Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

BMW F 900 XR, moitié trail, moitié roadster

J'aime les surprises, surtout quand elles concernent la moto.

Ce dernier samedi de février, je suis un peu plus au nord de Pau. Hier au soir, 250 kilomètres m'ont porté jusqu'à un hameau de Dordogne, dans la famille.

L'après-midi vient de débuter et une envie de prendre l'air me pousse à sortir la moto. Vingt-cinq kilomètres de belles courbes plus tard, je suis à Périgueux et je décide de m'arrêter chez le concessionnaire BMW. Je me dis que, peut-être, la dernière née de la marque, la F 900 XR dont j'ai récemment lu l'essai est arrivée. C'est le cas. Il y en a une dehors. Je la trouve plutôt compacte et conforme à ce à quoi je m'attendais, à mi-chemin entre le trail et le roadster. Il fait frais et humide et j'ouvre la porte de la concession. Il s'y trouve un deuxième modèle. Je suis en train de me dire que le dessin de l'arrière, affiné au possible, doit être un rempart plus que médiocre aux assauts des projections de la roue quand un vendeur m'aborde.

Je le préviens que ce n'est à priori pas mon style de moto car je suis un adepte des trails . Malgré cela, il me propose un essai. Ce n'était pas prévu et je refuse . Ma réponse négative ne doit pas être très convaincante et il revient à la charge. Je cède, il est si doux se laisser tenter....

Comme d'habitude chez le constructeur allemand, le modèle d'essai, d'un beau coloris jaune métallisé, est bardé de toutes les options du catalogue.

Le vendeur me présente brièvement les possibilités de la machine (réglage de l'amortisseur et de la cartographie moteur au guidon,, poignées chauffantes, régulateur de vitesse, tableau de bord). Justement, au sujet de ce dernier, je vois apparaitre un affichage avec un beau compte-tours central, circulaire, bien plus parlant pour moi que la barre d'origine décomptant le régime du moteur. Je lui demande de me laisser cette version qui affiche également ....un détecteur d'angle!

 

Pas de clef de contact, le boîtier reste dans ma poche. Appui sur le bouton de démarreur, le bicylindre se réveille dans un bruit discret. Je décolle lentement, monte les rapports. La boîte se révèle douce et précise. Côté position de conduite, on se rapproche du trail, mais pas tout à fait. Le guidon est large mais situé un peu bas pour moi; les jambes ne sont pas trop repliées. Cela donne une position de conduite naturelle et agréable

Premières courbes, la moto s'y inscrit naturellement. Deux camionnettes devant moi sont effacées d'un coup de gaz. Le moteur semble avoir du peps mais tout se fait dans le calme. Presque trop! Pourtant, j'aime les moteurs bien élevés, onctueux.

Le premier freinage appuyé montre une attaque très franche du levier; c'est limite brutal. Surprenant sur une moto qui n'est pas sportive. Il va me falloir apprendre à doser ce levier hyper-réactif. La fourche plonge franchement. Cela me confirme ce que m'a dit le vendeur, le débattement est assez important. Il me semble avoir lu 170 mm, il faudra que j'aille vérifier. Par contre, quelle idée d'avoir "caché" la pédale de frein que je n'arrive à atteindre qu'en contorsionnant mon pied.

La bulle protège peu mais je vois qu'elle est en position basse. Il faudra que je la relève sur le chemin du  retour.

Un village à traverser. Je reste sur le 6ième rapport pour tester la souplesse. 2000 tours/minute pour 60 km/h environ. Aucun à-coups à ce régime mais, à la reprise, le bicylindre est aux abonnés absents. Il reprend mollement et ne se réveille que vers 3000 tours/minute, puis prend de l'ampleur à 4000 tours/minute, régime à partir duquel il devient vraiment vif. Je rends la main, cela va trop vite: 130 km/h à 5000 tours/minute, 90 km/h à 3000 tours/minute. 

J'aborde quelques virages serrés et je dois insister un peu plus sur le guidon pour inscrire la moto, sûrement trop habitué au guidon haut et à la position trail qui favorise la mise sur l'angle d'une impulsion aisée de la main. Je sens qu'il me faudrait un peu plus de temps pour m'adapter à un comportement un peu différent. En dehors de ce ressenti, je trouve que la partie-cycle est très bonne , sécurisante et j'alterne les virages sans tension particulière malgré le revêtement humide-mouillé. L'inclinomètre au tableau de bord indique le dernier angle et l'angle maximum réalisé depuis le départ. J'espère que cela ne va pas trop pousser certains à tâter leurs limites! Quant à moi, vu l'état de la route et mon niveau de pilotage, je m'arrête raisonnablement à 33 degrés. Marc Marquez peut dormir sur ses deux oreilles, il n'a pas un nouveau concurrent dans le jeu de celui qui penche le plus!

 

La route manque d'irrégularités et je bifurque sur une voie plus étroite pour me faire une idée des qualités des suspensions. La fourche réagit bien, l'amortisseur me parait plus ferme. Je m'attendais à un peu mieux avec de tels débattements (je viens de vérifier, 170 mm devant, 172 mm derrière). Sur ma CB 500 X, avec moins de débattements, c'est plus moelleux.

 

Demi-tour. Remonter le pare-brise se fait d'un main, très aisément. La protection y gagne nettement. Quant au moteur, il me montre son efficacité car j'opte pour un rythme plus enlevé. Si l'on ne s'attarde pas à trop bas régime, il se révèle solide dans les reprises et je me retrouve très aisément à des vitesses largement au dessus des 80 km/h réglementaires. Nul besoin de monter dans les tours, ça tracte suffisamment, avec un pot d'échappement très discret. Côté sensations, j'ai le sentiment que le moteur cube moins que ses 895 cm3. Je ne peux m'empêcher de penser à la Moto Guzzi V 85 TT qui , avec ses pulsations bien présentes, paraissait au contraire avoir une cylindrée plus importante. Là, c'est lisse et cela ne me transmet pas d'émotion particulière. Bien que n'aimant pas les moteurs caractériels, j'apprécie quand ces derniers "me parlent" au niveau accoustique et sur le plan des sensations. Ce fut le cas avec la KTM 1050 Adventure, les Honda NCX 750, Crossrunner 800 et Crosstourer 1200, la V 85 TT, la Ténéré 700, l'Africa Twin et les deux Triumph Scrambler 900 et 1200. Mais, avec ce bicylindre, la mayonnaise n'a pas pris.

Avant mon départ, j'avais noté la présence du shifter optionnel et je fais quelques essais avec. Infructueux, comme avec la grande soeur la 1200 GS. C'est rugueux, voire brutal et je n'en vois pas l'intérêt sur cette moto dont l'embrayage et l'excellente boîte permettent de passer les vitesses avec rapidité et douceur.

Sur la route du retour, je continue à apprécier un châssis rigoureux et facile qui met en confiance dans les mises sur l'angle, bien aidé par des Michelin Pilot Road 5 excellents. Pour faire une comparaison, le train avant n'a pas la vivacité excessive que je n'avais pas du tout aimée sur la Tracer 900, qui est une de ses principales concurrentes. Il fait preuve d'une neutralité bien plus confortable et rassurante.  A chaque freinage appuyé, je suis surpris par la réactivité des disques à l'avant occasionnant une plongée immédiate de la fourche. J'aurais préféré un peu plus de progressivité. 

 

C'est déjà la fin de la balade. Je ressens une certaine frustration avec le sentiment qu'il m'aurait fallu un essai de plusieurs heures pour rentrer dans le vif du sujet avec cette moto. Trouver la sensiblité de mes doigts pour doser ce freinage, mieux comprendre ce moteur qui ne demande qu'à s'exprimer dans les moyens régimes, pouvoir apprécier dans la durée le confort général qui me parait à la hauteur.

Il n'empêche. J'ai eu confirmation que le moteur Loncin ne me fait pas vibrer. Je l'avais constaté le 11 décembre dernier en essayant les 750 et 850 GS. Je regrette le moteur Rotax qui équipait précédemment la moyenne cylindrée de la marque allemande. Je lui trouvais, outre ses nombreuses qualités, une personnalité absente sur celui qui lui a succédé.

Je rejoins la concession. A deux à l'heure, je braque et freine pour positionner la moto avant de la parquer en marche arrière. Le freinage brutal me déséquilibre .... Oui,c'est confirmé, il m'aurait fallu un peu plus de temps pour apprendre cette moto!

Je fais le point avec le sympathique vendeur qui connait bien ce modèle pour l'avoir rodé. Au sujet de mes remarques sur le shifter, il reconnait une certaine rugosité de cet équipement sur les bicylindres de la marque en me certifiant qu'il est excellent sur les quatre et six cylindres. Je lui  indique que, sur la KTM 790 Adventure, il fonctionne de manière exemplaire, même à des régimes très bas. Et je termine en "lui faisant l'article", lui conseillant d'essayer la boîte DCT de la dernière Africa Twin 1100. Cela devrait être facile pour lui, la concession fait Honda et BMW!  

Je m'excuse pour avoir mis sa moto dans un piteux état. Le garde-boue avant riquiqui et la roue arrière clairement détachée de la moto ne pouvaient que donner ce résultat pitoyable. Pour ceux qui, comme moi, roulent par tous les temps, il va falloir prendre un abonnement auprès d'une station de lavage pour garder sa moto propre!