Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

L'envol (tome 2) - chapitre 2

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Chapitre 2

La gare était fréquentée par quelques personnes à cette heure matinale. Il supposa que c´étaient des habitués qui, chaque jour, allaient au travail. En les regardant, il réalisa encore plus fortement qu´il était sorti de ce monde, mais il ne ressentait pas encore le sentiment de liberté qui aurait du l´accompagner.

Il était comme dans un no man´s land, entre deux frontières, quand on quitte un pays mais que l´on est dans l´attente du prochain à découvrir. Il aperçut la locomotive qui perçait la brume du matin. Il prit place sur la banquette de son wagon ; dans un peu plus d´une heure, il serait à Bayonne.

« Bonjour » lui lança l´homme derrière son comptoir avec un franc sourire.

« Alors, tu viens chercher la bête. Elle t'attend, nous l´avons préparée hier ».

A petits pas, Chris se dirigea vers l´atelier. Ce dernier était rempli de motos mais il n´en vit qu´une.

Superbe dans sa livrée orange. Il s´en approcha lentement tout en l´admirant. Il en fit le tour, s´attardant sur chaque détail, s´agenouillant pour mieux apprécier la beauté de cette mécanique. Il n´osa pas la toucher tout de suite et se contenta durant un long moment de la caresser des yeux.

Puis, il l´enfourcha, posa ses deux mains sur le guidon et resta ainsi, le regard porté au loin. Les deux mécanos présents l´abandonnèrent à sa rêverie.

Enfin, il se décida à tourner la clef de contact, les voyants du tableau de bord lui firent de l´oeil. Il appuya sur le bouton du démarreur et le V-twin se réveilla. L´injection stabilisa le régime moteur. Chris enfila son casque et ses gants, débraya délicatement, actionna le sélecteur et quitta sur un filet de gaz la concession. Il avait besoin d´espace pour faire connaissance et il s´empressa de sortir de la ville encombrée pour se laisser porter sur les petites routes basques.

Comparée à sa Transalp, il avait l´impression d´avoir un monstre de puissance sous les fesses et il s´appliqua à être le plus doux possible avec la poignée de gaz. Déjà une heure qu´il roulait et c´était du bonheur à chaque tour de roue.

Son Scrambler se balançait d´un virage à l´autre avec facilité, la boite de vitesses répondait avec précision et surtout, il y avait ce moteur si présent, qui manifestait sa joie à chaque remise de gaz en vrombissant. Il roula, roula, toute la journée, empruntant les routes suivant son inspiration du moment, il traversa des villages perdus, franchit plusieurs cols et, alors que la nuit s´apprêtait à tomber, atteignit l´agglomération paloise.

Encore quelques kilomètres et il stoppa sa nouvelle monture devant le garage. 502 kilomètres, indiquait le totalisateur comme témoin de cette journée à dévorer du kilomètre. Chris retira son casque, le sourire aux lèvres. Il l´aimait déjà, sa nouvelle moto. Elle l´avait emmené dans les coins les plus reculés du pays basque, sur les sommets des routes pyrénéennes, ils avaient franchi ensemble trois cols, elle s´était pliée de bonne grâce à sa boulimie de kilomètres.


Il était sous le charme de cette monture si douce à conduire, qu´il pouvait conduire comme il aimait, à l´instinct. Légère, maniable, elle se dirigeait là où son regard les portait, avec une bonne volonté évidente. Elle lui rappelait sa Transalp qui savait se faire oublier sur les routes sinueuses et il aimait les motos qui, en toute discrétion, taillaient la route à un bon rythme. Il se sentait encore intimidé devant la puissance du Scrambler mais il savait que ce n´était qu´une question de temps. Il rejoignit son appartement en sifflotant ; son esprit s´évadait, rêvant d´horizons lointains.