Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

Harley Davidson Panamérica: quand le doute s'installe...

Si l'on m'avait dit, il y a quelques années, que je rentrerais dans une concession Harley Davidson pour essayer une moto de la marque américaine, j'aurais doucement rigolé. C'est pourtant ce que je viens de faire et je n'étais pas menacé par une arme pour m'y contraindre...

Il est vrai que l'arrivée de la Panamérica l'an dernier avait fortement intéressé l'adepte des trails que je suis depuis bien longtemps. Et les conclusions plutôt favorables des différents journalistes de la presse ne pouvaient que m'encourager à aller vérifier les qualités de cette moto.

6 janvier 2022. Je profite de cette belle mais froide journée de début d'année pour rejoindre la cote basque jusqu'à Anglet où j'arrive juste au moment de l'ouverture du magasin. Le vendeur me présente brièvement la moto avec, c'est devenu incontournable sur une moto moderne, la commande des différents mode de conduite. Située à droite, elle est accessible. Vu la température, je lui demande de me montrer également où se situe celle qui actionne les poignées chauffantes!. La clef de contact reste dans ma poche, c'est une tendance qui s'installe chez beaucoup de constructeurs et qui me laisse dubitatif. Trop de complexité ne va pas dans le sens de la fiabilité d'après moi, et ne plus pouvoir démarrer parce que sa moto ne "reconnait plus" la clef peut être une situation très agaçante....

A juste titre, le vendeur décide de mettre la selle en position basse; Avec une machine que l'on découvre, il vaut mieux limiter les risques .

C'est parti. Embrayage doux, boîte de vitesses précise, je m'insère naturellement dans la circulation même si je n'apprécie pas la position du guidon. Je l'aimerais plus large et surtout moins éloigné. J'ai les bras trop tendus. Il y a beaucoup de monde et je me mets en mode calme, ce qu'accepte très bien le V-twin qui reprend avec onctuosité. Je le trouve même un peu trop absent dans le bas du compte-tours. Il me donne l'impression de ne pas "vivre". Feutré mais sans réel caractère, à l'instar de la sonorité d'échappement.

 

La route sinueuse se dégage et je hausse le rythme. Je n'arrive pas à me relâcher complètement. Je réalise que je ne fais pas corps avec la moto et c'est un point  de plus en plus important pour moi, peut-être parce que mon corps vieillissant a besoin encore plus qu'avant de se sentir naturellement bien installé. Cela participe au degré de confiance que je peux avoir au guidon d'une moto et  ce n'est donc pas un détail pour moi. Là, je suis encore en train de m'adapter à cette Harley Davidson en m'avançant un peu sur la selle pour me rapprocher du guidon et pouvoir utiliser ce dernier comme j'aime le faire, avec la petite poussée qui va bien à droite ou à gauche pour inscrire la moto dans les virages.

Ces derniers se succèdent et je n'arrive toujours pas à piloter naturellement. J'en suis toujours à la phase d'apprentissage avec cette moto. Pourtant, j'ai commencé à prendre de l'angle dans les virages mais avec toujours cette absence de retour de ma monture, comme si l'on n'était pas en phase tous les deux. C'est grave, docteur? Je plaisante mais c'est étonnant comment on peut parfois se trouver en décalage avec une moto.

Et ce moteur, comment fonctionne-t-il? Malheureusement, le V-twin ne parvient pas à me faire oublier cette ergonomie défaillante. Très doux à bas régime, à condition de ne pas descendre trop bas quand même, il se réveille ensuite et part à l'assaut de la deuxième partie du compte-tours sans aucune inertie. C'est sportif, trop d'après moi. On s'éloigne de l'esprit trail. En tout cas, cela ne correspond pas à ce que j'attends d'un moteur. A titre de comparaison, j'avais adoré celui des Triumph Scrambler 1200 et Tiger 900 essayées sur cette même portion de route. En fait le V-twin de Milwaukee ne donne pas l'impression d'être aux commandes d'une grosse cylindrée. Peu démonstratif dans les bas régimes, il se réveille avec trop de vigueur par la suite. Toujours pour comparer, je préfère nettement le bicylindre de l'Africa Twin qui tracte avec constance et dans un bruit très agréable sur toute la plage du compte-tours.

 

Petite halte pour quelques photos. Je mets un peu de temps à trouver la béquille latérale et j'actionne , pour la deuxième fois, par mégarde, la commande du plein phare. Cette moto ne ressemble à aucune autre mais cette singularité se retrouve aussi dans l'ergonomie générale.

Le demi-tour sur cette route étroite se fait avec une certaine appréhension à cause de ce guidon trop éloigné qui m'empêche de bien ressentir la manoeuvre et d'un rayon de braquage un peu faible . Décidément, je n'arrive pas à être à l'aise sur cette moto!

C'est l'heure de rentrer à la concession. Je suis un peu contrarié de ne pas avoir trouvé le mode d'emploi de cette moto. "Ne te pose pas de questions et roule" est donc ma décision pour le chemin du retour. Je serre un peu plus les genoux pour mieux faire corps avec la machine mais c'est mon mollet droit qui butte alors sur la protection de la tubulure d'échappement. Il est clair que je n'arriverai pas à ce sentiment de ne faire qu'un avec la machine. J'opte pour le mode sport qui je modifie pas de manière importante le caractère du moteur toujours aussi prompt à prendre des trous, mais pas avec la manière que j'aime. Puis le mode rain que j'abandonne bien vite tant il étouffe le moteur. Je roule plus rapidement mais dans les enfilades de virages, il me manque ce ressenti du train avant indispensable pour me mettre en confiance; je ne dis pas que la machine ne tient pas la route mais qu'elle ne m'autorise pas à y aller franchement, sans aucune appréhension; cela faisait bien longtemps qu'une moto ne m'avait fait autant cogiter!

En fait, j'ai l'impression d'être sur une moto trop volumineuse pour moi, comme si elle était plus destinée à des motards (es) mesurant 1,85 m (je fais 1,74 m).

 

 

 

 

J'en oublie presque de parler des freins. Le frein avant répond très bien, sans violence et j'ai trouvé le frein arrière un peu moins efficace dans son rôle d'assistant, avec un manque de mordant dès l'impulsion sur la pédale; il faut un appui plus conséquent pour obtenir un résultat.

Quant aux suspensions, difficile de juger sur cette route au revêtement excellent. J'ai quand même visé quelques cassures qui m'ont révélé une certaine fermeté comparé à l'onctuosité d'une Africa Twin par exemple. Je m'attendais à mieux avec 190 mm de débattements.

Je franchis les ronds-points avant la concession et je note une certaine lourdeur de l'avant. Je me souviens avoir lu des essais de la presse dans lesquels le journaliste avait relevé cette particularité provoquée par la présence d'un amortisseur de direction et noté que le modèle standard qui en était démuni se révélait beaucoup plus agréable (avec il faut le dire 15 kg de moins sur la balance). Personnellement, je ne vois pas l'intérêt de munir un trail d'un tel équipement.

Je finis mon parcours déçu. Je m'attendais à trouver une moto différente des autres ( l'esthétique annonçait la couleur) mais je ne pensais pas qu'il y aurait une telle  incompatibilité. entre nous. Cela ne fait que me conforter dans mon idée qu'il ne faut jamais s'en tenir aux essais de la presse pour faire son choix. Nous avons tous des sensibilités différentes et il me parait évident que certains vont adorer cette moto, ce moteur rageur, cette esthétique un peu brute, cette différence affichée avec le reste de la production. Mais ce n'est manifestement pas mon cas...

Je reste frustré après un tel essai et je me demande si je ne suis pas tombé sur un jour "sans", vous savez ces moments où l'on n'est pas réceptif aux choses qui nous entourent, où l'on n'arrive pas à les apprécier. Peut-être me faudrait-il une nouvelle tentative pour mieux comprendre cette moto américaine et ses singularités. Il se peut que j'ai prochainement cette opportunité et j'espère alors mieux rentrer en phase avec ce trail made in Milwaukee.

 

PS: Je me posais des questions suite à mon ressenti négatif avec cette moto. J'ai retrouvé un comparatif de la Harley Davidson avec la Suzuki V-Strom 1050 Xt et la Honda Africa Twin Adventure Sports paru dans le Moto Journal du 7 octobre 2021. Un essai de 1500 kilomètres qui a permis de faire une analyse précise des caractéristiques des trois machines. Les défauts relevés sont les suivants:  "manque d'agrément mécanique au quotidien, freinage sans mordant, manque d'agilité et de naturel". Quant aux qualités: "la pêche du twin, le look original, l'efficacité à l'attaque, le confort de selle et de suspension".

Dans cet essai très complet, j'ai relevé quelques phrases "Il pousse ce twin, c'est le moins qu'on puisse dire. C'est brutal et explosif... Aux plus basses vitesses, la Pan fait déjà preuve d'une certaine lourdeur quand on la fait onduler. Rien de méchant mais on s'attendait à plus de réactivité et de finesse... placer la moto sur le flanc suscité aussi quelques résistances ... sous l'angle, la moto semble vouloir écarter de sa trajectoire comme sous l'effet d'un poids bien plus important et on se sent parfois obligé de soulager le rythme" Telcou, ancien pilote, indique que "il faut s'en occuper de la mémère. Le train avant résiste fort. C'est vrai qu'elle est faite pour les gros bras!".

Autant dans les essais presse, elle avait fait bonne impression,  elle est en retrait au niveau des qualités  routières lorsqu'elle est comparée à des machines concurrentes . Et je ne suis pas sûr que le comportement "explosif" du moteur soit la caractéristique principale recherchée chez le motard amateur de gros trails.

Lors de cette courte prise de contact, je n'ai pas eu le temps d'analyser avec autant de précision cette moto mais je comprends mieux, à la lecture de cette essai, pourquoi je n'ai pas réussi à me sentir bien sur cette Harley Davidson.