Adepte des trails de moyenne cylindrée, c'est avec intérêt que j'ai vu arriver la CF Moto MT 450 et je me suis empressé de lire les essais de la presse pour la présentation de cette machine dans les Philippines en avril de cette année.
J'avais hâte de pouvoir me faire ma propre opinion mais, à priori, la moto semblait bien née.
Une journée à Bayonne le 24 septembre est l'occasion pour moi de me rendre chez le concessionnaire CF Moto situé à Saint Jean de Luz et de pouvoir me mettre à son guidon.
Esthétiquement, la moto est séduisante. Elle a évité les avants surchargés que je trouve un peu trop systématiques sur les trails chinois. La moto est sobre, avec sa personnalité propre et je lui trouve une certaine ressemblance avec la Ténéré 700 dans la répartition des volumes.
Au démarrage, le bicylindre calé à 270 degrés (comme la Ténéré… et comme la plupart des moteurs récents) donne de la voix. La sonorité qui sort du pot d'échappement est pleine et semble promettre un moteur plein de vie.
Alex, le concessionnaire m'a indiqué que la hauteur de selle avait été rabaissé à 800 mm au lieu des 820 initiaux. Pour cela, opération simple, il suffit de modifier l'ancrage de l'amortisseur. Effectivement, je pose aisément les pieds au sol. Je suis d'ailleurs étonné de cette faible hauteur de selle malgré les 200 mm de débattement des suspensions aussi bien à l'avant qu'à l'arrière. De même, la position de conduite est atypique avec une selle assez basse par rapport au large guidon relevé.
Devant moi, il y a un tableau de bord lisible et pas trop envahissant avec une taille raisonnable
J'actionne le levier d'embrayage très doux, un bon point.
C'est parti!
Jean-Luc, en sa qualité de grand connaisseur de sa région, est devant avec son Africa Twin et je lui fais confiance pour m'emmener sur les routes sinueuses que j'aime tant et qui me paraissent correspondre aux caractéristiques de la moto. Les premières centaines de mètres sont suffisantes pour mettre en avant une connexion poignée de gaz-injection perfectible. Pour être plus précis, il y a un léger à coup à la coupure et à la remise des gaz quand on roule à bas et moyen régime. Cela reste modéré mais systématique. Je dois dire que je suis très sensible à cette caractéristique car un bon fonctionnement à ce niveau est source de sérénité, de tranquillité au quotidien permettant de profiter de la route sans avoir à composer avec un tel défaut.
Très vite, la route grimpe et les virages serrés se multiplient. La moto se révèle facile à mener, avec un châssis sain. A son guidon, j'ai le sentiment de piloter une moto de plus grosse cylindrée. Cela vient de son train avant muni d'une roue de 21 pouces mais aussi sûrement d'un angle de chasse assez ouvert (je n'ai pas pu trouver les chiffres le concernant) et d'une roue arrière de 18 pouces générant une certaine inertie lors des mises sur l'angle.
Comparée à ma CB 500 X possédant une roue de 19 pouces, la différence est notable, mais elle l'est aussi avec la Royal Enfield Himalayan 450 (munie elle aussi d'une roue de 21 pouces) que j'ai récemment essayée. Je ne considère pas cela comme un défaut, juste une caractéristique et elle se rapproche en cela d'une Ténéré 700 (encore elle!) qui possède ce type de comportement.Cela veut juste dire que la moto est un peu moins vivace en virage.
Le moteur joue aussi son rôle car il a cette sonorité pleine, puissante, agréable aux oreilles qui donne cette impression d'une cylindrée supérieure. Je suis d'ailleurs étonné des régimes auxquels il tourne alors que je me contente d'un rythme tranquille pendant cette phase de découverte de la moto. Sur ma moto personnelle à la cylindrée très proche ( 471 cm3 au lieu de 449,5 cm3), je n'aurais pas dépassé les 4000 tours/minute sur les intermédiaires à ce rythme alors que, sur la CF Moto, je flirte plutôt avec les 5-5500 tours/minute. Les lignes droites me confirment mon ressenti. A 5000 tours/minute, je roule à 85 km/h. C'est 103 km/h au même régime sur ma CB 500 X (et même 110 km/h depuis que j'ai installé un pignon de sortie de boîte avec une dent supplémentaire).
Pour autant, le moteur ne donne pas l'impression de forcer, ni de tourner à des régimes trop élevés. Il est vrai qu'il parait très équilibré sans vibrations parasites. Et il possède un très beau bruit, le terme est d'ailleurs impropre pour qualifier sa musicalité mécanique. Le passage des rapports est net avec un sélecteur précis bien qu'il n'atteigne pas le très haut niveau de douceur et de rapidité de ma CB 500 X. Malheureusement, il y a toujours ce léger à-coup qui se manifeste et ne me permet pas d'arriver à la fluidité totale que j'aime instiller dans ma conduite.
Mais le bicylindre a des atouts à faire valoir, notamment une souplesse agréable permettant des traversées de villages sur le 5ième rapport à 35 km/h sans manifester la moindre désapprobation. Et il est vivant, ce bicylindre! Il part à l'assaut de la deuxième moitié du compte-tours avec allégresse, avec toujours cette impression de force qu'il dégage et qui le fait passer pour plus gros qu'il n'est.
Personnellement, j'aime beaucoup sa personnalité.
Dans son dernier numéro, Moto Magazine publie un essai de cette CF Moto comparée à la Royal Enfield Himalayan 450 et à la Triumph Scrambler 400 X et l'article m'intéresse d'autant plus que j'ai pu essayer les trois motos.Or, ses conclusions en ce qui concerne la motorisation sont très différentes des miennes. Ce n'est pas la première fois que je ne suis pas d'accord avec les journalistes.
Il y est indiqué, en ce qui concerne la CF Moto que "le bicylindre manque un peu de charme et de "gras" à mi-régime" . Ce n'est pas du tout mon ressenti; j'apprécie au contraire sa disponibilité dès les bas régimes et sa faculté à tracter dans une musique mécanique envoûtante. Cela me confirme une fois de plus qu'il est indispensable de faire son propre essai pour se faire sa propre idée de la moto. D'ailleurs, dans ce comparatif, le journaliste parle du monocylindre Triumph en ces termes: "Tonique, dynamique"; "dénuée d'inertie, cette mécanique aime évoluer vers la zone rouge". Or, c'est au contraire l'extrême souplesse du moteur qui m'avait frappé et j'avais juste noté une allonge inférieure à celle du bicylindre de ma moto.
Et, au sujet de la Royal Enfield, "coupleux, ne rechigne aucunement à monter en régime, rondeur du mono" alors que j'avais noté un moteur qui renâclait aux alentours des 2500 tours/minute et ne s'exprimait qu'une fois arrivé à 3000 tours/minute.
J'accélère le rythme et la petite inertie en entrée de virage serré se confirme. Je la contrebalance en utilisant le frein arrière à l'efficacité redoutable. Pédale très accessible, dosage précis avec une belle progressivité mais aussi de la puissance, il est un véritable atout dans le cadre d'un pilotage un peu musclé. Quant à son homologue à l'avant, il fait preuve lui aussi de progressivité; il manque peut-être un peu de mordant, ressemblant en cela à celui de ma moto mais en augmentant la pression sur le levier, il répond présent. Cela provoque une plongée de la fourche, mais elle reste raisonnable et c'est une caractéristique que j'aime bien (35 années en trail, cela laisse des traces!).
Les suspensions, bien que dotées de débattements de 200 mm, réagissent parfois sèchement sur certaines inégalités. Je m'attendais à un peu plus de souplesse de leur part. Cela reste malgré tout correct et il est possible d'intervenir dessus pour améliorer le résultat puisqu'il y a un réglage de l'hydraulique aussi bien à l'avant qu'à l'arrière, ce qui est rare à ce niveau de prix (la Rieju 500 Aventura offre également cette possibilité).
Nous sommes sur le chemin du retour et je dois reconnaître que je ne serais pas contre une prolongation de cet essai. C'est bon signe. Cela montre que, malgré mes quelques critiques, je suis en phase avec cette petite 450. La minuscule bulle (réglée en position haute avec facilité et d'une seule main) se révèle bien plus protectrice que je ne l'aurais pensé. L'option bulle haute me parait toutefois nécessaire pour les gros rouleurs.
Quelques lignes droites permettent d'augmenter la vitesse et le tirage court se confirme. A 6000 tours/minute, le compteur indique 103 km/h. A 130 km/h, on ne doit pas être loin de 8000 tours/minute, ce qui commence à faire beaucoup! Si j'étais possesseur d'une telle machine, je tenterais l'installation d'un pignon de sortie de boîte avec une dent de plus. Je suis persuadé que le moteur, avec la disponibilité dont il fait preuve, supporterait sans problème ce rallongement de la démultiplication.
Il est temps de rendre la moto à son propriétaire. Alex n'est pas du genre langue de bois et il reconnaît le petit problème de la connexion poignée de gaz-injection (signalé en outre par d'autres motards ayant essayé la moto). De même, il a constaté lui-même la sécheresse des suspensions après une séance de tout-terrain engagée. Pour le moteur, il y a espoir que le constructeur réagisse puisque la 800 avait également ce problème lors de son arrivée sur le marché et qu'elle avait fait l'objet d'une modification de la cartographie en cours d'année qui avait donné satisfaction. Pour les suspensions, il a indiqué qu'il allait se pencher sur les réglages pour améliorer la situation. Je lui ai fait part du rallongement possible de la démultiplication.
On en profite pour faire un tour de la machine. Sous la selle, les fusibles, la batterie et le filtre à air sont accessibles. On trouve un trousse à outils. C'est net et dans la continuité de cette moto qui m'a donné une bonne impression de qualité.
Au niveau de l'équipement, on trouve un sabot de protection en aluminium, des pare-mains, un porte-bagages, des rétroviseurs basculants (en cas d'utilisation en tout terrain), des jantes à rayons tangentiels pour une monte en pneus tubeless et des leviers ajustables en écartement. Plutôt conséquent quand on tient compte du prix (6490 euros).
Petit bémol pour un rouleur comme moi, c'est la fréquence des révisions (5000 kilomètres) alors que c'est tous les 12 000 kilomètres sur ma monture. Avec mon kilométrage de 30-35 000 kilomètres par an, il me faudrait un abonnement annuel spécial révision...
En conclusion, cette CF Moto m'a dévoilé bien des atouts. Le choix d'un bicylindre plutôt que le monocylindre chez Royal Enfield et Triumph recueille mon assentiment car je me sens plus en phase avec cette architecture mécanique. Le calage à 270 degrés a donné un moteur que je qualifierai de réussi même si je souhaiterais quelques améliorations pour le rendre plus agréable au quotidien. A noter que l'ordinateur de bord a indiqué une consommation moyenne de 3,6 litres/100 lors de cet essai. A confirmer en procédant à un contrôle plus précis avec la fameuse règle de trois lors de chaque plein avec la remise à zéro du totalisateur journalier car je ne sais pas quel est le pourcentage d'erreur de cet ordinateur de bord.
J'aimerais pouvoir ré-essayer cette moto une fois la cartographie revue, munie d'une démultiplication plus longue et sur un parcours plus conséquent pour avoir une opinion plus avancée mais, d'ores et déjà, je pense qu'elle va rencontrer le succès.
Pour ma part, je suis heureux de voir que la catégorie des trails de moyenne cylindrée s'étoffe. Des motos simples, pas trop lourdes, économiques à l'achat et à l'usage et dispensant du plaisir comme ma Honda me le montre depuis 5 ans. Continuez, Messieurs le constructeurs à vous intéresser à cette frange trop longtemps ignorée.
Caractéristiques techniques