Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

Voxan Scrambler. Une étoile filante dans le ciel français.

 

 Comme la météore, l'arrivée du Scrambler suscita l'espoir, celui d'un avenir radieux pour la toute jeune marque française. Mais il ne fit qu’un passage éclair pour disparaître définitivement quelques années plus tard. Simple, polyvalent, séduisant, il aurait pu toucher un large public, mais on ne lui laissa pas le temps de s'installer.

 

 

 

Octobre 1997. Salon de la moto à Paris. Le public présent ne regrette pas son déplacement. Voxan, une toute nouvelle marque française, fait feu de tout bois en présentant, aux côtés des deux modèles dont la presse a déjà parlé, un prototype très séduisant dénommé Scrambler. C'est l'euphorie. Après une très grande période de disette, la moto française renaît de ses cendres.

 

 

L'enthousiasme généré par cet évènement est légitime car on est loin de l'épisode malheureux de BFG qui, 15 années plus tôt avait tenté l'aventure avec des moyens limités (et, sacrilège, un moteur de voiture!). Là, l'histoire parait autrement plus crédible; Jacques Gardette a su engager les moyens et s'entourer des personnes compétentes, notamment Alain Chevalier, technicien hors pair ayant œuvré avec succès durant de longues années en championnat du monde des Grands Prix moto.

Ce dernier est à l'origine d'une partie cycle ingénieuse combinant la simplicité (deux tubes cintrés de 60 mm) et la modularité (possibilité de modifier très facilement la géométrie en jouant sur l'angle de chasse ou l'empattement). Une seule partie-cycle pouvant être déclinée sur plusieurs modèles, Voxan a compris l'intérêt économique d'une base commune, terrain aujourd'hui largement utilisé par de nombreux constructeurs.  

 

 

 

Après ce feu d'artifice parisien, les difficultés à surmonter sont nombreuses. On ne crée pas aisément de A à Z une moto complète dans un pays où la fabrication des deux roues se limite aux cyclomoteurs. La mise en œuvre de l'industrialisation est parsemée d'embûches et ce n'est qu'au printemps 1999 que les premiers modèles arrivent dans les concessions. La machine est lancée.

 

 

Pour les amateurs de trails, il faut se montrer patient car après la présentation du modèle définitif au salon de la moto 1999, la moto ne peut être essayée par les journalistes qu'au printemps 2001. Et il s'avère alors que les huit modèles de présérie présentent encore des imperfections avec des pièces de certains fournisseurs ne répondant pas au cahier des charges de Voxan. Un nouveau retard à l'allumage; la vie de la jeune marque française est tout sauf un long fleuve tranquille.

 

 

 

Fauché en plein vol!

Patatras, tout s'écroule avec l'annonce d'un redressement suivi quelques mois après d'une liquidation judiciaire de l'entreprise. Nous sommes en 2001.

Un an plus tard, Monsieur Cazeaux devient le nouveau propriétaire et tous les efforts de l'entreprise portent sur le Scrambler qui revient fiabilisé après de nombreuses modifications. 

 

 

 

Les années se suivent alors avec le sentiment d'une entreprise faisant preuve d'inventivité pour développer sa gamme malgré des moyens financiers et humains limités.

 

 

 

 

Mais le miracle n'aura pas lieu. Par une triste journée pour la moto française, le  5 mai 2010 marque l'arrêt définitif de Voxan lors d'une vente aux enchères publiques de l'usine.

 

 

 

Quand j'arrive chez Christophe, l'heureux propriétaire d'une Voxan Scrambler Voyager, je ne peux m'empêcher de penser à cette folle aventure initiée par cet industriel passionné par la moto. Il fallait un certain cran, voire un brin d'inconscience, pour se lancer dans ce projet un peu fou. Je me souviens de l'interview de John Bloor, le milliardaire anglais qui avait relancé Triumph dans les années 90 en repartant d'une feuille blanche. Il avait avoué, dix ans plus tard, qu'il continuait à perdre de l'argent. Il était pourtant à la tête d'une marque mondialement connue. 

Je suis venu pour essayer ce Scrambler aux allures de trail. Il s'agit du modèle Voyager, un modèle présenté en 2004 qui ne se différenciait de la Voxan de base que par la présence d'une tête de fourche et d'un top-case absent sur la moto que je vais chevaucher. J'en profite pour réagir aux éventuelles réactions des puristes. La moto n'est pas dans sa configuration totalement d'origine. Certaines pièces, grises d'origine, sont noires (celles du modèle Street Scrambler muni d'une roue avant de 17 pouces et d'un moteur plus vitaminé). C'est l'avantage de cette base commune, beaucoup de pièces sont interchangeables.

 

Un Scrambler avec un penchant trail prononcé

Avant de m'installer, la séance photos m'a permis de noter la compacité de la machine. Difficile d'imaginer que l'on a affaire à une 1000 cm3. Une fois installé, je me sens bien avec un guidon large tombant naturellement sous les mains. Pression sur le démarreur, le V-twin se réveille dans un bruit vivant mais contenu.

 

 

 

 

Première enclenchée, je décolle bien aidé par un embrayage progressif et un moteur "bienveillant". Rien à voir avec la brutalité de celui équipant la KTM 990 Adventure que j'ai essayée récemment. La boîte de vitesse se révèle précise et douce. Les premiers virages sont abordés en toute sérénité tant la mise sur l'angle se fait naturellement. Cette Voxan se révèle d'une facilité de conduite exemplaire, ce qui constitue un sacré compliment venant d'un motard longuement habitué aux Honda! 

Le moteur apporte son lot de satisfaction en acceptant de musarder sur le dernier rapport et en répondant énergiquement quand on le sollicite, mais sans aucune brutalité tout en délivrant une sonorité grave très plaisante. Le frein avant n'est pas très incisif et il provoque une plongée franche de la fourche; on est bien au guidon d'un trail malgré son appellation.

 

 

 Une brève incursion en tout-terrain révèle d'ailleurs un comportement correct avec des suspensions efficaces malgré des débattements relativement limités. Seule une garde au sol assez faible du fait de la présence de l'amortisseur placé horizontalement sous le moteur pourra inciter à ne pas se lancer dans des séances de tout-terrain trop ardues.

 

 

Polyvalence, c'est le mot qui vient à l'esprit pour décrire cette moto. Accessible avec une hauteur de selle et des dimensions contenues, d'un comportement facile avec un châssis exemplaire, on sent malgré tout que les suspensions n'accepteront pas une conduite trop sportive même si le moteur bien rempli ne demande qu’à être sollicité. Une tentative dans ce sens permet de se retrouver très rapidement à une vitesse largement prohibée peu protégé par la tête de fourche.

 

 

 

On comprend vite que la conduite sportive, ce n'est pas son truc. La moto se révèle plus destinée à un roulage rapide mais coulée pour profiter de son V-twin bien rempli qui donne le sourire à chaque sollicitation du poignet droit. Une vraie réussite, ce moteur.

 

 

Je découvre une véritable qualité à ce Scrambler. il donne du plaisir au roulage, mais aussi à l'arrêt quand, par exemple, on s'installe à la terrasse d'un café pour admirer sa plastique. Je le trouve très beau et son cadre très discret permet au moteur d'être mis en valeur, avec en outre la signature d'un très bel échappement. Une esthétique ayant supporté le poids des années, preuve d’un beau coup de dessin initial.

 

 

 

Le bilan que l'on peut tirer de cet essai, c'est que cette première mouture du Scrambler était réussie avec un comportement facile et une polyvalence certaine. On ne peut s'empêcher de penser qu'elle aurait pu servir de base à une gamme plus étendue, par exemple un modèle plus orienté trail, avec des débattements revus à la hausse et un réservoir plus conséquent (celui du Scrambler est d'une capacité trop faible générant une autonomie réduite). Les circonstances ont hélas tué dans l’oeuf tout projet de développement de ce modèle.

 

 

 

 

 

 

Caractéristiques techniques

 

Moteur

Bicylindre 4 temps en V à 72°

996 cm3,

refroidi par eau,

double ACT, 8 soupapes,

85,3 ch à 7 500 tr/min,

9,3 mkg à 6 000 tr/min,

injection électronique multipoint

embrayage multidisques en bain d'huile, commande hydrauique

boîte à 6 rapports,

transmission finale par chaîne.

  

Partie cycle

Cadre : double poutre à moteur semi-porteur.

Suspension AV/AR : fourche Paioli ø 43 mm, déb. 155 mm

Suspension AR : monoamortisseur Paioli déb. 160 mm,

Freins AV/AR : 2 disques ø 296 mm, étriers 2 pistons/ 1 disque ø 245 mm, étrier 2 pistons Nissin

Pneus AV/AR : 100/90 x 19 ; 150/70 x 17.

Réservoir : 14,5 litres.

Empattement : 1490 mm. 

Hauteur de selle : 820 mm.

Garde au sol: 170 mm

Poids à sec : 190 kg

Poids tous pleins faits (vérifié): 222 kg

 

 

Le Scrambler et le tout-terrain. Pendant que j’essayais cette séduisante moto, je n’ai pu m’empêcher de la comparer à la Transalp 600. Malgré son nom, j’ai eu le sentiment d’être au guidon d’un trail routier capable d’emmener son pilote en dehors des routes bitumées (bien plus qu’une Triumph 900 Scrambler par exemple). Je l’ai sentie apte à affronter les pistes que l’on peut trouver au Maroc par exemple. J’ai pris contact avec Laurent Bertin qui utilise sa moto depuis de nombreuses années en Argentine. Son bilan est intéressant. Sa moto totalise 45 000 kilomètres, dont 15 000 de pistes. Son plus gros souci est l’autonomie sur les plus grosses étapes sans essence et la solution est le transport de deux bidons d’essence. En dehors dune patte de berceau arrière cassée suite à un accrochage, son Scrambler sest révélé fiable malgré une utilisation intensive et a montré une polyvalence certaine sur les pistes dAmérique du sud.

On peut visionner ses photos sur Polarsteps

 

 

 

 

Achat d’occasion. Que vérifier.

La Voxan Scrambler est une moto rare. Environ 320 Scrambler (et 290 Street Scambler, le modèle plus routier avec roue de 17 pouces et moteur plus puissant) ont été produits. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’y a pas de problème de disponibilité de pièces. En effet, quelques mois avant sa fermeture définitive, l’usine avait prévu de lancer la production de 400 motos.

Lors de la vente aux enchères ayant suivi la liquidation de l’entreprise, Antoine Pacheco, ancien salarié de Voxan, a racheté tout le stock des pièces détachées. Implanté à Thiers, Motovox assure dorénavant lentretien et les réparations des motos de la marque.

 

 

Lors de notre rencontre, il ma indiqué que le Scrambler est le modèle le plus fiable de la gamme. Avec un moteur moins poussé, un arbre à cames en fonte, il se révèle sans problème particulier à la condition de respecter une révision régulière (notamment le réglage du jeu aux soupapes tous les 10 000 kilomètres). C'est au niveau du tableau de bord que l'on peut rencontrer le plus de problèmes. Pour ceux qui nutilisent leur Scrambler que ponctuellement, la solution est de laisser la batterie en charge car il nest pas protégé par diode au moment du démarrage qui le sollicite beaucoup. A noter que Motovox fait également refabriquer des pièces chez les anciens fournisseurs de Voxan.

Sachez que le Voxan Club de France est très actif. L’adhésion à ce club est vivement conseillée pour pouvoir assurer à sa moto le meilleur suivi possible et ceci dans une ambiance chaleureuse propre aux passionnés de la marque française : https://www.voxanclubdefrance.com/

 

Pour celles et ceux qui sont intéressés par l’histoire de la marque française, sachez que j’ai fait un article sur cette belle aventure:         http://motards-en-voyage.com/motos/le-monde-de-voxan/54-voxan-naissance-dune-moto-francais?showall=1

 

 

Un grand merci à Christophe, le propriétaire de la Voxan Scrambler. Un passionné de la marque qui a participé à cinq reprises au Moto Tour au guidon dun side-car de la marque avec de très beaux résultats à la clef (une 5ième place, 2 deuxièmes places et 2 victoires). Il a également été vice champion de France des rallyes routiers en 2013.