En novembre 2022, lors de ma première visite du salon EICMA de Milan, j'avais été interpelé par une moto de 800 cm³ d'une marque chinoise que je découvrais, Kove. La simplicité de son dessin et sa légèreté annoncée avaient attiré mon attention. Elle s'éloignait des motos chinoises que je trouvais souvent trop surchargées esthétiquement.
Vendredi 30 mai 2025. La chaleur vient soudainement de s'abattre sur Tarbes mais il en faut plus pour me décourager. Etienne, de la concession Royal Enfield (et depuis peu Kove), pouvait me laisser la moto pendant la pause de midi. Un peu plus de deux heures au guidon, cela allait me permettre de me faire une idée assez précise de ce tout nouveau trail.
Ma première impression est bonne. Les lignes de la moto respirent la simplicité et j'apprécie la sobriété générale de cette Kove … et aussi l'absence du bec de canard trop souvent utilisé sur les trails chinois et qui alourdit l'esthétique. L'examen de cette Kove donne l'impression qu'aucune pièce n'a été autorisée à être installée sur la machine si elle n'était pas strictement indispensable. Au final, cela donne un poids annoncé de 190 kg seulement avec les pleins, soit 7 kg de moins que ma CB 500 X ! J'ai hâte de lire les résultats de la presse après pesage pour vérifier si le constructeur ne se révèle pas trop optimiste…
Avant que j'enfourche la moto, Etienne appuie sur le bouton de démarreur. Pas besoin de me faire un dessin, c'est bien un moteur KTM qui se réveille et ce n'est pas une bonne nouvelle pour moi acoustiquement parlant. En effet, le bicylindre de la marque autrichienne manque singulièrement de charme avec beaucoup de bruits mécaniques (métalliques plutôt, me dit Etienne) pendant qu'il chauffe. Rien à voir avec la très belle sonorité qui se dégageait du moteur de la Bear 650!
Pour être plus précis au sujet de la motorisation, il semblerait que ce moteur soit une production maison de Kove mais les similitudes avec le moteur autrichien sont criantes ( calage à 285 degrés, dessin des carters très proche, sonorité avec les bruits mécaniques qui vont avec...). On va dire qu'il y a une très forte ressemblance entre les deux moteurs...
Je m'installe avec une bonne surprise à la clef, une hauteur de selle plutôt mesurée malgré des débattements de suspensions de 240 mm aussi bien à l'avant qu'à l'arrière. Avec mon 1,74 m, j'ai le devant des bottes bien posé sur le sol. Pourtant, le constructeur annonce 875 mm (avec possibilité de descendre à 865 mm). Comme quoi, les chiffres sont une chose, mais la forme de la selle, la finesse de la moto (évidente sur cette Kove) sont au moins aussi importants. En tout cas, je me sens bien sur cette 800 qui se manie très bien à l'arrêt et semble montrer que le faible poids annoncé est réel.
Assez bavardé, il est temps pour moi de rouler. J'ai devant moi un tableau de bord très vertical et lisible. Cette Kove possède deux modes de conduite et je débute avec le mode ECO.
La position de conduite est naturelle avec les jambes dépliées et un guidon large idéalement placé pour moi. Je note tout de suite que la moto est facile à mener et je l'inscris dans les deux ronds points avec aisance.
Alors que je me dirige vers mon parcours favori proche de la concession, je suis attentif aux réactions du moteur. Habituellement, les motorisations du constructeur autrichien ne correspondent pas exactement à ce que je recherche car je les trouve souvent trop dynamiques. Qu'est ce qu'il donne sur cette Kove ? Sans surprise, je retrouve les caractéristiques du moteur de la KTM 790 Adventure que j'avais essayée en 2019.
Voilà notamment ce que j'avais écrit: "Il est pousse au crime, ce 800 cm3, au point que j'oublie un instant ma réputation de motard calme. Difficile de rester insensible face à une telle énergie communicative!".
Même s'il est difficile de faire une comparaison précise 6 ans après, je trouve cependant que, sur la Kove, le bicylindre est peut-être un petit peu moins explosif. Il n'en reste pas moins très volontaire et je constate tout de suite qu'il m'est difficile de ne pas dépasser les 4000 tours/minute que je me suis fixé pour ce début d'essai afin de tenir compte des 30 petits kilomètres affichés sur cette moto. En cela, il a gardé les gènes du moteur autrichien. Cela se ressent également lors du passage des vitesses. Je suis un adepte de la fluidité maximale dans cet exercice et, sur cette Kove, cette continuité recherchée n'est pas toujours au rendez-vous, la faute à une réactivité trop vive à la remise des gaz sur le rapport supérieur. Et c'est en mode "pépère" que c'est le plus flagrant. Car, dès que j'instille un rythme plus soutenu, cela devient plus fluide. Il y a là comme une incitation à un pilotage soutenu... La boîte de vitesses se fait oublier avec un sélecteur précis.
J'attaque la montée du bois du commandeur. La moto confirme sa neutralité de comportement. Elle s'inscrit naturellement dans les virages avec la petite inertie dans la mise sur l'angle propre aux motos munies d'une roue de 21 pouces et de grands débattements de suspensions. Personnellement, c'est une caractéristique que j'apprécie beaucoup d'autant que le train avant de la moto fait preuve d'une réelle agilité. Je commence à penser que le poids annoncé n'est pas de la publicité mensongère...
Quelques virages serrés obligent à des freinages plus appuyés; le levier répond présent sans mordant excessif, correspondant à ce que l'on peut attendre d'un trail avec une certaine orientation tout terrain. Quant à la pédale de frein, elle est immédiatement accessible et seconde le frein avant en montrant une belle progressivité. Je l'ai vite en main (en pied plutôt...) pour m'aider à négocier les virages serrés et tenir la corde.
J'aime le ressenti du train avant qui me met en confiance alors que je poursuis mon parcours très sinueux et au revêtement changeant. C'est l'occasion de m'attarder sur les qualités des suspensions. Auparavant, la fourche avait montré une plongée franche au freinage, rien de très étonnant avec 240 mm de débattement. Sur les nombreuses cassures, je trouve que ça "tape" un peu trop à l'arrière. Je m'attendais à une meilleure qualité d'amortissement mais il est vrai que l'amortisseur a peut-être besoin d'un peu de roulage et qu'il offre des possibilités de réglage que je n'ai pas le temps de tester ( en plus de la précharge du ressort, il y a un réglage en détente et en compression à l'avant comme à l'arrière).
Le moteur montre toujours son goût pour les montées en régime. On est loin de la linéarité des motorisations Honda. Même si cela ne correspond pas à mon style de conduite, je dois reconnaître que ce bicylindre est bien né. Vaillant, avec un couple solide, secondé par une boite de vitesses rapide, il permet de se faire plaisir tout en maîtrise. Car, même s'il est dynamique, il n'en reste pas moins très exploitable. C'est au niveau de la souplesse qu'il peut montrer quelques limites. S'il est possible de négocier une épingle à cheveux en 3ième à 2000 tours/minute, il vaut mieux éviter la même chose sur le rapport supérieur car il renâcle alors un peu. Dans les rares lignes droites, la moto file à 94 km/h à 4000 tours/minute et 116 km/h à 5000 tours/minute.
Au fil des kilomètres et des arrêts photos, la Kove continue de montrer de réelles dispositions aux manoeuvres à très basse vitesse. Les demi-tours se font sans aucune appréhension même si je ne serais pas contre un rayon de braquage encore plus réduit. Elle est facile, cette moto, et c'est aussi le cas quand elle plonge dans les multiples virages sans nécessiter d'effort particulier et en donnant un indéniable sentiment de sécurité, bien aidé en cela par la monte d'origine, des Pirelli Scorpion Rally STR. La vision d'un amortisseur de direction m'avait interrogé car je craignais qu'il ne génère un peu de lourdeur dans la direction, mais ce n'est pas du tout le cas.
Après un bref passage à la tour de Montaner, je m'en vais rejoindre la portion de route particulièrement défoncée entre Séron et Saubole afin de tester de nouveau les suspensions sur les plus mauvais revêtements. C'est confirmé, dans ces conditions, l'amortisseur (et dans une moindre mesure la fourche) montre ses limites. Je dois préciser que, au fil des années, je suis devenu particulièrement sensible sur le sujet d'autant que je roule avec du matériel de qualité ( amortisseur Fournalès et cartouches de fourche EMC) et que mon corps s'est habitué à un haut niveau. La moto est vendue 9999 euros et il est probable que, à l'instar des constructeurs japonais, les marques chinoises doivent également faire des choix économiques pour arriver à tenir des coûts de production contenus. Et l'on sait que des suspensions de qualité coûtent cher!
A l'occasion d'un nouvel arrêt, je passe en mode Sport. A noter que le commodo gauche permettant de naviguer est très simple à utiliser, même pour un dinosaure comme moi! Etonnamment, c'est ce mode qui me convient le mieux. La poignée de gaz est certes plus réactive mais ma longue expérience me permet de gérer cette caractéristique et je trouve que son maniement et les réactions du moteur qu'elle provoque sont plus naturelles.
Cette facilité est dans la lignée des caractéristiques générales de cette moto qui semble avoir fait le choix intelligent d'une simplicité dans tous les domaines (esthétique, équipement, technologies). C'est en cela qu'elle se démarque des autres marques chinoises qui ont parfois trop tendance à rentrer dans la surenchère au niveau des équipements.
Elle n'est pas dépouillée pour autant avec des jantes Akront à rayons tangenciels tubeless, un sabot de protection en aluminium, un porte bagages, des barres de protection (discrètes), un branchement USB, un amortisseur de direction. Il manque toutefois des pare-mains. Quant à la bulle, elle est de taille limitée mais sa protection m'a paru assez bonne; mon parcours assez sinueux n'est toutefois pas assez représentatif pour réellement juger de son efficacité.
Au niveau du confort, la selle n'est pas très grande non plus, surtout à l'arrière, mais je la trouve assez prévenante pour mon fessier de gros rouleur; toutefois, deux petites heures de roulage sont insuffisantes pour un avis éclairé sur le sujet.
Comme à mon habitude, je ne me suis pas aventuré sur les chemins, hormis une rapide incursion car 190 kg représentent un poids trop élevé pour une telle utilisation. Cela fait longtemps que les photos des constructeurs montrant leurs trails dans des séances de tout-terrain engagé me font doucement sourire. J'ai quand même pu constater que la position debout est excellente et que la moto se manie avec toujours autant de facilité. Ses dimensions réduites et son poids contenu sont un réel argument.
Sur le chemin du retour, alors que je hausse le rythme, je me dis que Kove a bien travaillé pour proposer une moto à la personnalité bien marquée à laquelle j'adhère. J'aime sa spécificité, cette volonté d'aller à l'essentiel. Et la durée relativement longue de mon essai me permet de rentrer de plus en plus en phase avec cette Kove 800 au guidon de laquelle je me fais plaisir . J'ai peu à peu intégré ce petit défaut mentionné au début de mon article en gérant au mieux le relâcher et l'accompagnement du levier d'embrayage pour adoucir les passages de rapports. Mais cela nécessite une certaine concentration. De 4 à 6000 tours/minute, le bicylindre change de caractère et le régime moteur semble vouloir partir à l'assaut des sommets; mais il est hors de question pour moi de me laisser griser avec un moteur si peu kilométré. J'ai le respect de la mécanique bien ancré en moi et ce n'est pas aujourd'hui que je vais changer...
Au tableau de bord, la consommation moyenne affichée depuis le départ est de 4,8 litres/100.
L'essai tire à sa fin et le bilan que j'en tire est positif. Cette moto est très homogène et, hormis des suspensions perfectibles et un moteur trop joueur pour moi, je n'ai pas de gros reproches à lui faire. Je loue au contraire cette volonté de sobriété générale qui va dans le sens d'une réelle efficacité en toute simplicité. Dans la catégorie des trails de moyenne cylindrée, c'est la moto chinoise qui me parait la plus aboutie en optant pour cette voie intelligente de l'essentiel. Et avec comme conséquence un poids contenu, contrairement à ce que l'on trouve sur beaucoup de motos chinoises.
Pour la résumer, comparée à ses concurrentes chinoises utilisant trop souvent les mêmes recettes et qui ont parfois du mal à se démarquer les unes des autres, je parlerai d'une moto différente.
Intelligemment différente.
PS: à deux reprises, j'ai eu beaucoup de mal à passer le point mort à l'arrêt alors que j'étais sur le 2ième et 1er rapport. Caractéristique spécifique à cette moto d'essai ou défaut généralisé?
PS 2: Comme c'est le cas pour la CF Moto MT 450, la fréquence des révisions est fixée tous les 5000 kilomètres (12 000 kilomètres pour ma Honda). C'est pénalisant pour les gros rouleurs comme moi et c'est un domaine que les constructeurs chinois vont devoir améliorer pour se mettre au diapason des autres fabricants de motos.
Caractéristiques techniques
Moteur Bicylindre parallèle, 4 temps, 8 soupapes, DOHC.
Modes de conduite SPORT et ECO
Système de contrôle de traction Standard, Mode pluie et OFF
Refroidissement Liquide
Cylindrée 799 cc
Alésage X course 88 x 65,7mm
Puissance maximale 69,5 kW (94,5 CV) / 9.000 tr/min
Couple maximal 80 Nm / 7.500 tr/min
taux de compression 13:01
Boîte de vitesses Manuelle à 6 rapports
Système d'injection EFI BOSCH
Châssis Double poutre en acier haute résistance
Bras oscillant Double bras en aluminium
Repose pieds Alliage d’aluminium
Jantes Akront Tubeless, Rayons
Pneus Avant : 90/90-21”.
Arrière : 150/70-18” Pirelli Scorpion Rally SRT.
Suspension avant Fourche inversée KYB multi-réglable (précharge, extension et
compression) de 48 mm. Débattement : 240 mm
Suspension arrière Mono-amortisseur KYB multi-réglable (précharge, extension et
compression). Débattement : 240 mm
Frein avant Double disque type wave de 310 mm avec étriers radiaux Taisko
à quatre pistons
Frein arrière Disque type wave de 220 mm avec étrier Taisko à un piston
Système ABS Double canal déconnectable. 3 modes : ABS sur les deux roues,
sur la roue avant seule ou sur aucune roue
Dimensions (longueur, largeur, hauteur) 2.240 x 895 x 1.385 mm
Garde au sol 275 mm
Empattement 1.520 mm
Hauteur de selle 875 mm – 865 mm* (*réglage des biellettes ou du débattement des suspensions)
Hauteur totale 1.385 mm
Poids à vide 171 kg
Capacité du réservoir 19 L
Poids en ordre de marche 190 Kg
Tableau de bord TFT 7” - Affichage vertical (connectivité optionnelle via
l’application ThinkerRide)
Eclairage Full LED et système LDR (Light Duty Running)
Couleurs disponibles Vert et Gris
Prix: 9999 euros