Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

L'imagination en voyage (tome 1) - chapitre 4

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Chapitre 4

La journée tirait à sa fin et Hamid décida que l'endroit était propice à une halte. Il libéra le chameau
de son chargement, lui attacha les pattes de devant pour qu'il ne puisse pas s'éloigner du campement.
Ils ramassèrent quelques branches pour le feu et préparèrent le repas du soir. Cela faisait sept jours
qu'ils avaient quitté Zagora pour s'enfoncer dans le désert.

Sept jours de solitude, de marche silencieuse au cours desquels Chris eut la sensation de vider son corps de tout ce qui n'était pas essentiel ; seul comptait la recherche du point d'eau, du bois, d'un endroit pour bivouaquer. Lentement, il se détachait du monde qu'il connaissait et il vivait avec une intensité extrême chaque minute, chaque
seconde, tous les sens en éveil. Hamid était peu loquace mais quand il parlait, c'était avec une grande sagesse.

Désert marocain


En l'écoutant, Chris prit conscience qu'il faisait fausse route avec son mode de vie entièrement
tourné vers la société de consommation. Il remettait en question toutes ses certitudes qui l'avaient
guidé jusqu'à maintenant. Mais cela ne le troublait pas ; au contraire, il se sentait chaque jour un peu
plus fort dans sa tête.

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" Je vous souhaite la bienvenue dans notre pays " lui lança le douanier algérien non sans humour
après cinq heures de formalités diverses et variées dans ce poste perdu aux environs de Figuig.
Chris effectua quelques kilomètres la gorge serrée. Il ne pouvait détacher de son esprit les reportages
concernant le drame algérien, les attentats, les exécutions barbares et une peur irraisonnée
l'envahissait. Alors, pour tromper sa peur, il roula sans s 'arrêter ; il se sentait observé dans les
traversées de villages.


Soudain, son moteur cafouilla ; machinalement, il porta la main au réservoir pour passer sur la
réserve mais il y était déjà. Il se traita de tous les noms d'oiseaux d'avoir oublié de mettre la manette
en position ON lors du dernier plein d'essence. La moto finit sa course le moteur éteint ; en la penchant
sur le côté, il put repartir et parcourir quelques kilomètres supplémentaires.

La route était déserte. Il aperçut une maison en retrait à quelques centaines de mètres et poussa sa Transalp sur un
chemin pierreux. C'est avec une appréhension certaine qu'il frappa doucement à la vieille porte bleue. Pas de réponse, la maison paraissait vide.


Chris sentait monter une angoisse qu'il tentait de maîtriser, mais c'était plus fort, la peur s'était emparée de lui. Il aurait tant voulu être dans son petit appartement à ce moment là, dans un environnement rassurant. Pour éviter de se noyer dans ses sombres pensées, il s'assit sur une pierre voisine et entreprit de grignoter son pain acheté le matin.

 

" Bonjour " Chris sursauta, il n'avait pas entendu arriver l'homme qui le dévisageait. Ce dernier lui
proposa pour toute introduction de pénétrer dans sa demeure pour s'abriter du vent et boire un thé.


" C'est que je suis en panne d'essence et je voudrais poursuivre ma route " s'empressa de dire Chris.


" Tu as le temps, viens te reposer un peu chez moi " répliqua son interlocuteur.


Tout en préparant le thé, l'homme observait du coin de l'oeil ce motard étranger mal à l'aise, nerveux, inquiet. Il se garda bien de lui en faire la remarque et entama la conversation en lui demandant d'où il venait. Il l'écouta sans l'interrompre et finit par lui poser une question : " Tu n'as pas eu peur de venir en Algérie ? ".


Chris , un peu interloqué, avoua à demi-mot son inquiétude depuis son arrivée dans son pays.


" Tu sais, rajouta son compagnon, j'ai deux fils qui vivent en France et ils me racontent régulièrement l'image qui est donnée de mon pays par les journaux et la télévision. Je suis heureux que tu sois ici car tu verras que la réalité est toute autre. Dis toi que le peuple algérien a subi, d'abord un pouvoir corrompu qui se partageait les richesses nationales, puis cette violence qui s'est installée chez nous. C'est beaucoup de souffrance pour nous au quotidien et le fait d'avoir été rejeté par de nombreux pays occidentaux fut encore plus dur à accepter. Essaie d'oublier tout ce que tu as entendu ou vu sur l'Algérie. Laisse de côté tes craintes ; chez nous, on dit que tout est écrit , tu n'as pas à avoir peur du lendemain car tu n'en as pas la maîtrise. Vis chaque jour qu'Allah t'offre. Tu m'as dit que tu avais quitté ton travail du jour au lendemain pour t'engager dans ce long voyage, tel est donc on destin et je suis sûr que tu vas te découvrir en parcourant les pays avec ta moto. Aie confiance en toi, laisse parler ton coeur et forge TA vérité en sillonnant mon pays ".


Chris sentit la honte l'envahir. Comment avait-il pu être aussi méfiant. Il ne savait quoi dire et il écouta avec beaucoup de respect cet homme si sage qui lui parlait comme à un ami, le rassurait et lui redonnait confiance en lui. Mohamed l'invita à passer la nuit chez lui avant de se mettre à la recherche de carburant. Avant de se coucher, il l'emmena derrière sa maison et leva les yeux au ciel.

" Regarde ces milliers d'étoiles qui nous entourent ; j'aime les contempler, elles m'aident à penser et me font prendre conscience de la poussière que je suis dans l'univers. Et, en même temps, elles m'apportent le calme qui me fait parfois défaut ".

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C'est le braiment d'un âne qui réveilla Chris. Il avait beaucoup réfléchi aux paroles de Mohamed avantde sombrer dans un sommeil réparateur. Il resta longuement étendu, les yeux ouverts, à l'écoutedes bruits provenant de l'extérieur. Puis, il se leva ; la maison était déserte. Il sortit, s'appuya contre le mur et laissa la chaleur des rayons du soleil le pénétrer.

Sa moto l'attendait patiemment posée sur sa béquille latérale mais il sut qu'il ne reprendrait pas la route aujourd'hui. Pour la première fois depuis très longtemps, il avait envie de ne strictement rien faire. Quand Mohamed revint en fin de matinée avec une bouteille remplie d'essence, Chris lui dit simplement : "J'aimerais rester un peu plus ". Son hôte accueillit sa décision avec un grand sourire.

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" Mes pensées t'accompagneront tout au long de ton voyage " furent les dernières paroles de Mohamed alors qu'il serrait Chris dans ses bras. Ce dernier était ému jusqu'aux larmes quand il réveilla le moteur de sa Transalp après cette pause salutaire d'une semaine.

Durant tout ce temps, Mohamed lui avait fait découvrir son mode de vie en l'emmenant chez ses amis, auprès de sa famille. Chris avait été surpris par cette simplicité dans l'accueil qui lui était réservé à chaque fois. Il gardait un souvenir tout particulier de la dernière soirée au cours de laquelle il avait enfin osé sortir son harmonica devant les vingt personnes présentes ; il avait joué des heures durant jusqu'à l'épuisement accompagné par les youyous des femmes et par les hommes qui scandaient la musique en frappant leurs mains. C'était sa manière de remercier toutes ces personnes qui l'avaient accepté dans leur maison.