Pour le week-end de Pâques, mon concessionnaire préféré m’a fait un double cadeau. Non, il n'a pas caché deux oeufs en chocolat dans ma sacoche de réservoir. Par contre, en plus de me prêter une moto, il m’a offert un voyage dans le temps.
Un cadre simple berceau interrompu, un petit monocylindre refroidi par air, deux amortisseurs à l’arrière, une fourche riquiqui, l’examen de la bestiole qui m’attend au chaud dans le magasin me ramène quelques longues années en arrière, quand j’étais venu chercher ma première moto, la légendaire Honda 125 CG.
Celle-là a revêtu un habit rouge flamboyant , comme pour faire oublier le ciel chargé de nuages à l’extérieur.
Vu la météo pourrie annoncée, je transfère les manchons de la 125 Varadéro sur le petit mono.
Il faut croire que je suis inspiré car la pluie redouble de violence au moment de mon départ.
Quand faut y aller, il faut y aller ! Faisant fi de l’averse, je me plonge dans la circulation tarbaise d’un vendredi soir. Les premiers tours sont presque hésitants tant la légèreté de la moto me donne l’impression d’être au guidon d’une mobylette.
Le petit moteur, dans un poum-poum bien sympathique, fait preuve d’une souplesse très agréable, et la boîte est typiquement Honda, c’est à dire d’une douceur exquise, comme j’aime.
Malgré le temps exécrable, je décide de rentrer chez moi par les chemins détournés, via les coteaux.
Comme on dit « Cela m’ aurait plus plu s’il avait moins plu » d’autant que le vent se met de la partie . En attendant de meilleures conditions pour exploiter un peu plus la moto, je me contente de rouler tranquillement en appréciant une position de conduite agréable, légèrement surélevée, avec des jambes pas trop repliées.
Dans un virage en descente, j’ai droit à une « glissouille » de la roue arrière qui me réchauffe instantanément ; je mets ça sur le compte d’un changement d’adhérence , mais quand, quelques kilomètres plus loin, je sens de nouveau une roue éprise de liberté, j'abandonne toute velléité de conduite sportive.
J’achève tranquillement mes 55 kilomètres et laisse le petit mono sécher dans le garage. Demain, la météo annonce un temps désespérément pluvieux, mais il en faut plus pour me décourager.
A minuit, Jean-Roland arrive de Dordogne, complètement détrempé au guidon de sa Suzuki Bandit 650, après six heures de route , mais il a l’œil brillant et le sourire. Le permis tout frais en poche, il a délaissé sa petite 125 Yamaha pour un « gros » quatre cylindres et, manifestement, sa nouvelle monture le rend heureux.
Le lendemain, le poêle à bois cherche à nous retenir autour de sa douce chaleur, mais l’envie de rouler est la plus forte. C’est bien harnachés que nous quittons Pau sur les petites routes sinueuses, direction la côte Basque, avec l’espoir , sinon de rencontrer le soleil, tout du moins que la pluie nous épargne un peu.
Très vite, je comprends que je ne ferai pas frotter les repose-pieds aujourd’hui. Déjà que ce n’est pas le genre de la maison, une tenue de route assez approximative finit de me convaincre qu’il serait dommage d’aller ramasser la petite CBF sur les bas côtés. J’ai la confirmation de ce que j’avais ressenti la veille, les pneus de marque TVS Tyres sont, comment dire ….. peu adaptés à des conditions de route présentant un taux d’humidité élevé, pour rester poli!
Hier, j’avais vu qu’ils étaient fabriqués en Inde. Un rapide coup de téléphone à l’usine indienne m’a permis d'en savoir un peu plus Le responsable de fabrication, malgré l'heure matinale (décalage horaire oblige) m'a donné ces informations précieuses: "Nous fabriquons deux types de pneus: les PPM et les HPM. Les premiers, ce sont les pneus « Pendant la Période de la Mousson », les autres sont ceux « Hors Période de la Mousson ».
La mousson durant très peu de temps, la demande est beaucoup plus importante pour les modèles HPM qui sont fabriqués en plus grande quantité et 90% des motos sont équipées de ces pneus" (NB : mes connaissances en Hindî étant malgré tout limitées, je ne garantis pas l’exactitude de la traduction…….)
J’adapte donc ma conduite en évitant une conduite trop optimiste dans les virages en aveugle, mais, malgré tout, je me fais plaisir au guidon de cette petite moto.
En effet, son moteur emmène bien l’équipage, avec un couple qui permet des reprises vigoureuses (pour la cylindrée) à moyen régime.
Le déluge que nous traversons après Oloron Sainte Marie me permet de constater que le petit tête de fourche protège très bien …. le tableau de bord qui reste lisible. Ce dernier est plutôt bien fini, comme le reste de la moto, d’ailleurs. Malgré un prix au ras des pâquerettes, elle ne donne pas l’impression d’un traitement à l’économie : deux béquilles, un garde-boue avant bien enveloppant qui joue très bien son rôle protecteur, un lèche roue à l’arrière , deux rétroviseurs efficaces et ne vibrant pas un poil, un bouchon de réservoir sérieux, une jauge à essence, des ajustements précis.
La pluie se calme quelque peu et nous profitons de la beauté du paysage alors que nous entrons dans le pays Basque. L’architecture change, l’herbe semble encore plus verte et les moutons manech à tête noire font leur apparition.
Je me sens bien sur cette moto. La selle, un peu ferme au premier abord, se révèle confortable et les suspensions réagissent bien sur les nombreuses inégalités. Je craignais des amortisseurs « pompe à vélo » comme ceux que j’avais connus sur mon CG mais ils répondent bien, en accord avec la petite fourche, amplement suffisante pour les 128 kgs, tous pleins faits de la moto.
Une taverne très espagnole nous accueille à Saint Jean Pied de Port et une constatation s’impose : la moto, même sous la pluie, même avec 11,3 chevaux, c’est du PLAISIR !
Justement, Madame la Pluie décide de nous oublier quelque peu et nous attaquons le col d’Ispéguy sur une route presque sèche. Enfin, je peux me lâcher un peu sur ce revêtement bosselé. Le petit mono rugit de bonheur et je m’éclate dans ces enchaînements de virages où la maniabilité de l’ensemble fait merveille. S’ensuit la descente côté espagnol avec des épingles, en veux tu en voilà, dans lesquelles le petit mono plonge avec délectation, d’autant que nos voisins Ibériques ont , comme souvent, mis à notre disposition une route au revêtement parfait.
Le rythme plus élevé me permet de constater que le frein à disque avant est puissant, avec un bon ressenti au niveau du levier. La moto se balance avec une facilité incroyable. C’est un véritable jouet dans les descentes où la puissance importe peu.
A force de monter et de descendre (nous avons même trouvé un col à l’altitude vertigineuse de 169 mètres, le col d’Ignace!), nous arrivons au bord de l’océan et nous faisons une halte à Biarritz où les vagues déchaînées s’en donnent à cœur joie pour arroser les personnes trop curieuses !
Un arrêt dans une station d'essence permet de constater une consommation faible, malgré un moteur en rodage: 2,53 litres aux 100.
Il est hélas temps de rebrousser chemin et nous empruntons la nationale jusqu’à Pau. C’est l’occasion de voir que la Honda CBF ne s’en sort pas trop mal sur cette route aux virages trop peu nombreux en tenant un petit 90-100. Les dépassements nécessitent parfois la position de la « limande » afin de gagner quelques précieux kilomètres /heure. Cela permet de rester jeune ! A cette allure, je suis surpris du peu de vibrations du moteur qui me berce de son bruit sympathique.
Celui qui commande le temps tient à arroser dignement le permis de Jean-Roland, sa nouvelle moto et la Honda 125 CBF en nous gratifiant d’une pluie copieuse jusqu’à l’arrivée. Pour me consoler, je regarde régulièrement la jauge à essence qui descend presque à regret vers un 0 encore bien lointain.
Le dimanche de Pâques est encore pire au niveau du temps et nous nous contentons d’une mini virée jusqu'à Oloron Sainte Marie juste destinée à vérifier que je n’avais pas rêvé la veille. Hélas non, les pneus, même rodés, jouent Holiday on Ice avec un enthousiasme certain qui réfrène le mien !.