Comme cela avait été le cas il y a quelques mois avec la HONDA CBR 650 R E-Clutch, en me mettant au guidon de la Yamaha MT 09 Y-AMT, ce n’est pas la moto que je viens essayer, mais la nouvelle transmission dont elle est équipée.
Il y a 14 ans, je faisais ma toute première expérience d’une moto munie d’une boîte automatique, la VFR 1200 et, depuis, j’ai eu la chance de tester cette boîte DCT à double embrayage sur tous les modèles de la gamme Honda, assistant à son évolution permanente.
Je dois reconnaître avoir été séduit à chaque fois d’autant que j’ai pu constater à quel point elle progressait au point d’atteindre un degré d’excellence sur l’Africa Twin de 2024. Un résultat impressionnant.
L’absence de réaction de ma part des constructeurs concurrents m’étonnait car les chiffres de vente étaient révélateurs d’un certain engouement de la clientèle après les premiers débuts discrets. En effet, Honda a vendu en Europe 240 000 machines équipées de la technologie DCT et 66 % des clients de la NT1100 l’ont choisi en version DCT.
En cette fin d’année 2024, le cavalier seul du premier constructeur mondial se termine. BMW et Yamaha ont présenté leur version de la boîte "automatique" et KTM a embrayé peu de temps après...
En attendant de tester le grosse BMW, c’est la Yamaha qui est retenue en cette belle journée ensoleillée du 16 novembre.
A la différence de Honda, Yamaha n’a pas élaboré un double embrayage. Pourquoi? Sûrement pour des raisons de coût et aussi peut-être parce que c’est complexe à mettre en oeuvre. L’essentiel pour moi est que cette transmission donne toute satisfaction.
Il y a quelques jours, je me suis plongé dans le dossier "Spécial transmissions robotisées" publié par la revue Moto Magazine dans son dernier numéro avec les essais des Honda CBR 650 R E-Clutch et Gold Wing DCT, BMW R 1300 GS ASA, Yamaha MT 09 Y-AMT, Kawasaki Ninja 7 Hybrid et même d’un trois roues, la Can-Am Spyder RT.
Les conclusions de l’article faisaient état du "système semi-robotisé le plus abouti" pour la Yamaha. Cela semblait plus perfectible sur la BMW.
J’avais hâte de me faire ma propre opinion.
Thomas, de la concession Yam65 de Tarbes me montre brièvement l’ergonomie du guidon. Cela ressemble à ce que j’ai l’habitude de trouver sur les modèles DCT de Honda. Plus de levier d’embrayage ni de sélecteur, deux palettes au commodo gauche pour intervenir manuellement dans le passage des rapports. A droite, il y a un mode D pour Drive qui signifie que l’on laisse la boîte tout gérer et un mode Street où l’on passe soi-même les vitesses. Comme sur les Honda, même en mode automatique, on peut intervenir à tout moment sur la boîte.
Terminé la clef que l’on glisse dans le barillet, la clef de contact reste dorénavant dans la poche.
Pour que le moteur se réveille, il faut actionner en même temps le levier de frein. Le trois cylindres se fait entendre avec sa sonorité particulière (très agréable). Beaucoup sont amoureux de ce moteur qui sait allier souplesse, couple solide et explosivité dans les tours. Même s’il ne correspond pas à ce que j’attends d’un moteur, je lui reconnais bien des qualités.
Le passage de la première se fait dans un clonk un peu trop présent pour moi. Je m’élance dans la ligne droite en mode automatique. Les rapports supérieurs s’enclenchent. Je ralentis, réaccélère. Il ne m’a fallu que quelques kilomètres pour avoir un début d’impression sur cette boîte robotisée. Comparée à la boîte DCT, je note le petit temps de latence entre chaque vitesse et, en outre, il s’accompagne d’un claquement pas très agréable. Je dois préciser que j’aime les boîtes de vitesses précises et silencieuses et que, dans mon pilotage, je m’applique pour que le passage des vitesses soit le plus "propre" possible. J’aime arriver à une sorte de continuité entre les rapports en gérant le mieux que je peux l’embrayage et le sélecteur. J’attends donc d’une boîte automatique qu’elle m’offre à minima cette douceur dans son fonctionnement.
J’ai maintenant quitté la route principale et mon itinéraire se fait plus tortueux. Au delà des réactions de la boîte, je note que ce roadster (catégorie qui n’est pas ma tasse de thé) se comporte de manière bien élevée, j’entends par là qu’il s’avère facile de prise en main, avec une partie cycle assez évidente et un train avant beaucoup plus agréable que celui des premières Tracer O9 à la vivacité trop forte. De plus, la position de conduite est assez naturelle avec un guidon large et assez haut. Le freinage est puissant mais sans aucune violence.
Mais mon attention se reporte sur cette fameuse boîte qui ne parvient pas à me séduire. Même en sollicitant modérément la poignée de gaz, la 6ième passe le plus souvent à une vitesse supérieure à 90 km/h alors que j’ai envie de flâner en profitant de l’excellente souplesse du moteur. Comparée à la DCT des Honda, cette boîte a été paramétrée sur un mode plus sportif ( je n’ai pourtant pas essayé le mode D+ qui est prévu pour un passage des rapports plus dynamique). Il faut dire que ce trois cylindres a du caractère d’origine! Yamaha s’est calqué sur ses caractéristiques propres. Les bruits lors des passages des vitesses, surtout sur les rapports inférieurs, ne m’enthousiasment guère.
Allez, je tente le mode manuel pour maîtriser un peu mieux cette boîte. Bon point, les palettes sont accessibles avec le pouce (pour rétrograder) et l’index (pour monter les rapports). Maintenant, c’est moi qui suis à la manoeuvre et je peux passer les vitesses dans la zone basse du compte-tours. Malheureusement, les claquements n’ont pas disparu pour autant.
J’en viens à préférer le shifter à cette boîte robotisée tant il m’avait semblé performant lors de mon essai de la Niken en janvier dernier. D’ailleurs, c’est le shifter qui prend le relais au delà des 4000 tours/minute, avec juste la coupure d’allumage. Ce ne sont plus les petits moteurs électriques (dénommés actuateurs) qui sollicitent l’embrayage. J’ai sollicité un peu plus la poignée des gaz pour vérifier cela et, effectivement, le fonctionnement de la boîte de vitesses devient alors plus agréable mais le rythme devient vraiment plus rapide et sportif avec ce trois cylindres plein de vie et cela ne correspond pas à ce que j’attends d’une moto. Je me complais plus dans la zone basse du compte-tours avec un moteur plus coupleux et linéaire.
Ma petite heure d’essai se termine et je rentre à la concession pas complètement convaincu par cette boîte, même si elle permet de rouler sans avoir à actionner le levier d’embrayage et le sélecteur. Car son fonctionnement s’accompagne de nombreux claquements qui gâchent le plaisir. De plus, elle est loin d’offrir la douceur et l’extrême rapidité de la boîte DCT des Honda en faisant sentir ce petit temps mort entre chaque vitesse (bien que Yamaha annonce un changement de rapport en 1/10e de seconde). Peut-être que ma très grande sensibilité a joué en défaveur de cette moto et que certains seront moins exigeants que moi à ce niveau. A chacun de faire son essai pour juger de la pertinence de cette boîte.
Il est clair pour moi que Honda a une sacrée longueur d’avance avec sa technologie unique du double embrayage. Elle est certes plus lourde (10 kilos environ) et plus coûteuse (+ 1000 euros) mais son fonctionnement "transparent" est largement au dessus en ce qui concerne l’agrément procuré. Il faut dire que cette technologie du DCT a énormément évolué au fil des 14 années passées.
Je me pose également la question sur la pertinence d’une boîte robotisée pour un tel moteur connu pour son caractère sportif. Le trois cylindres se marie très bien avec le shifter comme j’ai pu m’en rendre compte (un peu moins évident dans la descente des rapports toutefois), mais cette boite robotisée est loin de le mettre en valeur.Il y a comme une sorte d’incompatibilité entre les deux. Malheureusement, le constructeur ne possède pas actuellement de motorisation avec des caractéristiques plus orientées tourisme et donc plus enclines à recevoir une telle transmission.
En conclusion, l’Automated Manual Transmission de Yamaha ne m’a pas paru suffisamment aboutie pour me convaincre.
Je me pose la question: est-ce que des évolutions futures de cette transmission permettront de diminuer, voire de supprimer les défauts constatés lors de mon essai ou est-ce que le choix de cette technologie simplifiée (par rapport à celle du double embrayage) limitera forcément les progrès possibles?
Wait and see...
Caractéristiques techniques
- Moteur : Moteur 3 cylindres en ligne CP3, Quatre temps, Refroidissement liquide, Double arbre à cames en tête, Quatre soupapes
- Cylindrée : 890 cm³
- Alésage x course : 78,0 × 62,1 mm
- Taux de compression : 11,5 : 1
- Puissance maximale : 87,5 kW (119,0 ch) à 10 000 tr/min
- Puissance de la version bridée : Version A2 bridée : 35,0 kW (47,6 ch) à 6 000 tr/min Version A2 débridée : 70,0 kW (95,2 ch) à 9 000 tr/min
- Couple maximal : 93,0 N.m (9,5 m.kgf) à 7 000 tr/min
- Lubrification : Carter humide
- Embrayage : À bain d'huile, Multidisque
- Allumage : Allumage électronique (TCI)
- Mise en route : Démarreur électrique
- Transmission : Prise constante, Six vitesses
- Transmission finale : Chaîne
- Consommation de carburant : 5,0 L/100 km
- Émission de CO₂ : 116 g/km
- Admission : EFI (injection électronique)
- Cadre : Diamant
- Angle de chasse : 24º40’
- Chasse : 108 mm
- Suspension avant : Fourche télescopique inversée KYB de 41 mm de diamètre, entièrement réglable, débattement 130 mm
- Suspension arrière : double bras oscillant, biellettes de suspension, mono amortisseur KYB entièrement réglable, débattement 117 mm
- Frein avant : Double frein à disque de 298 mm de diamètre à commande hydraulique
- Frein arrière : Simple frein à disque de 245 mm de diamètre à commande hydraulique
- Pneu avant : 120/70ZR17M/C (58 W) Tubeless
- Pneu arrière : 180/55ZR17M/C (73 W) Tubeless
- Longueur : 2 090 mm
- Largeur : 820 mm
- Hauteur : 1 145 mm
- Hauteur de selle : 825 mm
- Empattement : 1 430 mm
- Garde au sol minimale : 140 mm
- Poids tous pleins faits : 196 kg
- Capacité du réservoir d'essence : 14 L
- Capacité du réservoir d'huile : 3,50 L