonçait dans d’immenses forêts. De temps en temps, il traversait des villages aux maisons de bois brut d’une grande tristesse. Aucune teinte colorée ne venait apporter une touche de gaieté dans ces villages qu’il traversait depuis deux jours. Cela lui rappelait, dans un autre cadre,  les villages libyens parfois lugubres. Cela participait sûrement à ce sentiment de malaise qui s’était installé en lui. Les Roumains qu’il avait côtoyés n’avaient pas dissipé cette impression ; il le trouvait triste, ce pays et il était en train de regretter son choix de le traverser.

La forêt se fit plus dense et  la route sinueuse sembla chercher son chemin au milieu des arbres touffus. Il diminua encore l’allure afin de pas se laisser surprendre par les innombrables trous qui parsemaient ce qui avait du être, il y a bien longtemps, un ruban de bitume bien lisse.
Soudain, sa moto se mit à gigoter et il ne comprit pas tout se suite qu’il avait crevé tant les inégalités de la route rendaient la conduite imprécise.
« Il ne manquait plus que ça ! » grommela-t-il, sous son casque en s’arrêtant.
Il examina le pneu arrière, entaillé profondément par un vieux clou rouillé. Sans béquille centrale, la réparation s’avérait compliquée et l’endroit paraissait très éloigné de toute habitation. Il était en colère, non pas du fait de cette péripétie de voyage, mais parce que, depuis des jours,  il n’éprouvait pas de réel plaisir. Des rencontres brèves et au bord de l’indifférence, une météo humide et froide, des étapes dans des chambres d’hôtels sans âme. L’Autriche et la Hongrie ne lui laissèrent pas de souvenirs impérissables et la Roumanie dont il attendait tant ne lui apportait pas la plaisir escompté.

Tout en ruminant ses sombres pensées, il entreprit de décharger les bagages, puis partit à la recherche d’une grosse pierre pouvant faire office de support afin de démonter la roue arrière de Néfertiti.

 

Il fit quelques pas dans le bois, remarqua le froid qui y régnait.

 

Un ruisseau faisait son chemin entre les rochers ..........