L'année 1993 est à marquer d'une pierre blanche chez BMW. Contre toute attente, le constructeur allemand arriva sur le marché avec un trail équipé d'un nouveau moteur monocylindre et démuni du cardan qui était sa marque de fabrique.
Pour mieux comprendre la révolution que représentait l'arrivée de cette F 650, il convient de se remettre dans le contexte de l'époque. BMW, c'était ce constructeur qui produisait depuis 1923 un bicylindre à plat dont la puissance était transmise à la roue arrière par un cardan.

Beaucoup moins connue, il y avait eu également une 250 bâtie sur le même moule dont la production avait cessé en 1966.

Enfin, dans les années 80, une nouvelle génération de moteurs à trois et quatre cylindres à plat avait vu le jour destinée à des motos exclusivement routières.


Un créneau nouveau était ciblé, celui du trail. Bien sûr, les plus anciens d'entre nous se souviennent de la R 80 G/S arrivée en 1984 directement inspirée des BMW du Paris Dakar mais celle-ci avait conservé les spécificités de la marque et elle n'était pas à la portée de toutes les bourses.

Avec la F 650, BMW s'attaquait à un créneau où la concurrence essentiellement japonaise excellait depuis de nombreuses années. Dans la conception d'une moto, le moteur est l'élément qui nécessite le plus gros investissement. Afin d'en limiter le coût, BMW avait passé un accord avec Aprilia (la moto sera d'ailleurs construite sur la chaîne de montage italienne) et les deux constructeurs avaient confié la réalisation du moteur à Rotax (avec un haut moteur muni de 5 soupapes pour Aprilia et 4 soupapes pour BMW).
L'arrivée de cette BMW coïncida avec une évolution en cours dans le milieu du trail. Ce dernier perdait peu à peu son orientation tout-terrain pour se diriger vers une plus grande polyvalence privilégiant les qualités routières et un certain confort.
Orientation routière affirmée
La F 650 s'immisça dans cette tendance. La présence d'une roue de 19 pouces à la place de la 21 pouces équipant la majorité des trails annonçait la couleur. L'habillage de l'avant qui unissait le carénage et le réservoir, des débattements de suspensions et une hauteur de selle raisonnables, la présence d'une béquille centrale optionnelle (en équipement d'origine dès 1996) et l'absence des soufflets de fourche confirmaient l'orientation routière de ce modèle. BMW visait la clientèle venant des Honda Transalp et Dominator, Kawasaki KLE 500.
La volonté de toucher une nouvelle catégorie de motards était réelle: ainsi, BMW proposait de rabaisser la moto avec le remplacement des biellettes de suspensions et fut un des premiers constructeurs à introduire une machine conforme à la réglementation qui obligeait les jeunes de moins de 21 ans à rouler pendant 2 ans sur une machine de 34 chevaux maximum (la F 650 existait en version bridée).
Elle sera produite pendant 6 ans et se verra adjoindre en 1997 un modèle plus routier, la F 650 Strada équipée d'une roue avant de 18 pouces et avec un débattement moindre de l'amortisseur.
On peut parler de réussite car 64 000 exemplaires furent produits pendant cette période. Le chemin était tracé pour le constructeur allemand qui poursuivra sa collaboration avec Rotax (mais sans Aprilia) avec un tout nouveau modèle la F 650 GS qui adoptera l'injection, un système d'échappement catalysé et une ABS optionnel ; elle sera au catalogue jusqu'à l'arrivée d'un moteur bicylindre en ligne en 2008. Mais ceci est une autre histoire…
C'est dans la très belle vallée d'Aspe, au village d'Accous, qu'a eu lieu notre rencontre avec cette BMW. Un endroit on ne peut plus adapté aux caractéristiques d'un trail de moyenne cylindrée avec les montagnes proches.




Le premier contact avec la F 650 respire la simplicité. Hauteur de selle raisonnable, position de conduite naturelle, cette moto immédiatement accessible a un coté « Transalp » en s'éloignant des trails orientés tout-terrain.

La moto est discrète, d'autant plus qu'elle n'a pas le coloris rouge pour la mettre en valeur. Le moteur est en grande partie caché par l'habillage, le tableau de bord est également sobre mais lisible, même si je ne suis pas fan du fond blanc. La présence du pot d'échappement en acier inoxydable est un gage de longévité. La preuve, ce dernier est d'origine ! Un porte bagages en aluminium coulé fait partie de l'équipement .





Avec cette moto, BMW avait décidé de s'éloigner de ses habitudes afin de toucher un nouveau public. Pour preuve, les commodos spécifiques de la firme bavaroise n'étaient plus présents. Terminée la commande du clignotant droit à droite du guidon et le gauche de l'autre coté. L'ergonomie était calquée sur celle des motos japonaises pour convenir au plus grand nombre.


Seule petit bémol, la béquille latérale qui se replie automatiquement dès que la moto est relevée peut être source de chute à l'arrêt si l'on n'y prend garde.
Facile et efficace
Démarreur électrique et absence de kick de secours, le début des années 90 voit la disparition progressive de ce petit bout de métal pas toujours évident à manier avec une forte cylindrée unitaire.
Le moteur se réveille dans un bruit discret, la commande d'embrayage est douce et progressive et le sélecteur se révèle précis. Cela change du flat twin de l'époque beaucoup moins prévenant lors des premiers tours de roues...
Sur la route de montagne que nous empruntons, je suis frappé par l'agilité de la machine qui aborde avec naturel les virages les plus serrés ; de même le train avant est précis, rassurant. La roue avant de 19 pouces sera moins adaptée à la pratique du tout-terrain mais, sur la route, elle offre à la moto un comportement très sain.











Même s'ils ne possèdent pas la puissance des freins des motos actuelles, les deux disques avant et arrière permettent des distances d'arrêt satisfaisantes avec en outre un levier et une pédale répondant bien à la pression exercée. Ils participent au bon équilibre général de la F 650 que je prends plaisir à mener sur ce parcours sinueux.

Coté moteur, le monocylindre vous rappelle ses 652 cm³ en vous gratifiant de cognements peu agréables en dessous de 3000 tours/minute sur les rapports supérieurs. A noter que la moto ne possède que 5 vitesses. Mais passé ce régime, le moteur tracte avec une vigueur certaine et il possède une belle allonge, même si les vibrations s'invitent lorsque l'on monte haut dans les tours. A son guidon, on se sent bien armé pour parcourir de grandes distances d'autant plus que la minuscule bulle d'origine a été remplacée sur la moto d'Arnaud par un modèle plus protecteur.

Les suspensions, malgré des débattements relativement limités (170 mm à l'avant, 165 mm à l'arrière), absorbent avec efficacité les inégalités de la route de montagne que nous parcourons. L'amortisseur peut être rapidement réglé en précontrainte grâce à une molette très accessible au dessus du carter moteur sur le coté gauche.

Au fil des kilomètres la moto montre son penchant pour la route mais la position debout est moins naturelle. Le réservoir bombé écarte les jambes (la rançon d'une confortable capacité de 17,5 litres) et on ne peut enserrer la moto pour bien la diriger. Le guidon est également un peu bas dans ces conditions. Si l'on rajoute une garde au sol limitée, on comprend qu'il ne faut pas s'aventurer dans ses séances de tout-terrain trop engagées.


Il n'empêche qu'il est tout à fait possible (et agréable!) de fréquenter les chemins à son guidon. Avec elle, on est loin de certains trails actuels qu'il est préférable de maintenir sur les routes goudronnées.











Cette BMW F 650 était tout simplement une sorte de Transalp en version européenne et elle permit à la marque allemande de se moderniser et diversifier son offre. La bonne fiabilité dont elle fait preuve (peut-être une des meilleures des motos de la marque…) participa certainement à accroître et fidéliser une nouvelle clientèle.
Achat d'occasion
BMW ne s'est pas loupé avec cette moto en ce qui concerne la fiabilité. Lors de sa sortie, le constructeur avait mis en avant le soin tout particulier apporté au revêtement du cylindre pour diminuer les frottements et donc augmenter sa résistance à l'usure. Dans les faits, le moteur Rotax a fait preuve d'une grande robustesse et certaines machines affichent de forts kilométrages. Les seuls soucis connus concernent la roue libre de démarreur qui pouvait lâcher et le régulateur de tension d'origine italienne (la moto était fabriquée dans l'usine Aprilia). C'est plus au niveau de l'aspect général que l'on peut être critique avec des plastiques vieillissant moyennement et des carters moteur se ternissant. Mais pour celui qui recherche un trail polyvalent avec de bonnes qualités routières, cette BMW peut s'avérer être un bon choix car il est facile de la trouver à des prix raisonnables.
Remerciements
Un immense merci à Arnaud Leroux pour sa grande disponibilité. Cette BMW fut l'occasion d'une belle rencontre avec un motard musicien amoureux de sa superbe région et passionné par la fabrication et la restauration des instruments de musique, notamment le chalumeau, l'ancêtre de la clarinette. La discussion s'est prolongée et la moto n'en était pas le seul sujet!

BMW F 650 Prix neuf en 1994 : 40900 francs soit 6235 euros
Caractéristiques techniques
Moteur monocylindre 4 temps refroidi par eau . Balancier d'équilibrage
Double ACT par chaîne à tension automatique
4 soupapes actionnés directement par poussoirs à godets
652 cm³
Puissance 48 chevaux à 6500 tours/minute
Couple maxi 5,7 mkg à 5200 tours/minute
2 carburateurs Mikuni 33 mm
Boîte à 5 rapports
Alternateur 280 W
Cadre simple berceau en tubes d'acier démontable, dédoublé sous le moteur
Suspension avant Fourche de 41 mm Débattement 170 mm
Suspension arrière Monoamortisseur et biellettes réglable en détente et précharge du ressort Débattement 165 mm
Frein avant Simple disque 300 mm Etrier à deux pistons
Frein arrière Disque 240 mm Etrier simple piston
Réservoir 17,5 litres
Poids avec pleins (vérifié) 195 kg

Cet article a été publié dans la revue Trail Adventure n°39 et peut être commandé à l'adresse suivante:
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