Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

Voyage à Djanet - Scènes de vie

Index de l'article

 

6 / SCENES DE VIE
Nous mangeons chez Ali où je rencontre furtivement sa sœur. Elle nous apporte le couscous et s’éclipse discrètement. Mon compagnon me parle longuement des difficultés économiques de son pays, de l’impossibilité pour les Algériens d’aller à l’étranger. Les voitures sont hors de prix et le crédit est inexistant. Cela paraît incroyable mais, si l’on veut acheter une télévision, il faut au préalable passer la commande à un magasin d’Etat et attendre des années ; cela favorise la corruption et les postes s’achètent souvent au marché noir au double du prix officiel.

Ce matin, le taxi me paraissait pourri ; celui qui nous ramène à Débila l’est vraiment. A chaque bosse, je sens nettement le chassis se tordre de douleur, l’intérieur est dans un état pitoyable : plus de poignées de porte ou de vitre, tableau de bord hors service, bruits divers et inquiétants et suprême raffinement dans ce décor irréel, la présence d’un extincteur dont je doute de l’état de marche.

Comme pour finir de me convaincre des différences entre nos deux pays, je décide de vidanger ma moto en prévision de la suite de mon voyage. Simple formalité ? A voir. Au garage du village, le pompiste m’indique qu’il ne vend pas d’huile. J’en suis quitte pour une promenade de 20 kilomètres jusqu'à El Oued. A la station d’essence, on m’informe que l’on ne vend pas de bidon d’huile en bidon, uniquement en fût. Je me rends donc au marché pour acheter un bidon en plastique, retourne au garage où on me le remplit. Je rentre alors à Débila où le pompiste laisse à ma disposition un hangar sablonneux et sombre pour effectuer ma vidange. Je mécanique donc avec la hantise que du sable ne pénètre dans le moteur. J’achève enfin cette « opération de routine ».

Je rejoins Salah sur son lieu de travail ; il m’invite à boire le thé avec ses collègues .... à l’exclusion de la seule femme présente. Plus tard, alors que nous arrivons à la maison de Salah, ce dernier sonne. Mabrouka demande qui est là, son mari répond, rentre et après une courte attente nous invite à pénétrer dans sa maison en nous dirigeant directement dans le salon sans voir Mabrouka. Nous nous asseyons sur les coussins, à même le sol. Salah part à la cuisine et nous ramène le repas. Nous ne verrons pas Mabrouka tout au long de cette soirée. Cette situation me choque, mais je n’ose pas aborder le sujet tant elle semble naturelle pour mes amis Algériens. Au cours de la soirée, beaucoup de sujets sont abordés, notamment politiques. Contrairement à ce que j’ai pu constater au Maroc où critiquer Hassan II semble inconcevable, ici, on n’hésite pas à remettre en question les personnes au pouvoir. Où va l’argent du gaz et du pétrole ? se demandent mes amis. Pourquoi la vie quotidienne se dégrade-t-elle à ce point ? Est-il normal que l’on ne puisse même pas trouver des pièces détachées pour les automobiles ? Depuis mon arrivée en Algérie, j’ai effectivement remarqué qu’un nombre impressionnant de voitures n’avaient plus de démarreur en état de marche et j’ai poussé à plusieurs reprises certaines d’entre elles à la sortie des stations d’essence pour aider les conducteurs à démarrer. Je ressens une grande lassitude chez mes amis.