En début d'année, j'avais eu l'occasion d'essayer la nouvelle Africa Twin dont le moteur et la boîte DCT avait eu droit à quelques améliorations et j'avais été séduit par le résultat. Mais il ne m'avait pas été possible de me mettre au guidon du modèle Adventure Sports munie dorénavant d'une roue avant de 19 pouces.
Désormais disponible en moto d'essai chez mon concessionnaire favori, ce dernier m'a proposé il y a quelques jours de réparer cet oubli. Ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd et ce dimanche 24 novembre annoncé ensoleillé et pas très froid me parait être le bon jour pour vérifier ce que donne ces deux pouces de moins.
Samedi soir. Fermeture du magasin. Sébastien vient m'aider à régler le tableau de bord qui, je dois l'avouer, me fait un peu peur par son apparente complexité. Il me montre justement que ce dernier est en fait plus abordable que ce que l'on pourrait penser en m'expliquant avec simplicité son mode de fonctionnement.
OK, je peux maintenant y aller alors que la nuit s'est installée. Cela tombe bien vu que ce modèle haut de gamme a droit à un système d'éclairage en courbe.
Première bonne surprise, la selle, bien que mise en position haute, reste accessible avec mon 1,74 m. Hauteur pas plus élevée que sur ma CB 500 X personnelle. Juste avant, c'est moi qui me suis chargé de sortir la moto garée au fond du magasin et la manoeuvre à la main s'est faite tranquillement avec le bon rayon de braquage utile pour circuler entre les nombreuses motos.
J'ai maintenant mes habitudes avec la boîte DCT et je la sélectionne sur le mode S1 qui correspond vraiment à mon rythme de conduite. Des les premières centaines de mètres, je retrouve avec grand plaisir le fonctionnement doux, rapide, transparent du DCT. Les vitesses s'égrènent en continu, au point que, parfois, on ne sait pas qu'un rapport supérieur a été passé. C'est bluffant d'efficacité!
Je repense alors à la nouvelle boîte robotisée Yamaha essayée il y a une semaine. Entre une transmission perfectible et cette boîte DCT, il y a une véritable différence. C'est indéniable!
Les premiers rond-points sont franchis avec une plus grande franchise. La roue de 19 pouces n'a pas seulement joué sur la hauteur de selle (aidée par un débattement de suspension de 20 mm) mais aussi logiquement sur la réactivité du train avant.
Je quitte les faubourgs de Tarbes en me disant que, de nuit, il est préférable de rester sur la route principale; j'aurais tout le loisir de tester la moto sur les routes sinueuses demain.
Juste après le camp de Ger, je bifurque à droite. tant pis pour la nuit, ou plutôt tant mieux, cela va être l'occasion de faire un essai du phare. Qui dit petite route dit faible circulation. C'est donc la plupart du temps en plein phare que je roule et le résultat est satisfaisant. Ma moto ne fait pas le poids dans ce domaine! La cerise sur le gâteau, c'est dans les virages avec ces phares latéraux qui éclairent le coté de la route; en trois temps en fonction de l'inclinaison de la moto. C'est la première fois que je roule avec un aussi bon éclairage. Un vrai progrès! Mais cela m'a perturbé dans deux virages serrés car le fait de très bien voir les cotés m'a naturellement poussé à prendre un peu plus la corde dans la foulée. Un geste réflexe provoqué par une visibilité totale à laquelle je ne suis pas habitué.
Le fait de rouler sur une route de campagne peu éclairée accentue les sensations sur la moto. Le regard est moins sollicité et on reste plus attentif au ressenti. Cela m'a permis de constater, une fois de plus, cette facilité de conduite, cette évidence que je rencontre souvent sur les motos de la marque. Et pour un gros rouleur comme moi, c'est une sacrée qualité.
50 petits kilomètres plus tard, je retrouve ma maison avec un ordinateur de bord indiquant une consommation moyenne de 4,7 litres/100. Le demi-tour dans la petite cour est aisé grâce au très bon rayon de braquage et à cette hauteur de selle modérée. La marche arrière avec franchissement d'un léger seuil de porte de garage moins naturelle qu'avec ma CB 500 X mais rien d'insurmontable.
Par contre, zéro pointé à Honda pour l'absence de béquille centrale. A ce niveau de prix, c'est un peu fort de café!
Dimanche matin. La météo a annoncé des vents violents dans le département. Je m'éclipse donc de bonne heure de la maison afin de profiter du temps calme.
Les coteaux du sud de Pau avec leurs routes qui "tournicotent" constituent une bonne entrée en matière pour juger de l'intérêt de cette roue avant de 19 pouces et le sentiment immédiat est que la moto a gagné en agilité. Le train avant est mieux guidé, plus facile et le poids supplémentaire du modèle Adventure Sports par rapport au modèle Standard (+ 11 kilos pour les deux modèles munis de la boîte DCT et des suspensions pilotées) est largement contrebalancé par le bénéfice de cette jante plus petite.
Le bicylindre possède une puissance relativement modeste de 102 chevaux (par rapport à une concurrence plus affûtée) mais, à l'usage, une nouvelle fois, il fait étalage de ses qualités. J'adore cette manière discrète mais fichtrement efficace de tracter l'ensemble moto-pilote, je reste attentif aux changements de rapports immédiats et silencieux (avec parfois un très léger "clic"au passage de la seconde, mais la plupart du temps avec juste un changement du régime moteur pour le signaler). J'aime ce sentiment de rouler sans forcer mais sans se traîner, loin de là vu la vitesse à laquelle les chiffres du compteur s'affolent.
A chaque arrêt photo parfois précédé ou suivi d'un demi-tour, j'apprécie la hauteur de selle en baisse et je me sens moins sur la retenue qu'avec la moto essayée au mois de mars.
Sous le réservoir, il y a ce bicylindre qui me ravit. J'adore ce savoir faire Honda, cette force tranquille du moteur qui n'impose pas et n'incite pas à monter en régime. Non, c'est dans la zone basse du compte-tours qu'il se montre sous son meilleur jour en tractant merveilleusement bien dans un bruit agréable mais pas trop présent ( je le trouve d'ailleurs moins présent que celui de la NT 1100).
La boîte DCT le seconde parfaitement. Elle est vraiment arrivée à un très haut degré de précision. Sa vitesse d'exécution est devenue incroyable d'autant que le passage des rapports se fait en douceur et en silence ( juste, parfois, un très léger clic entre la première et la seconde).
Cet ensemble mécanique très bien accordé génère un bien être quand on est au guidon.
La montée du col du Soulor par Ferrières représente le parcours idéal pour juger du comportement de la partie cycle avec son revêtement changeant et ses virages variés et parfois piégeux. Cela ne fait que confirmer mes premières impressions; la roue avant de 19 pouces apporte un réel progrès et j'augmente tout naturellement le rythme en imprimant une poussée sur le guidon pour enchaîner les virages à droite et à gauche. La moto s'y inscrit avec plus d'évidence, permet des changements d'angle si nécessaire en toute facilité. Le ressenti du train avant s'en trouve amélioré et j'imprime un tempo dynamique jusqu'au sommet du col du Soulor en oubliant le poids plutôt important de la moto. Les pneus Bridgestone Battlax qui équipent la machine jouent leur rôle dans cette excellente partition.
Quant aux suspensions pilotées, j'ai l'amortisseur sur la position Médium et il épouse bien les inégalités de la route. La fourche absorbe également avec efficacité le revêtement parfois inégal de la route. Il y a toujours cette plongée au freinage mais c'est une caractéristique qui ne gêne pas l'amateur de trail que je suis depuis longtemps et je trouve qu'elle est plus modérée que sur le modèle Standard (il y a 20 mm de débattement en moins).
Le freinage est dans la lignée de la philosophie Honda. Pas de mordant excessif mais une efficacité largement suffisante pour moi qui ne pilote jamais sportivement. J'aime de temps en temps prendre une rythmique rapide mais toujours sans violence, en évitant les freinages dernier carat et les accélérations violentes en sortie de virage. Je préfère nettement trouver une dynamique dans mon pilotage en soignant mes trajectoires, en "lisant" la route pour anticiper au mieux les difficultés à venir. Et cela peut-être jouissif quand je parviens à un degré de maîtrise de l'exercice.
Justement, cette Honda est l'outil idéal pour me mettre dans de telles dispositions et je n'arrête pas de m'extasier devant la perfection de cette boîte DCT. Souvent, je devine plus que je sens le rapport supérieur ou inférieur passer. Mon concessionnaire Honda m'avait trouvé très sévère dans mon essai de la Yamaha MT 09 munie de sa boîte robotisée mais, dix jours après, le fossé entre les deux transmissions me semble évident.C'est simple, depuis mon départ, il y a trois heures, je n'ai eu à aucun moment envie de prendre la main en utilisant les gâchettes pourtant immédiatement accessibles sur le commodo gauche tant la boîte DCT intervient à propos. Tout à l'heure, dans la montée du col, alors que je conservais le filet de gaz nécessaire, je l'ai remerciée de conserver le 4ième rapport dans cette enfilade de virages comme je l'aurais fait si j'avais été aux commandes de la boîte.
Elle instille de la sérénité, cette mécanique. Entre ce moteur paisible dans son comportement (avec une poignée de gaz douce et précise et très bien connectée à l'injection) et cette boîte magique (ce n'est pas un hasard si j'avais utilisé ce terme en mars dernier), je me sens juste bien au guidon. C'est vraiment une signature Honda, cette façon de faire. Je sais que certains ne se retrouvent pas dans un tel comportement car ils recherchent des sensations, de l'explosivité. KTM, Ducati, voire BMW ( il faut vraiment que j'essaye cette 1300), Yamaha ont ce qu'il faut pour eux. Personnellement, je me sens plus à l'aise dans cette atmosphère où tout semble étudié pour rendre la vie du motard facile. Et cela n'est pas source d'ennui; au contraire, cela génère du plaisir. Pour les motards qui aiment les mécaniques "bien huilées", je pense que ce bicylindre et sa boîte DCT ne peut que les séduire.
Après Asson, je rejoins la route menant au col de Marie Blanque. Un peu plus de lignes droites et des courbes plus ouvertes me conduisent à rouler plus vite, suffisamment pour constater que la bulle (en position haute) protège bien le buste et la tête mais pas les épaules. Rien d'étonnant vu sa largeur. Pour ceux qui en veulent plus, il leur faudra aller voir du coté de la soeur NT 1100.
Même en sollicitant très peu la poignée de gaz, je me retrouve vite à 110 km/h (minimum). Cette moto a la faculté de minimiser la sensation de vitesse avec ce moteur linéaire mais coupleux.
La montée du col de Marie Blanque est effectuée avec ce même sentiment de facilité et les quelques virages très serrés mettent en avant la vivacité du train avant.
Lors du retour sur Pau, je teste les trois duretés de l'amortisseur (Soft, Medium, Hard) sur le parcours accidenté emprunté. Résultat: trop mou sur Soft, trop ferme sur Hard! En solo non chargé, le Medium est ce qui me convient le mieux. Globalement, les suspensions de l'Africa Twin sont de qualité, comme je l'ai déjà remarqué sur les différents modèles essayés depuis la 1000 en janvier 2016. L'amortisseur a juste un peu "perdu pied" sur une portion défoncée où j'ai maintenu une vitesse soutenue.
Ma grande balade prend fin et inutile de le cacher, je suis sous le charme. Il y a bien sûr le progrès indéniable que la roue de 19 pouces apporte (et pourtant je suis un adepte depuis longtemps de la 21 pouces!) mais ce qui m'a le plus marqué et séduit, c'est cet accord proche de MA perfection entre le moteur et la boîte de vitesses DCT. Un haut niveau d'excellence à eux deux!
Mes reproches sont limités. J'aimerais un tableau de bord plus "tableau de bord" justement, avec une présentation différente, un compte-tours reprenant le dessin de ceux que l'on avait avant le tout numérique, un commodo gauche plus intuitif, bref plus de simplicité. Je lui reconnais cependant une bonne lisibilité mais son démarrage lent qui nécessite en plus une confirmation du pilote pour s'afficher est une aberration.
L'absence d'une béquille centrale est un sacré manque à ce niveau de prix mais sa présence doit pouvoir être négociée au moment de l'achat.
Il y a sûrement des petits défauts dont on doit prendre conscience au fil des kilomètres mais, sincèrement, cette moto me semble réunir un panel de qualités impressionnantes la mettant à un niveau très élevé. Hormis son prix et son budget qui sont hors de mon budget, cette Africa Twin correspond tout à fait à mon idéal motocycliste, ayant eu la bonne idée de supprimer ce qui pouvait la mettre "en défaut", une hauteur de selle un peu élevée. En ce qui concerne la roue de 19 pouces, elle a juste placé la barre de l'efficacité du train avant un peu plus haut pour parvenir à un équilibre général excellent.
Pour terminer, sachez que la consommation moyenne indiquée par l'ordinateur de bord est de 5,1 litres/100. Très correct mais ma CB 500 X aurait consommé 2 litres de moins. Une bonne raison de la garder!
Demain matin, je dois la ramener à mon concessionnaire. Le 58 kilomètres sinueux qui m'attendent ne devraient pas modifier mon avis général sur cette moto mais, une chose est sure, j'ai très envie de reprendre son guidon une dernière fois avant de la rendre!
Conclusion: si je devais résumer cet article en un seul mot, je dirais fluidité. Fluidité totale de l'ensemble moteur-boîte, du comportement routier avec cette roue de 19 pouces, du freinage jamais violent et des suspensions prévenantes.
Cela tombe bien, c'est cette fluidité que j'essaie en permanence de donner à mon pilotage et qui m'apporte tant de plaisir!
PS: le coloris de la moto d'essai a un gros défaut. Il capte vraiment très mal la lumière! Difficile de faire de belles photos avec lui.
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Vue sur le tableau de bord (le mode utilisateur 2 a été très brièvement testé et tout de suite abandonné!). L'avantage, c'est que l'on peut programmer, en plus des modes déjà préréglés, 2 modes personnels (dénommés Utilisateur). Ensuite, on passe facilement de l'un à l'autre. J'ai l'impression que ce tableau de bord qui parait complexe au premier abord doit assez vite s'apprivoiser d'autant que l'on n'a pas besoin de changer les réglages une fois ces derniers déterminés.