Sortie de mon premier roman : L’araignée et les volets de bois

BFG 1300, la motomobile

Je me souviens de ce 15 mai 1980 quand mon hebdo favori avait présenté un court essai de la future moto française dont on parlait depuis maintenant deux ans. Conçue et réalisée avec des moyens financiers limités, elle avait dû faire l’impasse sur la conception d’un moteur spécifique et c’est vers l’industrie automobile que les trois hommes qui avaient créé BFG s’étaient tournés. Le quatre cylindres à plat de la Citroën GS avait été retenu.

 

Louis Marie Boccardo, Dominique Favario et Thierry Grange avaient réussi à développer une transmission maison après l'utilisation d'éléments Moto Guzzi sur le premier prototype.

Deux années plus tard, c'est la moto définitive qui était présentée et mise en vente.

Je me souviens de celle que je voyais tous les jours à la base aérienne de Mont de Marsan où j'effectuais mon service militaire. Le propriétaire démarrait systématiquement sur un rapport supérieur et la moto tractait l'ensemble sans problème.

 

Malheureusement, l'histoire s'acheva assez rapidement avec le rachat de l'entreprise par MBK à Saint Quentin, puis l'Atelier Précision, fabricant de side-cars, continua à assembler quelques machines. Au total, 600 motos environ furent produites.

 

Le 7 septembre 2022, je suis en route pour l'Alpes Aventure Motofestival à Barcelonnette, un superbe évènement dédié au voyage à moto. Comme je n'aime pas les lignes droites, c'est par des chemins détournés que mon itinéraire se déroule et c'est ainsi que je fais halte chez Jan Jac, possesseur d'une Honda CB 500 X, comme moi. Et, dans son garage, se trouve …. une BFG. Il me propose alors de l'essayer. Fatigué par ma longue journée de route et voyant le revêtement mouillé, je refuse raisonnablement. « Tu vas le regretter » me dit Jan Jac. Je finis par accepter car, tout au fond de moi, il y a une forte envie de chevaucher cette rare moto. Cela fait 6 mois quelle n'a pas tourné mais elle démarre au premier coup de démarreur dans un bruit très feutré. Je m'installe dessus. C'est qu'elle est imposante, la bougresse !

 

Je débraye pour passer la première. Qu'elle est dure, cette commande d'embrayage ! Par la suite, il n'est (heureusement!) pas nécessaire d'actionner complètement le levier pour monter les rapports.

Pour l'instant, je suis en mode découverte prudente de cette imposante moto sur une route étroite et mouillée. La boîte de vitesses ne ressemble à aucune autre, la moto dans son entier est de toute façon unique. Se retrouver au guidon d'une BFG représente une expérience hors norme.

 

Alors, je découvre lentement les caractéristiques de l'ensemble, une boîte de vitesses plutôt lente et parfois sujette à des claquements. Nous quittons la ville et je décide de rester en 5ième pour ne plus avoir à être perturbé par cette boîte. Cela tombe bien, comme je l'avais lu à l'époque dans les essais de la presse, le quatre cylindres fait preuve d'une souplesse extraordinaire. Quand j'accélère, j'ai l'impression qu'il ne se passe pas grand-chose. Je m'attendais à des reprises plus coupleuses de la part d'un moteur de si grosse cylindrée mais l'alimentation par un unique carburateur explique peut-être un tel comportement mécanique.

 

Pour en rester au niveau du moteur, je cherche à définir le bruit mais je n'y arrive pas. Il émane de ce dernier un léger bruit étrange, impossible à comparer avec tout ce qui roule sur deux roues. Lors d'un bref arrêt, Jan Jac m'explique que cela vient des pignons de boîte à taille droite. Lorsque nous repartons après une petite séance photos, j'accélère au point mort et je peux enfin profiter du beau bruit sourd du quatre cylindres à plat. Dommage qu'il soit absorbé par cette boîte de vitesses.

 

 

La route s'assèche et les virages sont moins piégeux. Je commence à être plus détendu sur cette moto dont je sens nettement la longueur. Malgré une fourche un peu fatiguée (la moto a 270 000 kilomètres!), la moto s'inscrit bien dans les virages si je lui donne les bonnes instructions ; c'est le cas, je suis nettement moins timoré et je commence à me sentir à l'aise dessus. Je garde en tête que le freinage n'est pas d'une puissance extraordinaire et évite de trop me lâcher. A 90 km/h, le moteur tourne à 3500 tours/minute, soit plus qu'une Honda NCX 750. je m'attendais à des régimes encore plus bas. Le carénage semble protecteur et la vision du tableau de bord de la Renault 5 Alpine est la démonstration que les fondateurs de BFG ont dû faire avec les moyens du bord.

Au fil des kilomètres, je commence à m'attacher à cette moto qui se révèle saine dans son comportement une fois assimilées ses particularités.

Les amortisseurs assurent bien leur travail ; ce sont des Fournalès qui totalisent 200 000 kilomètres.

Je tente le démarrage en 3ième ; cela se fait sans problème sans avoir à faire cirer l'embrayage. Je me retrouve donc avec trois rapports seulement, ce qui est une bonne alternative pour faire face à une boîte de vitesses perfectible.

Difficile de se prononcer sur le confort pendant un essai aussi court mais j'ai le sentiment qu'il doit être plutôt bon.

Le moteur recueille mon assentiment. Même si le bruit qu'il dégage manque de noblesse, il possède un velouté assez extraordinaire qui m'a fait penser au six cylindres de la Honda Gold Wing, sacrée référence en la matière. C'est peut-être l'équilibre naturel de ce type de moteur qui génère cette extrême onctuosité. Et, coté robustesse, les 270 000 kilomètres affichés se suffisent à eux-mêmes.

La balade du soir se termine juste avant l'averse ; je ne pourrai donc pas donner d'avis sur la protection par temps de pluie…

 

L'essai de cette rare moto fut un beau cadeau. Merci Jan Jac de m'avoir confié les clefs de ta BFG. J'ai vécu un grand moment à son guidon