Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

KTM 990 Adventure, une moto de caractère

Je l’avais entre-aperçue, quelques semaines auparavant, protégée par une couverture, dans sa couleur orange caractéristique. Ce dimanche, Aline me propose d’aller faire un tour avec. J’oublie instantanément ma fatigue, conséquence d’une longue soirée musicale et je retourne à la maison chercher mon casque et mes vêtements de moto. Elle en impose, cette KTM 990 Adventure et je la manie avec précaution pour la sortir à la main du garage.

Coup de démarreur. Le bruit du bicylindre sur un ralenti accéléré annonce la couleur, on a affaire à une mécanique de caractère. Je passe la première et accélère doucement en accompagnant le relâché d'embrayage. Calé ! Je recommence. Calé de nouveau ! C’est bon, j’ai compris que la méthode douce ne convenait pas à Madame KTM et je fais un départ un peu plus énergique.

Les premiers tours de roues sont déroutants avec le relâché des gaz suivi par un à-coup à la réaccélération. Cela me rappelle les caractéristiques de la KTM 950 de mon ami Bruno essayée il y a une bonne quinzaine d’années.

Autant le dire, je ne suis pas complètement à mon aise sur la moto à cet instant. J’envisage l’espace d’un instant d’échanger le guidon avec Stéphane qui me suit sur la Transalp 600… Mais j’ai envie de voir si je ne vais pas arriver à mieux cerner cette mécanique autrichienne plus rétive que celles que je côtoie habituellement.

La selle est haute mais fine et, à l’arrêt, cela ne me gêne pas trop. Au niveau position de conduite, je souhaiterais un guidon plus large et en peu plus haut. Il faut dire que je suis un adepte de la conduite au guidon.

Le moteur vit sous le réservoir, ou plutôt entre les réservoirs car, particularité de la moto, il y en a deux et il a fallu ouvrir deux bouchons pour faire le plein tout à l’heure. Difficile d’oublier le V-twin, là-dessous. Sur les rapports inférieurs, il accepte de reprendre en douceur à 2000 tours/minute, mais en cinquième et sixième, il se manifeste par quelques réactions très claires : les bas régimes, ce n’est pas le genre de la maison.

Clignotant à gauche. Enfin des petites routes sinueuses comme je les aime, idéales pour se faire une idée précise de sa monture. Le revêtement est fripé et les suspensions montrent leurs qualités. Elles concilient grands débattements et qualité d'amortissement. Dans les premiers virages serrés, je ressens une certaine retenue dans le train avant, conséquence de la roue de 21 pouces sûrement mais aussi peut-être d’une géométrie de la partie cycle privilégiant la stabilité. Pour l’heure, j’en suis encore en train de chercher le mode d’emploi avec ces incessants à-coups qui m’empêchent de me concentrer sur mes trajectoires. J’envie mon compagnon de route car je sais avec quelle facilité on peut manier une Transalp sur un tel terrain. Heureusement, la boîte de vitesses est très bonne, douce et précise.

A la sortie des virages, le moteur réagit au quart de tour avec une vigueur immédiate et un bruit rageur. Je sens qu’il ne demande qu’à monter dans les tours mais, pour le moment, j’essaie surtout d’apprivoiser son mode de fonctionnement. Bref, je reste sur la réserve d’autant que, sur ces petites routes, les surprises peuvent arriver à tout moment et je m’en voudrais de ramener la moto chiffonnée à sa propriétaire.

Je ne peux m’empêcher de penser à la KTM 1050 essayée sur ce même parcours en 2015 qui m’avait impressionné par sa douceur très Honda. On en est loin avec cette 990 plus ancienne (elle date de 2007).

Dans une montée, les virages se font courbes, je hausse un peu le rythme et je ressens une moto bien plus à l’aise. En fait, elle demande à aller vite, cette KTM et elle semble préférer les grands espaces aux routes plus étriquées. Je regarde régulièrement le compte-tours et cela confirme que le bicylindre ne demande qu’à s’éloigner des premiers chiffres. Rien à voir avec le comportement du moteur de l’Africa Twin (très comparable au niveau de sa cylindrée et de sa puissance).

Je peste fréquemment contre les réactions brutales du moteur assez déstabilisantes quand je suis plein angle et je me dis que l’on doit très vite fatiguer au guidon de cette KTM. Elle nécessite un engagement de la part de son pilote. A quelques rares reprises, je me lâche sur une série de virages, j’entends le bicylindre manifester sa joie et je sens la moto d’un bloc, prête à accepter les ordres de celui qui officie au-dessus. Oui, c’est cela, cette moto a besoin d’être menée avec vigueur. Je suis sûr qu’un motard de bon niveau (meilleur que le mien en tout cas) doit pouvoir en tirer la quintessence mais je sais aussi qu’elle n’est pas faite pour moi. Trop exclusive. Abstraction faite du moteur, la partie-cycle de la KTM 1050 m’avait paru beaucoup plus évidente et je m’étais immédiatement senti bien à son guidon, en confiance.

Quand on roule sur des routes à virages, forcément, on freine souvent. Sur cette moto, j’ai trouvé l’attaque du levier trop molle ; il n’y a pas une réaction immédiate à la pression des doigts et c’est dommage. Par contre, au fil des kilomètres, j’ai de plus en plus utilisé le frein arrière qui m'était d’une aide précieuse pour s’inscrire dans les virages les plus serrés.

Petite halte sur les hauteurs de Jurançon pour quelques photos et discuter avec Stéphane de nos impressions respectives sur cette moto. Il me rejoint sur mes critiques.

 

 

La pause m’a fait du bien, je le vois dans une descente raide avec des épingles à cheveux très serrées, tout ce que je déteste à moto. J’arrive à bien inscrire la moto en me montrant plus directif (elle ne comprend pas la douceur !) et en m’appuyant sur l’aide du frein arrière. Elle se pilote, elle ne se conduit pas, cette KTM !

Nous retrouvons le boulevard sud de Pau. Je m’autorise quelques accélérations et cela confirme ce que je pressentais, le V-twin adore les montées en régime. Il se précipite vers la zone rouge (à près de 10 000 tours/minute) en deux temps-trois mouvements dans un joyeux rugissement. Vraiment à l'opposé du moteur de l'Africa Twin.

Cette heure et demie et ces 95 kilomètres ont été instructifs. Alors que je mettais toute mon énergie à essayer de dompter cette moto dans les enfilades de virages tout en pensant à ma douce CB 500 X avec laquelle j’aurais eu le même rythme, le stress en moins, j’ai pu mieux comprendre le désarroi de notre grand champion Johann Zarco face à la brutalité de sa KTM de Grand Prix !

Pour ma part, mais je le savais déjà, je préfère une moto douce et prévenante qui va m’aider si ce n’est à effacer, du moins à estomper les difficultés de la route. Occupé à me battre contre cette transmission brutale, j’en ai oublié de profiter du paysage environnant pourtant magnifique en cette fin de journée de dimanche.

Mais merci Aline pour ce prêt dominical impromptu. Quelles qu’elles soient, j’adore essayer des motos, j’y trouve toujours du plaisir ! Surtout quand ce sont des trails!

 

PS: il est peut-être possible de supprimer (ou au moins d'atténuer) cette brutalité à la remise des gaz en reprogrammant la cartographie de l'injection. Je trouve dommage de gâcher un si beau potentiel avec une caractéristique qui est pour moi rédhibitoire. Je ne peux envisager d'acheter une moto avec un tel défaut. Il est quand même étonnant de retrouver sur cette moto le même défaut que j'avais constaté sur la KTM 950 ( à carbus à l'époque). Heureusement que le constructeur autrichien a corrigé sa copie avec la KTM 1050.

 

PS 2: j'ai heureusement pu reprendre le guidon de cette KTM sur une durée un peu plus longue et après quelques modifications bienvenues sur la moto avec, au final, un avis un peu différent.