Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

Voyage à Djanet - Plateau du Fadnoun

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8 / LE PLATEAU DU FADNOUN

Lundi 17 décembre 1990. 13 heures. Je savoure un moment de douce quiétude, assis sur les marches d’une petite place à Illizi, un verre de thé à la main. Je songe à la folle journée d’hier ; j’en ai d’ailleurs ressenti les conséquences aujourd’hui et les 250 kilomètres entre In Amenas et Illizi m’ont paru un peu longs. Ici, je retrouve enfin un « vrai » village, calme, avec ses ruelles et ses petits magasins. Surprise, beaucoup de constructions sont en pierre ; il est vrai que je viens de quitter les dunes de l’erg oriental et le sol est beaucoup plus rocailleux dans la région.

Dans ce village perdu, il y a .... une auberge de jeunesse. En fait, un bâtiment délabré et désert. Le gardien du lieu est en train de nettoyer la chambre avant que je m’installe ; vu le nombre d’objets hétéroclites qu’il sort de la pièce, j’ai plutôt l’impression qu’il vide un vieux débarras !

J’ai la carte sous les yeux ; Alger est à près de 2000 kilomètres au nord, Djanet n’est plus qu’à 430 kilomètres mais, à partir d’Illizi, il n’y a plus que de la piste. Je viens d’effectuer les pleins d’eau et d’essence. Je suis heureux de pouvoir me reposer une bonne partie de la journée avant le départ de demain. Je sens monter en moi un mélange d’excitation et d’angoisse avant d’affronter la plus dure partie de mon voyage.

A 17 heures, le patron du restaurant ne se formalise pas quand je lui demande si je peux manger en plein après-midi. Cinq minutes plus tard, je dévore mon poulet-frites ; vingt minutes après, je m’attaque au second. Rassasié, je déambule dans les ruelles poussiéreuses de la ville. L’atmosphère n’est pas la même ici ; outre la chaleur, les hommes sont souvent noirs et superbes dans leur chèche blanc. Je suis le seul étranger.

 

 

Mardi 18 décembre 1990. 18 heures. Autour de moi, un paysage lunaire composé de cailloux gris-noirs. Derrière la tente, un énorme rocher aux formes inquiétantes érodées par le temps devrait me protéger du vent qui se lève. Au dessus de moi, de gros nuages noirs menacent. Je suis seul et je me sens seul. La journée a été éprouvante physiquement et moralement. Je suis parti au lever du jour et, dès les premiers kilomètres, j’ai emprunté une piste très dure, caillouteuse, avec parfois de véritables marches de près de trente centimètres à passer au pas.

 

La moto geignait, grinçait, claquait, craquait. Il m’était impossible de dépasser les 30 kilomètres-heure. Au kilomètre 90, je faisais une halte, découragé. Ma lourde moto me paraissait tellement inadaptée à cette piste cassante. Il m’avait fallu 5 heures 30 pour parcourir 90 kilomètres. Je me sentais désemparé et envisageais de rebrousser chemin ; j’avais le sentiment que j’allais casser ma moto sur ce plateau du Fadnoun.

 

Après un long moment de doute, je repris mon chemin pour arriver, au coucher du soleil dans ce qui sera mon campement cette nuit. J’ai parcouru 168 kilomètres aujourd’hui en roulant 10 heures d’affilée ; une sacrée moyenne ! La moto semble avoir tenu le choc. Il y a quelques heures, je croisais l’unique 4X4 de la journée avec, à bord, un groupe d’Algériens ; le conducteur à bord paraissait inquiet de me voir sur cette piste si peu fréquentée. « Il ne faut jamais rouler seul ici » me reprocha-t-il « c’est beaucoup trop dangereux ». J’étais d’accord avec lui mais il n’y avait pas énormément de candidats pour m’accompagner à la sortie d’Illizi !

Au moment de m’endormir, j’ai du mal à réaliser que je suis seul dans ce plateau de cailloux.