27 mai 2020. Voilà deux semaines que la France est sortie de cette longue période de confinement. Depuis, j'ai un besoin irrépressible de rouler. Ma Honda n'arrête pas de m'emmener voir et revoir mes Pyrénées et je n'arrive pas à satiété. Alors, pour poursuivre cette séquence de retour à la normale, j'ai eu envie d'essayer une moto qui me semble rentrer dans la catégorie de ma CB 500 X, un trail de moyenne cylindrée abordable financièrement.
Samedi dernier, je suis donc allé faire une petite visite chez le concessionnaire KTM de Pau afin d'examiner de plus près la KTM 390 Adventure. La pluie m'accompagnait et je me suis limité à un test statique.
Esthétiquement, elle se rapproche de sa grande soeur, la 790 Adventure mais l'absence des réservoirs latéraux allège la ligne générale. Je dois reconnaître que je ne suis pas fan du phare au look étrange. Je m'installe dessus, la hauteur de selle me parait supérieure à celle de ma Honda (elle est donnée pour 855 mm au lieu de 830 mm), mais cela reste dans les limites du raisonnable.
Le vendeur me donne rendez-vous au mercredi suivant.
C'est donc le coeur léger que je quitte de bonne heure le boulot surtout que le soleil est au rendez-vous.
La moto est sur le parking, comme si elle m'attendait. Démarrage, le tableau de bord de bonne dimension s'allume. Le grand compte-tours est très lisible et les chiffres du compteur également. Très agréable.
Je décolle doucement, le moteur émet un bruit pas très réjouissant. Premiers virages, la moto se balance avec une évidente bonne volonté. Il faut souligner que le poids annoncé est faible, 158 kg à sec (comme si une moto fonctionnait sans carburant!) ce qui équivaut malgré tout à 24-25 kg de moins que ma Honda.
Lors de ces premiers tours de roues, je suis frappé par l'ergonomie de la moto. J'ai l'impression d'être posé sur la selle, et devant moi, la tête de fourche et le tableau de bord sont très bas. Quant au pare-brise, il ne monte guère haut. Rien à voir avec le cocon dans lequel je m'enserre au guidon de ma CB 500 X. Sur La KTM, c'est très dépouillé. Il faut bien trouver la différence de poids quelque part!
Avant de retrouver la route sinueuse que j'aime beaucoup, je me laisse porter par la moto sur le boulevard en suivant le flot des voitures. Je sens immédiatement que le moteur a moins de cylindrée que ma Honda, 97,8 cm3 exactement. C'est peu dans l'absolu mais cela représente plus de 20%. Je sens le monocylindre moins vaillant dans les bas régimes et les vibrations transmises se ressentent plus. Au même régime, la moto roule moins vite ( 90 km/h à 5000 tours/minute) .
Enfin, la route de Lacommande me tend les mains.
La moto se jette dans les virages avec délectation. Je craignais un train avant trop vivace après avoir lu l'essai, il y a quelques jours, du magazine Trail Adventure. Patrick Boisvert faisait le constat suivant: "on remarque que l'association d'un angle de chasse fermé et d'un poids plume rend le train avant parfois un peu vif". Mais il précisait que cela arrivait "en forçant un peu trop le talent de l'engin" ce qui signifie sûrement la grosse attaque. Et cela ne m'arrive jamais, je garde toujours une marge de sécurité ce qui aboutit à des conclusions personnelles différentes de celles des journalistes professionnels qui poussent les machines dans leurs derniers retranchements.
Au contraire, je trouve que la KTM s'inscrit naturellement dans les virages les plus serrés, un peu à la manière de ma Honda. C'est sécurisant et cela me convient tout à fait. Le freinage répond présent sans violence aucune et apporte lui aussi un côté rassurant à la moto. Sur quelques grosses cassures, je trouve que les suspensions réagissent plus fermement que ce que j'escomptais, compte tenu de leurs débattements de 170 mm pour l'avant et 177 mm pour l'arrière, soit bien plus que sur ma Honda, surtout pour l'amortisseur.
Je retrouve le comportement de la grande soeur , la 790 Adventure, avec des suspensions tarées un peu fermes pour, je pense, une grande rigueur dans le comportement. D'ailleurs, au fil des kilomètres, c'est ce qui me frappe, la signature que chaque moto appose. Plus je roule avec cette KTM, plus je ressens qu'elle s'éloigne de la philosophie Honda. La position de conduite avec ce réservoir très court qui se rapproche des motos tout terrain, la selle un peu rigide, le moteur moins linéaire que celui de la Honda.
Sur la moto autrichienne, on sent qu'il prend vraiment de l'ampleur à 6000 tours après un premier palier à 4000 tours/minute où il se réveille. Car, sous ce régime, je le trouve un peu timoré, voire moyennement agréable quand, à la réaccélération, le tableau de bord et la tête de fourche se mettent à vibrer pour indiquer que le régime est trop bas. Par contre, j'entrevois tout ce qu'il peut donner passé les 6000 tours/minute quand je dépasse rapidement une voiture entre deux virages serrés en 3ième. Le monocylindre semble alors vouloir se ruer à l'assaut de la zone rouge située à 10 000 tours/minute. Je m'arrête à 8000 tours/minute, par égard pour cette jeune mécanique, mais je sens bien qu'elle ne demande que ça. Il va plaire à ceux qui aiment jouer avec le sélecteur et, à ce propos, les vitesses passent très bien et rapidement. Je dirais qu'il y a un tout petit moins de douceur que sur la Honda mais cette dernière excelle dans le domaine.
J'emprunte une route très étroite qui aboutit à un chemin. Demi-tour, pour constater que le rayon de braquage n'est pas terrible, l'équivalent de celui de ma moto. Bien en dessous de celui de mes Honda 600 Transalp, si agréables pour virer dans un mouchoir de poche.
Le tableau de bord est vraiment agréable avec ses dimensions généreuses et sa clarté au niveau des informations. Je constate que l'ordinateur de bord remis à zéro au moment du départ indique une consommation de 2,9 litres/100. Avec le réservoir de 14,5 litres, l'autonomie sera généreuse.
Je prends le chemin du retour. J'apprécie la facilité avec laquelle la moto se laisse mener de droite à gauche, dans les enfilades de virages. Je pense qu'elle doit exceller sur les routes de montagne si proches de la maison.
Petite ligne droite, la moto est à 108 km/h au régime de 6000 tours/minute. Au même régime, ma Honda roule à 125 km/h ( 133 km/h avec le pignon de 16 dents).
Sur quelques passages bosselés, les suspensions confirment leur (relative ) fermeté. Celles de la Honda sont plus souples mais moins rigoureuses. A chacun de faire son choix en fonction de ce qu'il recherche.
Les quelques kilomètres avant la concession au milieu d'une circulation dense révèlent un moteur moins à son aise. Il n'aime pas les trop bas régimes, même sur les rapports inférieurs. C'est dans ces conditions qu'il est le moins à son avantage. Sur route, il est aisé de rester au bon régime mais, dans les remontées de files de voitures, le monocylindre renâcle parfois et semble me dire d'ouvrir un peu plus la poignée de gaz. "Ne conduis pas, pilote", tel est son message mais ce n'est pas ma tasse de thé en ville où j'aime me laisser porter par ma moto.
Je gare la moto sur le parking de la concession. Ma conclusion est que c'est bien une KTM! Elle aime être bousculée, tout en se révélant facile à conduire. Ma critique la plus forte va à l'encontre du moteur. La rondeur du bicylindre m'a manqué, sa souplesse aussi ainsi que son bruit que je préfère.
Mais pour celui ou celle qui aime les motos de caractère, cette KTM est réussie. Partie-cycle au top, freinage puissant mais pas brutal, suspensions de qualité, tableau de bord réussi. Je suis plus réservé en ce qui concerne le confort; je n'ai pas roulé assez longtemps (40 minutes) pour le juger sur une longue durée mais la selle ferme, la prise au vent importante, les vibrations (même si elles restent modérées) m'amènent à penser que la Honda doit être plus reposante sur long parcours, d'autant que le moteur tourne à des régimes plus bas.
En remontant sur ma moto, le fossé qui sépare les deux moteurs me saute encore plus aux yeux. Et, je note également une mise sur l'angle légèrement moins évidente sur la Honda, résultat de la différence de poids. La protection de la Honda avec sa bulle plutôt haute et son carénage plus enveloppant est bien meilleure.
Après avoir assisté un brin dubitatif à une surenchère des constructeurs pour proposer le trail le plus ... haut, puissant, équipée, cher, etc..., je suis heureux de voir que, peu à peu, arrivent sur le marché des motos plus raisonnables tout en étant diablement séduisantes. C'est le cas de cette KTM 390 Adventure vendue 6699 euros. Même si elle ne correspond pas totalement à ce que j'attends d'une moto, je l'ai trouvée très réussie.
Et, grâce à elle, j'ai eu confirmation, six jours après avoir essayé une Yamaha 660 Ténéré, que le monocylindre ne me convenait pas.