« La Varadéro ne sera pas terminée pour ce week-end, on va te prêter une moto ».
La première partie de la phrase est un brin contrariante, mais la deuxième me redonne le sourire. D’autant que, ce vendredi soir, veille du 1er mai 2010, c’est une Transalp de démonstration qui m’attend dans la concession. Bleue et blanche, elle m’évoque les maisons tunisiennes ou grecques.
Je suis heureux de reprendre le guidon de cette moto, non seulement parce que la Transalp et moi, c’est une longue histoire d’amour motard de quatorze années et quelques centaines milliers de kilomètres, mais aussi parce que c’est l’occasion de vérifier si, deux ans et demi après avoir essayé ce modèle de la gamme, mon enthousiasme ne s’est pas émoussé. En effet, entretemps, j’ai eu l’occasion de conduire d’autres motos modernes.
Dès les premiers tours de roues, voilà la réflexion qui me vient à l’esprit : « Je m’y sens comme à la maison, comme si j’avais mis mes pantoufles si confortables ».
C’est vraiment la signature de la marque de concevoir des motos aussi accessibles immédiatement. Tout paraît évident à son guidon et je me laisse porter par pom-pom, pas si discret que ça, du V-twin.
Quatre vingt kilomètres de pluie m’attendent, dont une partie de nuit, et, dans de telles conditions, j’apprécie d’avoir une moto qui se fait totalement oublier. Souplesse du moteur, train avant sécurisant, freinage couplé avec ABS, boîte de vitesses très douce, je n’ai plus qu’à me concentrer sur les pièges de la route.
Le lendemain matin, une journée de travaux de peinture m’attend mais, heureusement, 40 kilomètres me séparent du chantier et la journée commence agréablement au guidon de la Transalp. Il est tôt dans le quartier endormi et j’évite de la laisser chauffer à l’arrêt car elle a un bruit plaisant, mais peut-être un peu fort pour des oreilles étrangères au monde motard ! En tout cas plus que mes Transalp précédentes, ce qui est étonnant.
Je me régale dans les ronds-points qui jalonnent la sortie de la ville car la moto est vive et sécurisante à la fois ; elle me met en confiance et me donne envie de prendre de l’angle ; à la sortie , le moteur bien rempli tracte l’ensemble avec une vigueur plaisante dans un martèlement caractéristique. J’aime ces petits matins, quand les routes sont désertes, quand on assiste à la naissance du jour, quand on traverse les villages sur le réveil. J’aime cette fraîcheur qui caresse le visage quand j’ouvre la visière embuée, j’aime les premiers rayons de soleil qui arrivent comme la promesse d’un bonheur quotidien .
Et, j’en suis sûr, j’aime cette Transalp qui correspond à ce que j’attend d’une moto. Je sais qu’elle n’est pas la plus puissante de sa catégorie, mais je préfère nettement les reprises à bas régimes que les envolées dans le haut du compte-tours ; j’ai conscience qu’il y a des motos avec un châssis et des suspensions plus évolués ( BMW 800 GS par exemple) , mais sur cette Transalp, je ressens une sérénité, un bien être naturel qui va au-delà des qualités propres de la moto. C’est difficile à expliquer, mais je comprends pourquoi, après une première Transalp, j’en ai acheté une deuxième, puis une troisième. Tout simplement parce que cette moto joue parfaitement son rôle de compagnon de route rassurant, drôle, mais sans excès, vaillant, toujours prêt à rendre service et à qui on a envie de rendre la pareille. Elle est faite pour une relation durable qui va au-delà des sensations fugitives que l’on peut éprouver pour une moto « de caractère », mais pas toujours vivable au quotidien.
La pluie qui s’invite à l’arrivée sur Tarbes ne parvient même pas à me contrarier. Je constate juste que les imposants pare-mains jouent parfaitement leur rôle protecteur.
A dix neuf heures, après avoir consommé quelques pots de peinture, l’envie est trop forte de rallonger le chemin du retour via les coteaux. Les courbes se succèdent, la route monte et descend , je me laisse porter par ce moteur si plaisant dans les bas régimes. Et la moto enchaîne les virages naturellement avec un train avant qui obéit au doigt et à l’œil, autorisant une conduite rapide-coulée que j’affectionne tant.
Entre mes jambes, le V-twin vit, avec, à l’accélération, un bruit qui donne l’impression d’avoir un moteur de plus grosse cylindrée.
Le lendemain, deuxième journée de peinture pour moi et, en fin d’après-midi, je décide d’aller voir du côté du piémont si l’herbe y est plus verte …. et surtout si les virages y sont plus nombreux. La route devient plus étroite, les gravillons s’invitent, les dénivelées sont plus importants et les Pyrénées s’offrent à mon regard. Le revêtement est encore mouillé et incite à la prudence. J’en profite pour user et abuser du freinage couplé si rassurant dans de telles conditions. Non seulement parce qu’il permet d’avoir une puissance de décélération sans plongée excessive de la moto, mais aussi car la main droite reste bien serrée sur la poignée pour guider avec précision la moto dans les virages.
Sur ces routes bien bosselées, l’amortisseur joue bien son rôle, effaçant les inégalités. Lors de mon premier essai, c’est sur ce point que j’avais été le plus critique, car la moto m’avait paru moins confortable que mes Transalp 600. Je pense que le réglage de l’amortisseur n’était pas le même ( facile, avec un tournevis). Je dirais maintenant que la nouvelle Transalp a perdu la souplesse, voire la mollesse des 600, mais, qu’en contrepartie, elle est plus rigoureuse en permettant une conduite plus incisive. Un bon compromis.
A Lourdes, la pluie décide de faire un bout de route avec moi. Cela me permet de vérifier l’efficacité des pneus Bridgestone installés sur la moto qui, alliés au comportement facile de la partie cycle, me permettent des prises d’angle sans trop de retenue.
Ces 350 (trop) courts kilomètres ont été pour moi une piqure de rappel. Maintenant, j’en suis certain, la Transalp 700 est la moto qui me convient. Dans les essais de la presse spécialisée, je lis souvent les termes de « moto fade, sans caractère avec un moteur un peu juste en puissance ».
J’en déduis que je n’ai pas les capacités pour devenir un journaliste moto !
Car, le caractère, je le trouve dans le bruit du V-twin, dans cette « force tranquille » qui tracte la moto entre 2000 et 5000 tours/minute, dans ce train avant qui autorise les mises sur l’angle optimistes, dans ce freinage sur lequel on peut compter en cas d’urgence ou parce que l’on a décidé de hausser le rythme.
Je sais aussi que les gens de caractère sont souvent insupportables au quotidien et, pour ma part, je préfère nettement ceux qui, sous une certaine discrétion, révèlent chaque jour leurs qualités.
Comme, dans le domaine de la moto, mes Transalp 600 ont su le faire.
Comme, je le pressens, cette Transalp 700 en serait capable.
Oui, je l’avoue, pour ceux qui ne l’auraient pas encore compris, J’AIME LES TRANSALP !