Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

Yamaha GT 80. La petite moto au grand destin.

 

 

Discrète et fluette, elle aurait pu passer inaperçue. Mais cette petite Yamaha est arrivée sur le marché alors que la moto était en pleine .

renaissance. Le sérieux de sa fabrication et la réputation naissante des motos japonaises ont fait le reste. Et par bonheur, elle rencontra un homme exceptionnel qui sut déceler en elle des qualités insoupçonnées.

 Il était une fois une petite moto, née loin d’ici, dans le pays du Soleil-Levant. Elle était toute menue et ses parents, conscients du handicap de sa petite taille, décidèrent de la parer de tous les atouts de ses grandes sœurs. C’est ainsi qu’ils la dotèrent d’un graissage séparé pour s’éloigner des cyclomoteurs, de beaux clignotants, d’une grande selle et d’une peinture de qualité.

 Abstraction faite de ses dimensions, elle ressemblait comme deux gouttes d’eau aux membres de la famille Yamaha. Elle arriva au cours de l’année 1974. Elle plut aux femmes, aux enfants, à tous ceux qui furent sensibles à son charme. Les Japonais avaient compris que le monde moderne rentrait dans une civilisation de loisirs et ils eurent l’intelligence de proposer des motos accessibles. Ce faisant, ils participèrent à la fin des deux-roues réservés aux seuls passionnés qui devaient savoir non seulement piloter mais aussi entretenir et réparer leur monture parfois capricieuse. Certaines marques ne surent pas anticiper ce changement et disparurent de la circulation.

 Quant à notre petite Yamaha, sa vie bascula lorsqu’elle fit la rencontre, sur le territoire français, d’un homme qui tomba amoureux d’elle. Il décida de l’emmener sur les bords de la mer rouge, puis s’aventura sur les pistes africaines de la Côte d’Ivoire en espérant rallier Nice dans un rallye un peu fou. Deux mille kilomètres plus loin, il dut se rendre à l’évidence qu’il lui en avait un peu trop demandé et arrêta sagement l’épreuve. 

 C’est en 1978 que leur histoire prit une tout autre dimension. Ils quittèrent la France pour parcourir le monde. Le voyage dura trois années, à travers le Moyen Orient, l’Inde et le Japon. La petite Yamaha n’était plus une mini-moto comme cela était mentionné sur le cache latéral, mais une grande voyageuse capable d’affronter les pires conditions. A son guidon, il y avait Fred Tran Duc, journaliste à Moto Journal qui fit vivre aux lecteurs, via sa carte postale d’un bout du monde, ses aventures.

  

 

  

 

 

  

 

C’était drôle, plein de verve, émouvant parfois quand il fit la rencontre d’un « Petit Prince » de neuf ans qu’il embarqua sur la selle biplace de sa moto ! C’est donc à partir du Népal que la GT 80 gagna ses galons de grande routière apte au duo.

  

  

Grâce à Fred, la Yamaha est donc devenue aux yeux des motards de l’époque une moto comme les autres, au même titre que son gros mono de frère, j’ai nommé la XT 500.

 Alors que je m’installe sur un exemplaire de GT 80 de 1975 parfaitement bien conservé, je ne peux m’empêcher d’avoir une pensée émue pour ce grand voyageur qu’était Fred. Aujourd’hui, c’est moi qui suis au guidon d’une des sœurs de celle qu’il appelait affectueusement Puce...

 La moto m’a paru minuscule quand je suis arrivé chez Gérard, son propriétaire, mais, en définitive, je me sens bien dessus.

 Le guidon relevé tombe bien en main et la selle est moelleuse.

  

 

  

Je déplie le kick qui oppose une faible résistance à mon coup de mollet. Le monocylindre deux-temps se réveille instantanément.

  

 

  

Je relève le sélecteur pour passer la première; à l’instar de certaines motos japonaises de l’époque, le point mort est situé tout en bas. Il fallut attendre l’année 1975 pour que Norton abandonne le sélecteur à droite et Morini, cette même année, proposait un V-twin 350 avec la première en haut et les autres en bas en plus du sélecteur à droite ! On était alors loin de la normalisation actuelle...

Avant d’entamer la descente sur Cahors, je teste les freins. On n’est jamais trop prudent avec les vieilles motos. Je suis agréablement surpris par leur efficacité et leur progressivité.

  

 

Mais le faible poids de la moto doit également jouer son rôle. Le moteur est souple mais, à bas régime, il manque de répondant et il ne faut pas hésiter à le laisser monter en régime. Les quatre vitesses sont passées rapidement et la moto se stabilise à un peu plus de 65 km/h qui semble correspondre à sa vitesse maximale.

C’est un peu frustrant car je sens un moteur prêt à emmener l’ensemble plus rapidement. Je me souviens que Fred avait trouvé la parade en rallongeant la démultiplication (de 15/41 d’origine à 14/31). C’est ainsi qu’il arrivait à rouler à 90 km/h à l’aspiration derrière les camions.

 

  

Le revêtement devient plus bosselé et les amortisseurs me rappellent étrangement les pompes à vélo que j’avais sur ma Honda 125 CG ! Peut-être que Honda et Yamaha faisaient leurs achats chez le même fournisseur à l’époque. Je comprends mieux pourquoi Fred avait installé des Koni sur sa moto.

  

 

 

Sur route sinueuse, la Yamaha se jette dans les virages avec gourmandise. Cette vivacité me surprend au départ mais je m’habitue rapidement à la laisser prendre de l’angle avec l’aisance d’un cyclomoteur.

 A son guidon, tout paraît facile et j’ai l’impression que je pourrais faire face à n’importe quel imprévu tant la moto est réactive. La selle qui me paraissait trop imposante se révèle douce au fessier et semble promettre un certain confort d’autant que les vibrations du moteur sont bien contenues.

 Lors de la séance photos sur le pont Valentré, à Cahors, l’aisance avec laquelle je manie la moto à la main, moteur coupé, me rappelle combien un poids et un encombrement réduits sont des alliés précieux.

 

 

 

 

 

 Fred l’avait souligné quand il avait eu besoin de mettre sa Puce dans l’avion pour rejoindre l’Inde en partant de Damas. « Puisque l’Irak et l’Arabie Saoudite ne veulent pas nous voir, Puce et moi allons les survoler à 40 000 pieds d’altitude en leur faisant des bras d’honneur. Heureusement que Puce ne pèse que 67 kg. Ah, Ah ! Ça vous faisait peut-être rigoler que je parte avec une mini-Yamaha alors que l’on trouve des 1300 Kawasaki chez le marchand du coin ? Les amateurs de gros cubes, faites une expérience : pesez votre moto. Vous auriez payé autant de fois 11 francs que de kilos obtenus. Tiens, pourquoi tu tousses, tonton ? ».

 Comme le disait si justement Colin Chapman, le père fondateur des Lotus : « Light is right ». Une maxime dont pourraient s’inspirer les nombreux constructeurs de gros trails à l’heure actuelle...

 Sur le chemin du retour, poignée dans le coin pour maintenir une vitesse décente dans la rude montée, je me laisse porter par le miaulement du monocylindre à plein régime, je regarde ce réservoir si fin et ses cinq petits litres de contenance, le beau compteur sous le guidon et sa barre de renfort. Je me prends alors à rêver de partir comme l’avait fait Fred il y a 43 ans de cela au rythme tranquille des cinq chevaux alimentés par son carburateur de 16 mm. La magie a opéré. Cette petite moto génère du rêve et, à ce titre, elle a droit à toute mon admiration.

  

 

 

 

Un grand merci à Gérard Rolland, le propriétaire de cette GT 80. Concessionnaire Yamaha à Cahors de 1978 jusqu’à sa retraite, il fut et reste un ardent défenseur de la marque.

Passionné par la course moto, il remporta le critérium 250 en 1969 sur Ossa avant de courir en endurance. On le verra bien plus tard en 2006 au Tour de France avec une Yamaha RDLC 350, toujours présente dans son garage.

 

 

 

 

 

 

 

Caractéristiques techniques

 

2 896,80 F (en 1975) soit 441,61 €

 

 MOTEUR : Monocylindre 2 temps refroidi

par air, 72 cm 3 (47 x 42 mm), distribution

1 ACT, 2 soupapes • 1 carburateur Mikuni

ø 16 mm • taux de compression : 6,8 à 1

• puissance maxi : 4,9 ch à 6 500 tr/mn

• couple maxi : 0,55 mkg à 6 000 tr/mn

• allumage : magnéto • avance : 1,8 mm

avant PMH • graissage séparé (contenance

du réservoir : 0,7 l ) • embrayage multidisques

en bain d’huile • boîte à 4 rapports

• transmission finale par chaine

 PARTIE-CYCLE : cadre tubulaire

double berceau • fourche téléhydraulique,

débattement 75 mm • combiné 2

amortisseurs non réglables, débattement

55 mm • frein avant à tambour 110 x 25 mm

• frein arrière à tambour 130 x 28 mm • pneus

AV /AR 2,50-15 et 2,75-14 • empattement

1 045 mm • hauteur de selle 670 mm

• réservoir 4,8 litres • poids à sec 59 kg.

 

  

Et fiable avec ça !

La GT 80 présentait une qualité de fabrication élevée qui fit prématurément vieillir les motos anglaises et italiennes de l’époque. En outre, elle était simple avec son monocylindre peu poussé.

Patrick Tran Duc m’a indiqué que la Yamaha de son frère avait eu droit à une révision dans les usines de la marque lors de son passage au Japon. Elle totalisait alors 50 000 kilomètres et les Japonais avaient été surpris par son état de fraîcheur.

Elle avait juste eu besoin d’un réalésage.

Voilà ce que Patrick dit de la sienne, achetée en 1976 : « j’ai fait une sa’ison de Challenge, avec un ou deux enduros, un tour du Touquet, de la vitesse, du cross, avec la même bougie, juste en nettoyant le filtre (très petit, il se colmate vite) en vidangeant une fois ou deux et en changeant la chaîne ».

Peu répandue, la GT 80 se fait rare dans les annonces, même si on peut penser qu’il doit en rester au fond des granges. La tendance est à la hausse au niveau des prix demandés. Une moto en bon état peut être estimée à 2500 €... voire plus.

Pour ceux qui décident de s’attaquer à la restauration de ce modèle, toutes les références et les éclatés de la Yamaha GT 80 se trouvent ici : https://bit.ly/2SKyrjM 

 

 

La Yamaha GT 80 et la compétition

 

Oui, vous avez bien lu, cette mini moto eut le droit de participer à des courses autres que celles que l’on va faire chez l’épicier du coin. Jean-Claude olivier, l’importateur Yamaha, qui n’était pas le dernier pour flairer les bons coups, avait organisé un championnat de France pour cette moto, intitulé le Challenge Y sur le modèle du Challenge One américain.

Les huit épreuves se déroulèrent en 1976 sur des terrains variés. Cela commença par une course sur neige avec la participation d’Hubert Rigal, puis le sable du Touquet accueillit les concurrents. Il y eut aussi Brioude, célèbre pour son enduro, Folembray et son circuit et une épreuve de grass-track à Dinard.

Bref, toutes les disciplines furent réunies et cela donna naissance à de belles empoignades. Comme quoi, peu importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse des cinq chevaux de cette GT 80.

Le vainqueur de cette sympathique deviendra célèbre quelques années plus tard grâce à ses cinq victoires au Paris-Dakar. Il s’agit de Cyril Neveu.

  

 Epreuve de Brioude (Fred Tran Duc au guidon)

  

Epreuve du Touquet ( Fred Tran Duc au guidon)

 

 

 

Article de Moto Verte sur le Challenge Yamaha.

 

 

 

 

 

 

 

 

L'essai comparatif dans Moto Verte:

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et, pour finir, une photo de la Yamaha 50 FT1, arrivée en 1970, l’ancêtre de la GT 80.

 

 

 

 

Cet article a été publié dans la revue Trail Adventure n°26 qui peut être commandée à l'adresse suivante:

  

https://boutiquecppresse.com/fr/64-anciens-numeros-trail-adventure-magazine

 

 

 

 

 

Les voyages de Fred Tran Duc (carte postale d'un bout du monde) se trouvent ici: http://motards-en-voyage.com/2014-04-26-18-39-41/fred-tran-duc/le-tour-du-monde

 

On trouve aussi son premier voyage jusqu'à la mer rouge:  http://motards-en-voyage.com/2014-04-26-18-39-41/fred-tran-duc/paris-mer-rouge