Pendant de très nombreuses années, la marque Royal Enfield évoquait pour moi des moto rustiques, au charme certain mais à mille lieux de ce que je recherche dans un deux roues. J'ai le souvenir de ce reportage sur l'usine indienne dans un ancien Moto Journal où les méthodes de fabrication étaient très éloignées de celles mises en oeuvre chez les constructeurs japonais. Avec, entre autre le rodage des soupapes à la main et, lors de la phase finale la moto mise en caisse avec de la paille pour protection, si ma mémoire ne me fait pas défaut.
En 2002, je me souviens de ma rencontre avec ces deux jeunes Allemands partis en Inde en avion où ils avaient acheté des Royal Enfield avec lesquelles ils étaient rentrés chez eux par la route. C'est à Ispahan que j'avais fait leur connaissance. Plutôt satisfait de leur monture, abstraction faite des performances de toute façon hors sujet dans un si long périple. J'avais eu de leurs nouvelles une fois arrivés à bon port. Mis à part quelques menus problèmes de roulements de roues, les motos avaient effectué le voyage sans encombres. Rustiques et peu rapides mais plutôt fiables, ces Royal Enfield.
Je n'en dirai pas autant des deux Minsk (motos fabriquées en Biélorussie) avec à leur guidon deux jeunes Français.Ils avaient décidé après leurs deux années de coopération au Vietnam de rentrer avec ces motos très répandues dans ce pays. Une des deux motos avait carrément laissé son moteur sur la route lors du passage d'un rond point! C'étaient des véritables épaves que j'avais aperçues, garées près de ma moto. Résultat du match: Inde 1, Bielorussie 0!
Dans les années qui ont suivi, je reconnais avoir apprécié la vision de ces motos qui croisaient mon chemin dans le doux bruit de leur monocylindre.
C'est au moment de la sortie de l'Himalayan que j'ai commencé à avoir un regard plus intéressé pour les motos de cette marque. Le trail est une catégorie que j'ai adoptée depuis 1990 et j'apprécie en outre les moyennes cylindrées et une certaine simplicité. Mais les caractéristiques du moteur (25 chevaux) ajoutées au poids de l'ensemble laissaient présager une utilisation trop limitée à mon goût.
Il y a deux ans, j'avais eu l'occasion de me mettre à son guidon et j'avais eu confirmation que, derrière son charme certain, se révélait une moto ne correspondant pas à ce que j'attends d'une moto. Trop limitée pour un gros rouleur comme moi avec ses placides percherons officiant sous le réservoir.
L'arrivée d'une toute nouvelle Himalayan prévue pour 2024 avait de nouveau attiré mon attention. Car, chez Royal Enfield, on était parti d'une feuille blanche. Tout nouveau moteur, partie-cycle et suspensions à l'avenant, la moto avait perdu le côté "ancien" qui collait à ses pneus. Royal Enfield rentrait dans la modernité et les essais presse étaient tous plutôt élogieux à l'égard de cette nouveauté.
J'étais donc assez impatient de pouvoir me faire ma propre opinion et, ce jeudi 6 juin 2024, je me présente à la concession de Tarbes qui vient de recevoir plusieurs exemplaires de cette moto, dont une est réservée pour les essais client.
La moto est disponible, je n'ai plus qu'à m'installer à son guidon.
Une fois n'est pas coutume, je vais commencer par une critique, visible avant même de monter sur la moto. C'est le degré d'inclinaison généré par une béquille latérale manifestement en manque de quelques centimètres! Le responsable de cet équipement avait peut-être séché quelques cours de maths dans sa jeunesse et s'est trompé dans ses calculs... Il faut donc un effort certain pour redresser les 198 kilos tous pleins faits annoncés de la machine.
Démarrage à l'aide d'un bouton qu'il faut pousser vers la gauche; cela change des boutons poussoirs habituels. La petite touche indienne, peut-être...
La sonorité qui se dégage du court pot d'échappement (que je trouve plutôt réussi) est plaisante. Devant moi, il y a ce tableau de bord simple mais lisible avec un compte-tours de bonne dimension. La hauteur de selle est très raisonnable (825 mm) malgré les débattements de suspensions de 200 mm.
C'est parti! Je remarque tout de suite une boîte de vitesses agréable, avec un sélecteur précis. Le guidon me parait un peu bas. Je me dirige vers la route que j'emprunte régulièrement, entre Pau et Tarbes, faite de virages et de dénivelés, l'idéal pour juger rapidement les qualités de la moto.
Dans la première ligne droite, j'ai presque l'impression d'être au guidon d'un roadster! Il faut dire que le pare-brise riquiqui annonçait la couleur. Il est juste là pour le décor. Les équipementiers vont s'en donner à coeur joie en proposant des modèles plus protecteurs.
Dans la montée du bois du Commandeur, la moto révèle son coté facile. Elle se place naturellement dans les virages, sans nécessiter le moindre effort. Le châssis est réussi et il est efficacement secondé par des suspensions de qualité. Ces dernières absorbent avec efficacité les inégalités du terrain. Sur ce parcours sinueux que je connais comme ma poche, j'adopte très rapidement un rythme soutenu, ce qui est le signe d'une moto réussie. Le train avant précis plonge avec facilité dans les virages serrés et j'en oublie la présence d'une roue de 21 pouces habituellement source d'une légère inertie supplémentaire. Bref, cette Royal Enfield est rassurante dans son comportement et permet un pilotage débridé.
Dans la montée sur Pintac, le passage de l'épingle en 3ième révèle une petite faiblesse que j'avais déjà notée auparavant. Il ne faut pas descendre trop bas dans les tours. Le monocylindre renâcle aux alentours de 2500 tours/minute et il ne s'exprime vraiment que lorsque le régime approche les 3000 tours/minute. Comparé au moteur de la Triumph Scrambler 400 X que j'ai essayée il y a trois mois, il se révèle moins souple et il ne permettra pas les traversées de villages à 50 km/h sur le dernier rapport.
Les deux constructeurs ont eu une interprétation différente du monocylindre de moyenne cylindrée. Triumph a opté pour une motorisation d'une très grande souplesse, Royal Enfield propose un moteur avec une allonge qui m'a paru plus importante. Sur le chemin du retour de ce trop court essai (c'est bon signe quand j'ai ce sentiment, c'est que la moto m'a séduit), j'ai à quelques reprises insisté un peu plus sur les montées en régime et le monocylindre s'est révélé très à l'aise dans ce registre. Cela veut dire que celles et ceux qui aiment aussi lâcher la bride de temps en temps trouveront une moto le permettant.
La moto poursuit son travail de séduction avec un frein arrière d'une efficacité redoutable. Vraiment puissant mais dosable, il complète avec talent le frein avant. Ce dernier est progressif et génère une plongée de la fourche comme il se doit sur un trail avec 200 mm de débattement. Personnellement, cela ne me gêne pas et cela reste suffisamment modéré pour ne pas perturber la conduite.
La rigueur du train avant est très rassurante et, pour l'adepte de routes sinueuses que je suis, cette Himalayan est dans son élément en permettant des mises sur l'angle rapides. Elle devrait exceller, comme ma monture actuelle, dans le pilotage improvisé qui s'impose sur un tel terrain où l'on est toujours les sens en éveil pour faire face à une déformation soudaine, quelques gravillons ou branches, un virage en aveugle qui se resserre, un changement de luminosité parce que l'on passe dans un sous-bois. Elle est à mille lieux du modèle précédent avec son train avant peu rigoureux, son freinage léger et son moteur anémique!
Un bref passage sur un chemin confirme les qualités des suspensions de la moto. Je pense qu'elle devrait permettre de s'aventurer en tout-terrain sur des pistes pas trop accidentées tout de même, compte tenu de son poids non négligeable, comparable à celui de ma CB 500 X.
Je reviens à la concession avec le sourire. J'aime les motos homogènes et équilibrées et cette Himalayan rentre dans cette catégorie. Le constructeur indien ne s'est pas loupé avec ce modèle après une première version imparfaite et limitée dans son utilisation. Je lui trouve en outre une belle personnalité.
Avec son prix très bien placé, elle ne devrait pas avoir de mal à rencontrer le succès. Personnellement, c'est dans le domaine de la disponibilité du moteur à bas régime que je souhaiterais une amélioration. Je sais qu'au quotidien c'est une caractéristique que je recherche. Mais, hormis ce petit défaut, l'équilibre général de cette Himalayan est à noter.
Même si je reconnais mon penchant pour le bicylindre, je constate que cette nouvelle génération de monocylindre a réussi à supprimer les défauts inhérents à cette architecture mécanique. Dorénavant, souplesse (bien que j'en voudrais un peu plus sur cette Himalayan), absence de vibrations importantes, allonge font partie de la panoplie du monocylindre moderne.
Une machine à essayer pour celles et ceux qui, comme moi, aiment les trails de moyenne cylindrée.
PS: à noter un équipement assez fourni malgré un prix très raisonnable: béquille centrale, sabot de protection (en plastique), protections latérales, porte bagages, garde boue descendant bien bas ( c'est suffisamment rare pour être signalé).
Caractéristiques techniques
MOTEUR
Type moteur Monocylindre, DACT (Double Arbre à Came en
Tête), 4 soupapes, refroidissement liquide
Alésage x course (mm) 84 mm x 81,5 mm
Cylindrée (cm³) 451,65 cm3
Taux de compression 11.5:1
Puissance maximale 40,02 ch (29,44 kW) à 8000 tr/min
Couple maximum 40 Nm à 5500 tr/min
Régime de ralenti 1300
Système de démarrage Démarreur électrique
Lubrification Carter semi-sec
Huile moteur 10W40 API SN, JASO MA2, semi-synthétique
Embrayage Multidisque à bain d'huile
Boîte de vitesses 6 vitesses
Injection de carburant Injection électronique de carburant, corps de
papillon de 42 mm, système ride by wire
Consommation de carburant 3,59 l/100 km
Émissions de CO2 (g / km) 86,80 g/km
Niveau sonore à la conduite 77 dB(A)
Niveau sonore à l'arrêt 91,51 dB(A) à 4065 tr/min
DIMENSIONS & POIDS
Empattement 1510 mm
Garde au sol 230 mm
Longueur 2285 mm
Largeur 852 mm
Hauteur 1316 mm
Hauteur de selle 825 mm (selle standard réglable à 845 mm)
805 mm (selle basse réglable à 825 mm)"
Poids à sec 181 kg
Poids à vide
(90% de carburant + huile) 196 kg
Charge utile avec
équipement standard 198 kg
Capacité de carburant 17,0 litres
CHASSIS & SUSPENSIONS
Type Cadre tubulaire en acier
Suspension avant Fourche inversée, 43 mm
Débattement avant 200 mm
Suspension arrière Mono-amortisseur
Débattement arrière 200 mm
FREINS & PNEUS
Pneu avant 90/90-21"
Pneu arrière 140/80 R 17"
Frein avant Frein à disque hydraulique, Disque ventilé
de 320 mm, étrier à double piston.
Freins arrière Frein à disque hydraulique, Disque ventilé
de 270 mm, étrier à simple piston
ABS ABS à deux canaux, commutable
EQUIPEMENTS
Système électrique 12V
Batterie 12 V, 8 Ah
Feu avant Phare LED
Feu arrière/Feu de clignotant Feux de croisement et feux arrière intégrés,
tous à LED
Autres équipements Modes de conduite, point de charge USB type C
Tableau de bord Écran TFT rond de 4 pouces avec connectivité
téléphonique, Navigation cartographique
complète (alimentée par Google Maps),
commandes multimédias.
Prix: 6440 euros