Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

L'envol (tome 2) - chapitre 25

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Chapitre 25

 

« Et je suis arrivée, il y a trois jours, en bus. Je suis allée au café du village et j’ai rencontré une personne qui te connaissait. Elle m’a présenté Azid et ce dernier m’a laissé les clefs en attendant ton retour ».

Maud conclut son long monologue au cours duquel elle lui avait raconté le pourquoi de sa présence.

Sa vie au quotidien parsemée de quelques lettres en provenance d’Afrique, la carte routière qu’elle avait installée au mur et qui lui permettait de suivre son voyage, son dernier courrier dans lequel il lui racontait la construction de sa maison, le sentiment étrange alors que son voyage était au point mort, ce besoin soudain de lui rendre visite.

Et, la décision d’acheter un billet d’avion, le sac de voyage préparé presque dans l’urgence, le train, l’aéroport, l’arrivée au Caire, la peur panique qui l’avait envahie dans la folle circulation égyptienne, le bus qui avait pris la route des oasis, son arrivée dans ce petit village perdu.

Son installation dans sa maison, les relations qui s’étaient nouées tout de suite avec certaines femmes du village avec lesquelles elle avait passé de longs moments.
Elle expliquait tous ces évènements, simplement, comme s’ils s’imposaient d’eux-mêmes. Elle avait agi ainsi parce qu’il était évident qu’elle ne pouvait faire autrement.

C’était son premier voyage sur un autre continent, mais elle semblait évoluer dans ce monde nouveau avec un naturel désarmant. Chris l’écoutait, la regardait, avec étonnement et admiration.

Il aimait chez elle cette faculté à accepter les évènements de la vie tels qu’ils se présentaient. Ils avaient installé une couverture devant la maison et s’étaient assis sous les palmiers. La chaleur s’estompait quelque peu et une légère brise caressait leur visage. Chris prit une gorgée de thé avant de commencer à parler ; il avait tant à lui raconter.

 

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La route défilait sous les roues du Scrambler. Tout contre lui, il sentait le corps de Maud, installée à l’arrière. Heureux de sa présence, triste à l’idée de son départ tout proche.

Dans quelques centaines de kilomètres, ils arriveraient au Caire où son avion l’attendait. Après deux semaines merveilleuses en sa compagnie. En la revoyant, il avait rêvé que son voyage deviendrait le leur, mais elle lui avait très vite dit qu’elle ne faisait que passer.

Et, un soir, alors que Chris jouait avec un des enfants d’une maison voisine, dans la palmeraie, elle lui avait appris qu’elle était sur le point d’adopter un petit garçon, après des années d’attente, de tracasseries administratives. Elle espérait que, bientôt, la situation allait arriver à terme.

Depuis son accident de voiture, elle ne pouvait plus procréer et elle avait mis toute son énergie dans cette procédure d’adoption.

« Mon avenir est en France, aux côtés de cet enfant. Le tien est dans la poursuite de ce voyage. Tu dois aller jusqu’au bout de ton projet et, quand tu l’estimeras terminé, tu pourras t’arrêter dans le Lubéron. Pour un instant seulement, ou peut-être plus. Tu es dans mon cœur et je te suivrai par la pensée, je serai avec toi dans tes périodes de doute et de bonheur. Aujourd’hui, nous avons tous les deux des chemins différents à emprunter ; j’espère, très fort, qu’ils se rejoindront un jour prochain. Nous allons, chacun de notre côté, vivre des moments intenses. Un jour, peut-être, c’est ensemble que nous poursuivrons cette route de la vie. Ou peut-être pas. Mais, cet amour que nous avons l’un pour l’autre ne s’évanouira pas, je le sais. Je sens trop qu’il est à l’abri du temps et je veux que tu saches que je pars sereine ».

Le hall de l’aéroport était bondé, bruyant. Ils restèrent un long moment, enlacés, indifférents à l’animation grouillante autour d’eux. Puis, Maud se dégagea doucement et s’en alla d’un pas léger vers la porte d’embarquement. Une dernière fois, elle se retourna, lui sourit. Elle respirait le bonheur avec la perspective proche de cet enfant. Et, elle lui transmettait un peu de ce bonheur. Il lui fit un geste de la main ; elle disparut peu après derrière le mur d’un couloir.

Plus que de la tristesse, c’est un grand vide qui l’envahit alors qu’il rejoignait Voxane. L’amour était trop présent pour qu’il ressente un quelconque désarroi. Il s’assit sur les marches, près de sa moto. Elle semblait prête à repartir après ce long séjour en Egypte.

« On continue notre route ? » lui demanda-t-il, sous l’œil amusé d’un policier en faction.

Il n’attendit pas la réponse tant elle lui paraissait évidente. Une pression sur le démarreur, trois coups de gaz pour manifester son envie de reprendre le cours de ce long chemin. Et, il prit la direction de son petit village.

Là bas, il avait envie de passer quelques belles journées avec ses amis Egyptiens avant son départ.

 

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Hier au soir, la fête avait été à la hauteur de ses espérances. On avait beaucoup parlé, mangé, dansé, joué de la musique.

Une boule au creux de l’estomac, il ferma la porte d’entrée. Puis partit à pied au café rejoindre Azid.

« C’est ta demeure, désormais » lui dit-il en lui remettant les clefs de sa maison. Tous ses amis, un groupe d’hommes et de femmes, étaient venus. Ce mouvement d’amitié le touchait et, en même temps, rendait le départ plus difficile.

Il enfila rapidement son casque, cacha ses yeux qui commençaient à rougir sous ses lunettes de soleil.

Un geste de la main. Le pneu arrière du Scrambler s’enfonça dans le sable, souleva un peu de poussière ; il tapota le réservoir, et se mit à chanter pour s’empêcher de pleurer.

« Les trois petites notes de musique » l'accompagnèrent dans ces premiers kilomètres.